Le rapport d’audit rendu par la sixième chambre de la Cour des comptes, le 5 juillet 2023, répond aux difficultés rencontrées par le ministère de la santé dans le cadre de la mise en avant et du développement de la profession d’infirmier en pratique avancée (IPA).
Le concept de « pratique avancée », introduit en France par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, fait référence à un élargissement des compétences et des responsabilités accordées à des infirmiers ayant suivi à cet effet une formation complémentaire de deux ans. Au terme de cette formation, les IPA sont autorisés à réaliser un certain nombre d’actes les distinguant des autres infirmiers, dont la liste est fixée par arrêté.
Le contexte démographique actuel fait état d’une augmentation des difficultés d’accès à un médecin traitant rencontrées par de nombreux patients et d’un accroissement des maladies chroniques. Un meilleur accès aux soins et une prise en charge plus efficace de celles-ci seraient ainsi favorisés par le développement de la pratique avancée. En second lieu, une diversification de la profession paramédicale et un élargissement des perspectives de carrière seraient garantis.
Force est toutefois de constater que les objectifs de formation et d’exercice de la profession d’IPA (3000 IPA formés ou en formation en 2022) fixés à court terme par le ministère de la santé n’ont pas été atteints. Le rapport retient en effet que des « obstacles puissants » tendent à mettre en échec leur accomplissement. D’une part, la plupart des médecins, par crainte de concurrence ou par ignorance de la profession, seraient réticents à collaborer avec les IPA ou à rediriger leurs patients vers ces derniers. D’autre part, leur modèle de rémunération, déterminé par la convention nationale entre la Cnam et les professionnels infirmiers, combiné à la file active dont ils disposent (184 patients par an en moyenne et 76 en médiane) rend difficilement soutenable l’exercice exclusif de leur profession. Enfin, le coût onéreux de la formation complémentaire représenterait un sacrifice pour les infirmiers tandis que la peur d’une pénurie de main d’œuvre liée à leur potentiel départ en formation n’incite pas leurs employeurs à l’encourager. Une loi du 19 mai 2023 ayant pour objet de lever certains obstacles - en accordant aux patients un accès direct aux IPA et, à ces derniers, un droit de première prescription - a ainsi récemment été adoptée. Une progression - mesurée mais - effective de la répartition des compétences entre professionnels de santé serait ainsi assurée.
Les magistrats de la sixième chambre observent aussi que le contenu et les contours du concept de « pratique avancée » sont flous. Ils ne permettraient pas de rendre compte de la transversalité des compétences des IPA tandis que la multiplication des mentions de qualification de ces derniers entretiendrait un risque de confusion avec l’infirmerie spécialisée. Ils préconisent en conséquence une intégration dans la pratique avancée de diverses catégories d’infirmiers spécialisés, dont « les conditions de formation, d’exercice voire de rémunération sont proches de ceux des IPA, sans complètement les recouvrir ».
Le rapport invite enfin à une plus grande efficacité dans la mise en œuvre de ce processus de développement répondant à des enjeux particulièrement importants. En effet, à titre de conclusion, les magistrats de la Cour des comptes soulignent que plus de 600 000 patients souffrant d’une affection de longue durée ne bénéficient pas de médecin traitant. Une telle répartition de compétences semble donc indéniablement rendue nécessaire. La Cour des comptes recommande par conséquent au ministère de la santé de faciliter l’accès à la profession des IPA, de définir le contenu de leurs postes hospitaliers et d’assurer le suivi de leur mise en place effective.