Les faits
Le 22 juin 2017, une jeune fille âgée de 14 ans, souffrant d’une myasthénie auto-immune, est victime à son domicile d’un arrêt cardiorespiratoire. Elle est réanimée et transférée au service de réanimation pédiatrique d’un centre hospitalier universitaire (CHU) où une ventilation mécanique est mise en place. Son état pauci-relationnel confirmé.
Le 7 juillet 2017, une réunion de concertation pluridisciplinaire est réunie, réunion à l’issue de laquelle est préconisé un arrêt des traitements et notamment un arrêt de la ventilation mécanique et une extubation.
Suite au refus de cette proposition par les parents de la jeune fille, une procédure collégiale est organisée.
A son terme, une décision médicale est prise le 21 juillet 2017, confirmant les conclusions de la réunion de concertation pluridisciplinaire. L’arrêt des traitements est différé jusqu’à l’expiration du délai de recours à l’encontre de cette décision.
La procédure
Par requête du 11 septembre 2017, les parents de la jeune fille ont saisi le Tribunal administratif d’un référé-liberté. A titre conservatoire, il a suspendu l’exécution de la décision du 21 juillet 2017 de mettre un terme à l’assistance respiratoire de la jeune fille et a ordonné une expertise médicale.
Suite au dépôt du rapport, la mère de la jeune fille a demandé que sa fille soit maintenue en vie et transférée dans un autre établissement, « afin de renouer une relation de confiance avec une nouvelle équipe médicale ». Les parents font valoir que « s’agissant d’un mineur, l’hôpital ne peut passer outre l’avis des titulaires de l’autorité parentale » ; plus particulièrement, la mère de la jeune fille considère ne pas bénéficier d’informations complètes concernant la prise en charge et conteste les termes et les conclusions du rapport d’expertise, estimant que « les experts n’ont pas procédé à un examen médical complet ni fait procéder à de nouveaux actes d’imagerie médicale ».
De son côté, le CHU indique avoir saisi le procureur de la République « afin d’obtenir un transfert partiel de l’autorité parentale pour permettre la réalisation de certains actes rendus nécessaires par l’état de santé » de la patiente.
L’ordonnance
1. L’ordonnance rappelle qu’il n’entre dans les pouvoirs du juge des référés-liberté ni d’ordonner une mesure de transfert d’un patient ni de déterminer si, afin de préserver l’intégrité physique d’un patient, « ses parents peuvent être déchus partiellement de l’autorité parentale afin de permettre au centre hospitalier d’obtenir l’autorisation de pratiquer certains actes, tels une trachéotomie ou une gastrostomie ».
2. Concernant le rapport d’expertise, l’ordonnance indique qu’il en résulte que la patiente « est placée en permanence en état de décubitus dorsal, intubée, ventilée artificiellement et porteuse d'une sonde naso-gastrique et d'une sonde oro-pharyngée en aspiration continue afin d'aspirer les abondantes sécrétions salivaires, étant dans l'incapacité de déglutir de manière autonome ; qu'elle ne présente aucune mobilité, spontanée, volontaire ou en réponse à la douleur ; qu'aucun réflexe cornéen n'est visible ; que si quelques mouvements respiratoires ponctuels capables de déclencher le respirateur ont été observés, de même que l'occurrence d'ouverture spontanée des yeux, il est relevé que ces mouvements sont de plus en plus rares et sont qualifiés de réflexes ; que les experts soulignent que, plus de quatre mois après la survenue de l’arrêt cardio-respiratoire, le pronostic neurologique est catastrophique et qu'… est dans un état végétatif persistant, elle est incapable de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage et le caractère irréversible des lésions neurologiques est certain ; qu'ils concluent expressément au caractère déraisonnable du maintien de l'assistance respiratoire par voie mécanique et du maintien de la nutrition artificielle par une sonde chez cette enfant, en état végétatif persistant ».
3. L’ordonnance relève par la suite que « si, compte tenu de son âge, il était envisageable de s'interroger sur les souhaits d’…, les informations contradictoires relevées dans le dossier sur les avis émis ne permettent pas de déterminer quelle aurait été sa volonté ». Elle indique que « si M. Y et Mme X ont pu considérer que la décision du 21 juillet 2017, intervenant moins d'un mois après l'hospitalisation de leur fille, présentait un caractère prématuré et être en demande d’un avis médical complémentaire par le biais d'une expertise confiée à une équipe pluridisciplinaire d'experts, il résulte de l’instruction, ainsi que de leurs déclarations à l'audience, qu'ils ont progressivement évolué vers une position d'opposition de principe à tout arrêt des soins, et manifestent désormais leur défiance vis-à-vis de l'équipe médicale du CHU, ainsi, d'ailleurs, que des experts désignés, dont ils remettent en cause les conclusions au regard de leur seul ressenti et sans projet réellement construit pour leur fille ».
4. Elle conclut : « en l'absence de contestation sérieuse de l'analyse médicale des services du CHU confirmée par le collège d'experts, la circonstance qu'… soit dans un état irréversible de perte d'autonomie la rendant tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales rend les traitements qui lui sont prodigués inutiles, disproportionnés ou n'ayant pour d'autre effet que le maintien artificiel de la vie ».
5. « Ainsi, et nonobstant l'opposition des parents qui ont toujours été associés à la prise de décision, la poursuite de ces traitements caractérise une obstination déraisonnable, au sens des dispositions de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique ». Elle termine : « par suite, la décision du 21 juillet 2017 d'interrompre la ventilation mécanique et de procéder à l'extubation d'… n'a pas porté, en l'espèce, une atteinte grave et manifestement illégale au respect d'une liberté fondamentale ». Pour autant, « l'exécution de cette décision ne dispense pas l'hôpital de sauvegarder la dignité de la patiente et de lui dispenser les soins palliatifs ».
La requête est rejetée.