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Avis du Conseil d'Etat, 3 mai 2000, Mlle X. (Neutralité - Signe d'appartenance religieuse)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistré le 2 février 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 25 janvier 2000 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avant de statuer sur la demande de Mlle X. tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 1999 par lequel le recteur de l'académie de Reims a mis fin à ses fonctions de surveillante intérimaire à temps complet, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) les exigences tenant aux principes de la laïcité de l'Etat et de la neutralité des services publics qui fondent l'obligation de réserve incombant à un agent public, doivent-elles être appréciées en fonction de la nature des services publics concernés ;

2°) dans le cas du service public de l'enseignement, convient-il de distinguer suivant que l'agent assure ou non des fonctions éducatives et, dans cette éventualité, suivant qu'il exerce ou non des fonctions d'enseignement ;

3°) convient-il, dans certains cas, d'opérer une distinction entre les signes religieux selon leur nature ou le degré de leur caractère ostentatoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et notamment son article 12 ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

1°) Il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics s'appliquent à l'ensemble de ceux-ci ;

2°) Si les agents du service de l'enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ;

Il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre les agents de ce service public selon qu'ils sont ou non chargés de fonctions d'enseignement ;

3°) Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ;

Les suites à donner à ce manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être appréciées par l'administration sous le contrôle du juge, compte tenu de la nature et du degré de caractère ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le manquement est constaté ;

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à Mlle X., au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au ministre de l'éducation nationale ;

Il sera publié au Journal officiel de la République française.