Conseil d'État statuant au contentieux N° 306590 Publié au Recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies |
M. Jean de l'Hermite, Rapporteur M. Thiellay, Commissaire du gouvernement
M. Stirn, Président SCP ROGER, SEVAUX
Lecture du 10 octobre 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistré le 18 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'arrêt du 14 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, avant de statuer sur l'appel de M. A tendant à l'annulation du jugement du 12 septembre 2005 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande d'annulation de la décision du 28 janvier 2005 de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de Corse rejetant sa demande d'indemnisation, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :
1° La « déclaration » par laquelle une commission régionale de conciliation et d'indemnisation rejette, sans émettre l'avis prévu à l'article L. 1142-8 du code de la santé publique, pour irrecevabilité ou « incompétence » la demande de la victime tendant à la mise en oeuvre de la procédure de règlement amiable prévue aux articles L. 1142-4 et suivants du même code constitue-t-elle un acte détachable de l'action en indemnisation relevant des tribunaux de l'ordre judiciaire ou administratif '
2° Une telle « déclaration » peut-elle constituer une décision administrative susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir '
3° Dans l'affirmative, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) doit-il être appelé en la cause en qualité de défendeur '
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code civil ; Vu le code de la santé publique ; Vu le code de justice administrative et notamment ses articles L. 1131 et R. 1131 à R. 1134 ;
Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'Office national de l'indemnisation des accidents médicaux, - les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
REND L'AVIS SUIVANT
Les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 du code de la santé publique organisent une procédure de règlement amiable en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales qui permet à toute personne qui estime avoir été victime d'un tel fait, ou à ses ayants droit, de saisir une commission régionale de conciliation et d'indemnisation. La personne doit informer la commission régionale des procédures juridictionnelles relatives aux mêmes faits éventuellement en cours et, si une action en justice est intentée, elle doit informer le juge de la saisine de la commission. Cette saisine suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'à l'issue de la procédure.
La commission n'est compétente pour engager la procédure de règlement amiable que lorsque les dommages subis présentent un caractère de gravité dont les critères sont définis à l'article D. 1142-1 du code. Selon l'article R. 1142-15, lorsque la commission estime « que les dommages subis ne présentent pas le caractère de gravité requis, elle se déclare incompétente » et en informe les parties par lettre recommandée.
Si, à l'inverse, la commission estime que les dommages présentent ce caractère, il lui appartient, selon l'article R. 1142-15-1, de faire procéder à une expertise collégiale et gratuite pour le demandeur. La commission est tenue en application de l'article L. 1142-8 d'émettre dans les six mois suivant sa saisine un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable. L'article L. 11421 du code dispose que ce régime peut être celui de la responsabilité pour faute d'un professionnel ou d'un établissement de santé ou, en l'absence de faute et lorsque les conditions énumérées au II de cet article sont remplies, celui de la responsabilité au titre de la solidarité nationale dont la charge de l'indemnisation incombe alors à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), établissement public à caractère administratif de l'Etat créé par l'article L. 1142-22 du code.
Si, dans l'avis qu'elle rend en application de l'article L. 11428, la commission estime qu'une faute est à l'origine du dommage, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission, adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation. En cas de silence ou de refus de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM est substitué à l'assureur. Si la commission estime que le dommage est indemnisable au titre de la solidarité nationale, l'ONIAM adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation. L'acceptation de l'offre de l'assureur ou de l'ONIAM par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil.
La victime ou ses ayants droit disposent, aux termes des articles L. 1142-14 et L. 1142-20 du code de la santé publique, du droit d'agir en justice contre l'assureur ou contre l'office devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite.
L'article L. 1142-8 du code dispose enfin que l'avis d'une commission régionale « ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime ( ) ».
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation, dont la saisine est dépourvue de caractère obligatoire, et dont les avis ne lient pas l'ONIAM, sont des commissions administratives dont la mission est de faciliter, par des mesures préparatoires, un éventuel règlement amiable des litiges relatifs à des accidents médicaux, des affections iatrogènes ou des infections nosocomiales. Le recours à cette procédure par la victime n'est pas exclusif de la saisine du juge compétent d'une action en indemnisation, saisine qui peut intervenir à l'initiative de la victime avant l'engagement de la procédure, pendant celleci ou après l'échec de la tentative de règlement amiable.
Il en résulte que, comme l'avis au fond sur la demande d'indemnisation, la déclaration par laquelle une commission s'estime incompétente pour connaître de la demande ou estime celle-ci irrecevable, quand bien même elle fait obstacle à l'ouverture d'une procédure de règlement amiable, ne fait pas grief et n'est pas susceptible d'être contestée devant le juge de l'excès de pouvoir dès lors que la victime conserve la faculté de saisir, si elle s'y croit fondée, le juge compétent d'une action en indemnisation et de faire valoir devant celui-ci tous éléments de nature à établir, selon elle, la consistance, l'étendue, les causes et les modalités de son préjudice, quelles qu'aient été les appréciations portées sur ces questions par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation lorsqu'elle a été saisie.
Compte tenu de ce qui précède, la troisième question posée dans la demande d'avis devient sans objet.
Le présent avis sera notifié à M. A, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Il sera publié au Journal officiel de la République Française. |