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Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 28 mars 2024, n° 22-20.599 (Impartialité, JLD, Soins psychiatriques sans consentement, Mainlevée, Récusation, Suspicion légitime)

Par un arrêt du 28 mars 2024, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée quant à l’impartialité du juge des libertés et de la détention (JLD).

En l’espèce, le 26 mai 2022, une femme a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète. La poursuite de la mesure a été autorisée par un JLD par une ordonnance du 3 juin 2022, confirmée par un arrêt du 17 juin 2022. Cette patiente a alors formé une demande de mainlevée de la mesure. Or, sa demande a été examinée par le JLD qui avait autorisé la mesure.

Estimant que ce juge avait déjà connu de l’affaire, la patiente a sollicité sa récusation et le renvoi pour cause de suspicion légitime. Par un arrêt du 23 juin 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté sa demande. Elle s’est donc pourvue en cassation, estimant que la cour d’appel d’Aix-en-Provence aurait dû « rechercher s’il existait effectivement un motif sérieux rendant absolument nécessaire sa participation à la formation de jugement de [sa] demande de mainlevée des soins psychiatriques sans consentement (…) et dont l’audience était fixée au 22 juin, quand cette même magistrate avait ordonné le maintien de ces mesures de soins le 3 juin 2022, de sorte qu’elle avait à l’évidence eu l’occasion de porter un jugement sur son comportement ».

La deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a tout d’abord rappelé qu’aux termes de l’article L. 111-6 du Code de l’organisation judiciaire, la récusation d’un juge peut notamment être demandée « S’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties ». Elle a ensuite jugé que l’admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète étant une mesure provisoire qui peut faire l’objet à tout moment, indépendamment de son réexamen obligatoire tous les six mois, d’une demande de mainlevée, le défaut d’impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait que celui-ci a précédemment statué, en application de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, sur la poursuite de la mesure. Elle en a conclu que c’est sans méconnaître les dispositions de l’article L. 111-6 du Code de l’organisation judiciaire et de l’article L. 111-6 du Code de la santé publique et de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté les demandes de récusation et de renvoi pour cause de suspicion légitime.

Il ressort de cette décision que si la récusation d’un juge peut notamment être demandée s’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties, tel n’est pas le cas s’il statue sur la mainlevée d’une admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète qu’il a précédemment ordonnée. Cela tient à la spécificité du litige, lequel nécessite une appréciation au fil de l’eau, au regard de l’évolution de l’état de santé du patient. C’est précisément le fait que l’état de santé du patient soit sujet à évolution qui justifie la décision de la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation.