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Département du droit hospitalier et de la démocratie sanitaire

L’équipe du Département du droit hospitalier et de la démocratie sanitaire vous propose une sélection des principaux textes parus durant le mois de novembre. 

Au sommaire de notre newsletter : 

- Une décision de la CJUE relative à la facturation d'une demande de communication du dossier médical ; 

- Une action en justice d'une victime d'un médicament défectueux: application de la responsabilité pour faute en cas de dommage causé par un produit défectueux ; 

- Des précisions sur les modalités de mise en œuvre des diagnostics anténataux ; 

- Des précisions sur les modalités de désignation d'une sage-femme référente par les assurées durant leur grossesse ;

- La publication d'un rapport de la Cour des comptes relatif à la loi de transformation de la fonction publique ;

- La Cour administrative d'appel de Paris approuve une décision d'un directeur de GHU de démettre un chef de service de ses fonctions en raison d'une "perte de confiance".

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Arrêt de la CJUE relatif à la facturation d'une demande de communication du dossier médical

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été saisie par une patiente considérant que le caractère payant de l'accès à son dossier médical est contraire au règlement général sur la protection des données (RGPD). 

La CJUE considère, dans cet arrêt en date du 26 octobre 2023, sur la base du RGPD, que le responsable du traitement des données doit donner accès, gratuitement, à toute information relative aux données de la personne qui en fait la demande. Le motif de la demande d'accès importe peu puisque ni l'article 12, ni l'article 15 du règlement, ne conditionnent l'accès à une copie gratuite à la délivrance d'un motif spécifique. 

Bien que l'interprétation du droit d'accès aux données personnelles soit assez souple, des restrictions sont possibles. En effet, le RGPD prévoit lui-même des possibles restrictions au droit d'accès gratuit, principalement lorsque le responsable du traitement se trouve dans une situation d'abus de droit, c'est-à-dire lorsque la demande est « manifestement infondée » ou bien « excessive », autrement dit « répétitive ». Par ailleurs, le principe de gratuité ne s'applique qu'à la première copie et non aux copies supplémentaires pour lesquelles des « frais raisonnables » peuvent être demandés. 

D'autre part, la CJUE reconnait que le RGPD autorise les autorités nationales à restreindre, d'elles-mêmes, l'accès à une première copie gratuite du dossier médical (article 23, § 1, RGPD), notamment dans le but de protéger « les droits et libertés d'autrui ». Or, la CJUE considère qu'en supprimant tout accès gratuit à une copie du dossier médical, cela pourrait dissuader les personnes d'exercer leur droit d'accès. 

Enfin, concernant le contenu de ce droit d'accès, la CJUE a précisé que c'est bien la copie de l'intégralité du dossier médical qui doit être communiquée. La Cour se fonde notamment sur l'obligation de transmission d'une information claire et facilement compréhensible. À ce titre, il peut être nécessaire de transmettre plus que les simples données traitées en communiquant des extraits de documents, voire même des documents intégraux dans lesquels lesdites données apparaissent. 

En définitif, l'exercice du droit d'accès auprès d'un médecin responsable du traitement des données doit conduire à avoir une copie intégrale de l'entier dossier médical, et ce gratuitement, du moins dans le cadre d'une première demande.

Consulter la décision de la CJUE

Action en justice d’une victime d’un médicament défectueux : application de la responsabilité pour faute en cas de dommage causé par un produit défectueux 

Quatre femmes, à qui avait été prescrit du Médiator sur la période de 2004 à 2010 et qui ont présenté des lésions cardiaques, ont assigné le laboratoire Servier (société productrice) sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Dans un arrêt en date du 7 juillet 2022, la cour d’appel de Versailles a déclaré l’action irrecevable car prescrite.

Les requérantes ont donc fondé leur action sur une faute distincte du simple défaut de sécurité de produit. Elles reprochent à la société productrice de s’être volontairement abstenue de toute mesure pour suspendre la commercialisation du médicament et d’avoir délibérément maintenu celui-ci en circulation, alors qu’elle connaissait sa dangerosité (articles 1240 et 1245-17 du code civil).

La Cour de cassation se fonde sur l’article 13 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux qui instaure une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit pour casser l’arrêt d’appel.

La première chambre civile a ainsi jugé que la faute, permettant aux victimes d’invoquer la responsabilité civile de droit commun, pouvait correspondre au fait, pour un producteur, de maintenir en circulation un produit dont il connaît le défaut ou de manquer à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit.

Consulter la décision

Précisions sur les modalités de mise en œuvre des diagnostics anténataux

Un décret du 13 novembre 2023 fixe les conditions de mise en œuvre des diagnostics anténataux en application des articles 25, 26 et 37 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.

Il précise les modalités d’information de l’autre membre du couple dans le cadre du diagnostic prénatal, lorsque la femme enceinte y consent. De plus, il complète les modalités d'information actuelles de la femme enceinte pour y ajouter celles relatives à la découverte de caractéristiques génétiques fœtales sans relation avec l'indication initiale de l'examen, ainsi qu'à leurs conséquences éventuelles.

Il élargit, en outre, la saisine du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) à tout médecin suivant la grossesse et l'autorise à délivrer à la femme enceinte des informations en lieu et place du centre. Le texte adapte les procédures d'autorisation des CPDPN et des centres de diagnostic préimplantatoire (CDPI). Il clarifie les différentes étapes aboutissant à la réalisation d'un diagnostic préimplantatoire et introduit, notamment, une obligation de traçabilité et de désignation d'un coordonnateur.

Enfin, il précise le rôle élargi de la sage-femme dans la concertation qui a lieu en cas d'interruption médicale de grossesse.

Les dispositions du décret sont entrées en vigueur le 16 novembre 2023. Toutefois, les procédures de diagnostics anténataux (diagnostics prénataux et diagnostics préimplantatoires) engagées avant le 1er janvier 2024 restent régies par les dispositions antérieurement applicables.

Consulter le décret

Précision des modalités de désignation d’une sage-femme référente par les assurées durant leur grossesse

Un décret du 9 novembre 2023 fixe les conditions de désignation d’une sage-femme référente par les assurées durant leur grossesse.

L’assurée ou l’ayant droit a la possibilité de déclarer, à compter de la première constatation médicale de la grossesse et au plus tard avant la fin du cinquième mois, le nom de la sage-femme référente qu’elle a choisie, avec son accord. Il est précisé que « lorsque l'assurée est mineure, la déclaration de la sage-femme référente est réalisée avec l'accord d'au moins un des deux parents ou du titulaire de l'autorité parentale ».

Les missions de la sage-femme référente sont les suivantes : elle assure la coordination des soins de l'assurée en lien avec le médecin, pendant et après la grossesse et l'informe notamment des rendez-vous du parcours de grossesse, du suivi postnatal et du suivi médical du nourrisson, réalise la majorité des rendez-vous du parcours de grossesse, assure un rôle de prévention tout au long de ce parcours et de coordination avec la maternité pour organiser et réaliser le suivi postnatal de la patiente.

Le décret est entré en vigueur le 12 novembre 2023.

Consulter le décret

Rapport de la Cour des comptes relatif à la loi de transformation de la fonction publique

Trois ans après la promulgation de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (LTFP), la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes ont dressé un premier bilan de la mise en œuvre de ses principales mesures. A cet égard, la Cour constate plusieurs défaillances quant au cadrage et au suivi de ces mesures nouvelles, et souligne le retard pris dans la publication de certains textes d’application. 

Bien que les employeurs publics aient de plus en plus de mal à recruter par la voie du concours, la Cour des comptes critique, dans son rapport, « l’attentisme » des employeurs publics envers les dispositifs de la LTFP venant faciliter le recrutement d’agents contractuels. Compte tenu de la « montée en puissance » des agents contractuels, la Cour souligne l’importance de rechercher un cadre de gestion approprié à ces personnels. 

D’autre part, la Cour des comptes remarque que de nombreux freins empêchent la mise en œuvre des nouveaux instruments visant à transformer la gestion des ressources humaines et à rénover les modalités d’organisation des concours pour fluidifier les recrutements. A cela s’ajoute un problème de connaissance des perspectives d’évolution de leur carrière par les candidats et des différences d’organisation des employeurs publics. 

Pour finir, selon la Cour des comptes, il semblerait que les dispositions de la LTFP relatives à l’harmonisation et l’optimisation du temps de travail aient été mises de côté, alors que la loi prévoyait un calendrier prioritaire de mise en œuvre. C’est en particulier le cas pour le respect de la durée légale du travail. 

Les juridictions financières ont formulé des recommandations pour assurer la pleine application de l’ensemble des dispositions de la LTFP, et notamment :

- Proposer des cadres de gestion pour le parcours professionnel et la rémunération des agents contractuels ;

- Développer les concours nationaux à affectation locale et élargir la possibilité de recrutement sur titres ;

- Rendre publics, sous une forme anonymisée, les questions et avis les plus récurrents et significatifs concernant les conflits d’intérêts.

Consulter le rapport

La Cour administrative d’appel de Paris approuve une décision d’un directeur de GHU de démettre un chef de service de ses fonctions en raison d’une « perte de confiance »

Un chirurgien à l’hôpital Cochin, professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH) depuis 1999, a été nommé chef de service par arrêté du 12 juin 2012. Par arrêté du 22 juin 2020, le directeur du groupe hospitalier universitaire (GHU) Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) Centre Université de Paris a décidé de mettre fin à ses fonctions de chef de service dans « l’intérêt du service ». Par un jugement n° 2018098/2-2 du 29 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande du chef de service d’annuler la décision du 22 juin 2020. Le chef de service a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris. 

En vertu de l'article R. 6146-5, alinéa 1er, du code de la santé publique et de l’article 12 du règlement intérieur de l’AP-HP, « il peut être mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions de chef de service ou d'unité fonctionnelle de DMU par décision du directeur du groupe hospitalo-universitaire, après avis du président de la commission médicale d'établissement, du président de la commission médicale d'établissement locale et du directeur médical de DMU ». Il résulte de ces dispositions que, tant les chefs de pôle que les chefs d'unités fonctionnelles composant les pôles, sont investis de la mise en œuvre des directives d'organisation et de gestion du pôle ainsi que de l'encadrement des praticiens placés sous leur autorité. Ces responsabilités peuvent leur être retirées à raison de lacunes relevées dans l'exercice des missions d'organisation qui leur sont ainsi confiées. 

Des divergences stratégiques majeures entre le chef de service et la gouvernance médicale ont entrainé une perte de confiance vis-à-vis de l’intéressé. En effet, les termes du projet de service qu’il a établi critiquent ouvertement le projet de regroupement des activités chirurgicales du site Cochin, qui engage au demeurant « l’avenir de plusieurs spécialités chirurgicales au sein du GHU », alors que ce projet de service devait définir les modalités de mise en œuvre de ce projet de regroupement. Or, comme le fait remarquer la CAA de Paris, la phase de consultations et de débats en vue de l’adoption du projet de regroupement, phase à laquelle le requérant avait été associé et avait pu activement participer, était achevée. En ce sens, en s’obstinant à le critiquer, cela aurait pu contrarier la validation et le financement de ce projet de restructuration majeur par les instances de l’AP-HP. 

Par un arrêt du 25 octobre 2023, la CAA de Paris a rejeté la requête du chef de service, aux motifs que la décision attaquée a été prise dans l’intérêt du service, dans le strict cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique et afin d'assurer la sérénité et la pérennité des actions menées au sein de l'établissement hospitalier.

Consulter l'arrêt de la CAA de Paris

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