Séance du 14 mai 2004
La grippe est une infection communautaire épidémique, très contagieuse et habituellement bénigne, mais potentiellement grave pour les personnes âgées et les sujets atteints de pathologies chroniques (cardiaques, respiratoires, rénales, métaboliques et immunologiques) chez qui les complications sont les plus fréquentes et la létalité la plus importante.
Considérant, d’une part :
- que les infections respiratoires représentent la seconde cause de morbidité (1) au cours d’un voyage, juste après la diarrhée du voyageur ;
- que les infections respiratoires représentent la seconde cause de fièvre (2) au retour des tropiques juste après le paludisme ;
- que l’incidence de la grippe est probablement sous-estimée chez le voyageur, du fait de sa très courte période d’incubation (24 à 72 heures) et de sa forte contagiosité (3) ;
- qu’une étude avec prélèvement d’un sérum avant le départ et au retour a pu retrouver chez 1 483 voyageurs suisses un taux d’incidence de la grippe symptomatique estimé à 0,03 par personne et par mois de voyage (4) ;
- que dans une cohorte de 21 960 voyageurs internationaux, les infections respiratoires aiguës représentaient 7,8 % de toutes les infections déclarées au « GeoSentinel Surveillance Network » (5) de 1997 à 2001. 39 % (680/1719) des voyageurs fébriles présentaient une infection des voies aériennes inférieures. La grippe était quant à elle observée dans 5,6 % des cas (96/680) ;
- que la grippe est responsable d’épidémies dans certains groupes particuliers de voyageurs : personnes âgées, insuffisants respiratoires chroniques, diabétiques, patients porteurs d’affections cardio-vasculaires (6) ;
- que des épidémies de grippe ont aussi été décrites :
- après des voyages en train (7) ;
- après des voyages en avion (8), notamment l’épidémie rapportée à bord d’un vol commercial, lors d’une avarie du système de ventilation, au cours de laquelle l’avion est resté parqué au point de stationnement, et 72 % des 54 passagers présents ont développé des symptômes grippaux, dans les 72 heures suivant le contact avec un passager malade ;
- après des voyages en bateau, avec notamment une récente épidémie (9) décrite au cours de trois croisières successives entre l’Australie et l’Amérique, l’épidémie ayant probablement débuté lors de la première croisière au sein d’un groupe de voyageurs australiens. Il a été constaté chez 17 % des passagers de la seconde croisière des signes respiratoires aigus. 77 % d’entre eux étaient âgés de plus de 65 ans et 26 % présentaient des facteurs de risques. Il a été montré que l’équipage du bateau avait constitué le réservoir épidémique ainsi qu’une source de transmission en milieu clos ;
- que les facteurs de risque de contracter une grippe en zone tropicale sont donc les voyages en groupe, les pèlerinages, les transports aériens et maritimes, et plus particulièrement les croisières pour les personnes âgées de 65 ans et plus.
Considérant d’autre part :
- l’efficacité clinique du vaccin, si celui-ci correspond à la souche circulante, est environ de 70 à 90 % chez les sujets en bonne santé et âgés de moins de 65 ans, dans les autres cas et s’il ne s’agit pas d’un variant majeur, elle n’est plus que d’environ 30 à 50 %. Cette efficacité permet une réduction de 56 % des maladies respiratoires, de 48 % des hospitalisations et de 68 % des décès dans les populations âgées (10) ;
- le rapport de pharmacovigilance du 22 septembre 2003 de l’AFSSAPS (11) relatif aux vaccins grippaux inactivés, présenté lors de la séance du Comité technique des vaccinations du 25 septembre 2003 ;
- la distribution en officine dès le mois d’octobre dans l’hémisphère nord du vaccin antigrippal annuel ;
- la composition du vaccin déterminée par l’OMS en septembre pour l’hémisphère sud et en février pour l’hémisphère nord ;
- la composition du vaccin antigrippal de l’hémisphère nord qui peut être différente de celle du vaccin de l’hémisphère sud ;
- l’administration possible du vaccin antigrippal avec d’autres vaccins en se conformant au résumé des caractéristiques du produit.
Considérant enfin que :
- la vaccination contre la grippe peut diminuer dans une proportion limitée le nombre de personnes atteintes de syndromes respiratoires aigus fébriles, dans une moindre mesure, de pneumonies, et diminuer ainsi le nombre d’hospitalisations.
Le CSHPF recommande une mise à jour de la vaccination contre la grippe en fonction de la destination et de la saison :
- à tous les voyageurs de 65 ans ou plus et à tous les voyageurs atteints des pathologies chroniques citées dans le calendrier vaccinal (12) non vaccinés contre la grippe ;
- au personnel de santé.
Le CSHPF recommande également la vaccination antigrippale :
- au personnel de l’industrie du voyage (guides) accompagnant les groupes de voyageurs ;
- au personnel navigant des bateaux de croisière et des avions ;
- d’administrer ce vaccin au moins dix jours avant le départ (en raison du délai d’immunisation et du risque de réaction locale voire générale dans les 48 heures suivant l’injection).
Le CSHPF souhaite rappeler l’importance de pouvoir se procurer le vaccin contre la grippe saisonnier pour l’hémisphère sud, les années où la composition du vaccin antigrippal de l’hémisphère nord est différente de celle du vaccin de l’hémisphère sud.
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(1)Hill DR. Health problems in a large cohort of Americans travelling to developing countries. J Travel Med 2000 ; 7 : 259-266 ; Caumes E, Brucker G, Brousse G, et al. Travel-associated illness in 838 french tourists in Nepal in 1984. Travel Med Intern 1991 ; 9 : 72-76.
(2)O’Brien D., Tobin S., Brown V., et al. Fever in returned travelers : review of hospital admissions for a 3-years period. Clin Infect Dis 2001 ; 33 : 603-609.
(3)Rey M, Camus D. Faciliter la vaccination grippale des voyageurs. La Lettre de la Société de Médecine des Voyages 2003 ; 1 :7.
(4)Marx A., Tavernini M., Gregory V., Yi Pu Lin, Hay AJ, Tschopp A., Steffen R., Influenza virus infection in travellers to developing countries. Abstracts - Free Communication. 8th Conference of the International Society of Travel Medicine. New York, 7-11 May 2003.
(5)Leder K., sundararajan V., Weld L., et al. Respiratory tract infections in travellers : a review of the Geosentinel Surveillance Network. Clin Infect Dis 2003 ; 36 :399-406.
(6)Miller J.M., Tam TWS, Maloney S., et al. Cruise ships : high-risk passengers and the global spread of new influenza viruses. Clin Infect Dis 2001 ; 31 : 433-438.
(7)Hogbin V. Railways, disease and health in South Africa. Soc Sci Med 1985 ; 20 : 933-938.
(8)Moser MR, Bender TR, Margolis HS, et al. An outbreak of influenza aboard a commercial airplane. Am J Epidemiol 1979 ; 110 : 1-6 ; Wenzel RP., Airline travel and infection [editorial]. N Engl J Med 1996 ; 334 : 981-982.
(9)Leder K., Sundararajan V., Weld L. et al., Respiratory tract infections in travellers: a review of the GeoSentinel Surveillance Network. Clin INfect Dis 2003 ; 36/ 399-406.
(10)Gross PA, Hermogenes AW, Sacks HS, Lau J. & Levandowski RA. The efficacy of influenza vaccine in elderly persons. A meta-analysis and review of the litterature. Annals of Internal Medicine 1995 ; 123 : 518-27.
(11)Point actualisé sur le profil de sécurité d’emploi des vaccins grippaux inactivés, rapport AFSSAPS du 22 septembre 2003 présenté au Comité technique des vaccinations le 25 septembre 2003.
(12)Vaccination contre la grippe : personnes âgées de 65 ans et plus ; personnes atteintes d’une des pathologies suivantes : affections broncho-pulmonaires chroniques, dont asthme, dysplasie broncho-pulmonaires et mucoviscidose ; cardiopathies congénitales mal tolérées, insuffisances cardiaques graves et valvulopathies graves ; néphropathies chroniques graves, syndromes néphrotiques purs et primitifs ; drépanocytoses, homozygotes et doubles hétérozygotes S/C, thalassodrépanocytose ; diabètes insulino-dépendant ou non-insulino-dépendant ne pouvant être équilibrés par le seul régime ; déficit immunitaires cellulaires (chez les personnes atteintes par le VIH, l’indication doit être faite par l’équipe qui suit le patient) ; personnes séjournant dans un établissement de santé de moyen ou long séjour, quel que soit leur âge ; enfants et adolescents (de 6 mois à 18 ans) dont l’état de santé nécessite un traitement prolongé par l’acide acétylsalicylique (essentiellement pour syndrome de Kawasaki compliqué et arthrite chronique juvénile). Source Calendrier vaccinale 2003 - BEH n° 06/2003.
Source Bulletin Officiel n°2006/4 du 15 mai 2006