« Quinze ans après l’entrée en vigueur de l’aménagement et de la réduction du temps de travail dans la fonction publique (ARTT), le Premier ministre a souhaité qu’un bilan soit établi des pratiques mises en place par les employeurs ainsi que de leurs conséquences sur les obligations professionnelles des agents et sur les nécessités de service ».
La première partie de ce rapport évoque « un temps de travail régi par des règles très proches de celles du secteur privé et dont l’organisation a peu évolué ». La mise en place de l’aménagement du temps de travail n’était au départ pas prévue dans la fonction publique. Concernant la fonction publique hospitalière, le rapport évoque des négociations précipitées ayant conduit à des accords inégaux : « l’ajout successif de textes parfois disparates, sans stratégie de gestion des ressources humaines et surtout sans cohérence interne, conduit aujourd’hui à une réalité : presqu’aucun cycle de travail ne respecte toutes les règles (repos du dimanche, quatre repos hebdomadaires sur 14 jours, un week-end de repos sur deux, semaine de moins de 44 heures, semaine calendaire ou glissante) ». Une première proposition consiste donc à aligner le temps de repos quotidien minimum de la fonction publique hospitalière sur celui des autres fonctions publiques et de supprimer le jour de fractionnement.
La deuxième partie de ce rapport expose « un temps de travail affecté par les particularités des missions et dont l’organisation n’est pas toujours adaptée aux besoins du service ». Ainsi, 36,7% des fonctionnaires travaillent le dimanche même occasionnellement (64% dans la fonction publique hospitalière), pour 25,8% de salariés dans le secteur privé et 17,5% travaillent la nuit (32,3% dans la fonction publique hospitalière), pour 14,9% dans le secteur privé. « Ces contraintes sont plus fréquentes dans l’hospitalisation, tant publique que privée, en raison de la nature différente des activités : ainsi, selon l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), les établissements privés, qui assurent au total 36% des séjours, prennent en charge 68% des séjours de chirurgie ambulatoire, activité qui ne nécessite pas de personnel de nuit, alors que les hôpitaux publics prennent en charge la majorité des diagnostics à fort taux d’hospitalisation complète (71% des séjours en hospitalisation complète contre 45% dans le privé). Le secteur public assure aussi 80% des urgences dont 94% pour les urgences pédiatriques ». La principale modalité de compensation des contraintes des fonctionnaires hospitaliers « n’a pas consisté en une rémunération complémentaire mais en une réduction du temps de travail », ce qui « aboutit à ce que les agents de nuit effectuent, selon les enquêtes, de 1 446 h 30 à 1 469 heures par an, et les agents en repos variables, de 1 530 heures à, plus fréquemment, 1 547 heures ». Ces contraintes se traduisent par ailleurs par un mécanisme d’astreinte, qui, concernant la fonction publique hospitalière, est « un moyen indirect de pallier le manque d’attractivité des métiers de santé sous tension à l’exemple des infirmiers d’anesthésie, de bloc ou des cadres informatiques », sans oublier le corps médical. Le rapport indique que la diversité des horaires répond également aux aspirations des agents, bien que « les horaires sont très généralement imposés aux agents » dans la fonction publique hospitalière. La mission relève que le travail en 12 heures « suscite de nombreuses préoccupations : fatigue des personnels, surtout en cas de succession de trois jours de 12 heures, même si la doctrine médicale reste imprécise ; sécurité des patients, notamment si cette concentration de travail permet à certains agents de cumuler avec un emploi en intérim, ce qui est pourtant interdit ; difficultés à réaliser les transmissions entre équipes de jour et de nuit ». La banalisation de ce cycle de travail dérogatoire « n’est pas sans risque pour l’organisation collective du travail ce qui nécessite de fixer des règles précises et négociées ». Enfin, la mission recense un stock important d’heures supplémentaires ni payées ni rémunérées : « les établissements ne sont toujours pas en mesure, via leurs outils de suivi, de cerner les causes de ces dépassements (plannings générant « structurellement » des heures supplémentaires, mauvaise coordination entre personnel médical et non-médical, dépassement des horaires pour pallier une absence) ». Est également évoqué le sujet des comptes épargne-temps, qualifiés de « bombe à retardement », peu d’établissements hospitaliers ayant choisi de transformer ces heures en jours de CET en fin d’année « car cela les conduirait à provisionner les montants correspondants ».
La dernière partie du rapport porte sur la gestion du temps de travail, notamment à travers le manque de lisibilité des dispositifs d’autorisations spéciales d’absence. Les débats relatifs à l’usage de la badgeuse sont exposés, étant noté que la culture du service public joue un effet déterminant : « les agents du service public gardent ancrée en eux la volonté de répondre aux besoins de la collectivité, tout particulièrement en cas d’évènements graves ou imprévus ». La responsabilité managériale concernant le contrôle du temps de travail est mise en avant, une « nécessaire professionnalisation » concernant « d’ailleurs tous les niveaux hiérarchiques des administrations » devant être axée sur les missions d’information et de formation sur les droits et obligations de chacun. Concernant le temps de travail de l’encadrement, le rapport relève « un temps de travail excessif » qui « crée une situation inquiétante » : le forfait « a eu tendance à devenir extensible dans un système où le cadre seul présent en permanence, notamment en soirée, doit pallier les absences de ses subordonnés ». Enfin, la mission estime que la révolution numérique impacte profondément le temps de travail : « la montée continue du nombre de courriels quotidiens à traiter se traduit par une forme de sollicitation permanente qui a rendu poreuses les parois entre vie professionnelles et vie privée ». Elle préconise à cet égard des expérimentations relatives à la maîtrise de la messagerie et des courriels et de former systématiquement les cadres au e-management. Enfin, le rapport évoque les craintes suscitées par le télétravail sur le collectif de service, avant de conclure sur le fait que « le temps de travail ne doit plus être considéré comme une variable d’ajustement ou le palliatif d’autre problématiques ».