Séance du 14 janvier 2005
Considérant d’une part :
- que la rage des chiroptères n’est documentée en France que depuis 1989, avec vingt chauves-souris autochtones trouvées porteuses d’un lyssavirus depuis cette date jusqu’à fin septembre 2004 (Bourhy et al., 1992 ; Anonyme, 2003 ; Picard et al., 2003 ; Picard et al., 2004) ;
- que la rage due à un lyssavirus des chauves-souris paraît toujours mortelle chez une personne n’ayant été ni préalablement vaccinée ni traitée à temps ;
- que, depuis 1977, quatre observations de rage humaine ont été rapportées en Europe chez des personnes non vaccinées, non traitées à temps, deux d’entre elles étant régulièrement exposées de par leur profession ou leurs loisirs (Anonyme, 2003 ; Amengual et al., 1997) ;
- qu’aucun cas de rage humaine n’a été rapporté chez des personnes exposées ayant eu une vaccination préventive antirabique à jour et/ou un traitement post-exposition correctement mis en oeuvre (Arya et al., 1999 ; Hemachudha et al., 1999 ; Gacouin et al., 1999 ; Shill et al., 1987 ; Scimgeour et al., 2001 ; WHO, 1992) ;
- que les lyssavirus des chauves-souris en France appartiennent aux génotypes 5 et 6, alors que les vaccins antirabiques courants à usage humain et les gammaglobulines sont fabriqués à partir de souches de génotype 1 (Lafon et al., 1986 ; Badrane et al., 2001) ;
- qu’en conséquence, la connaissance du taux d’anticorps protecteurs neutralisants induits par le vaccin antirabique actuellement disponible vis-à-vis des virus de chauves-souris est encore incomplète, et la protection conférée probablement imparfaite (Bruyère-Masson et al., 2001 ; Celis et al., 1988 ; Herzog et al., 1991 ; Lafon et al., 1986 ; Perrin et al., 1991) ;
- que la connaissance de l’épidémiologie des lyssavirus des chauves-souris en France (génotypes 5 et 6) est parcellaire et repose sur l’envoi des cadavres aux centres de référence par des chiroptérologues bénévoles et amateurs (Anonyme, 2003) ;
Considérant d’autre part :
- que les chauves-souris sont des espèces protégées en France (arrêté ministériel du 17 avril 1981), nécessitant pour être manipulées une autorisation de capture départementale ou nationale selon les espèces ;
- que le nombre des chiroptérologues amateurs autorisés à manipuler des chauves-souris est évalué en France à moins de 300 (Anonyme, 2003) ;
- que ceux-ci, de par leur participation volontaire à la surveillance de cette zoonose, remplissent une mission de service public ;
- que la manipulation de certaines espèces capturées est parfois difficile à concilier avec les mesures de protection individuelle ;
- que, à cause de cette petite taille, les griffures ou morsures peuvent passer inaperçues ;
- qu’en conséquence ces personnes, notamment celles qui pratiquent régulièrement des captures de chauves-souris, et notamment lors des périodes considérées (printemps-été), présentent un risque d’exposition non négligeable au virus concerné (Anonyme, 2003 ; Gibbons et al., 2002 ; Messenger et al., 2003) ;
- que l’exposition (morsure, griffure ou toute autre situation) doit toujours être laissée à l’appréciation des centres antirabiques en fonction des données de l’interrogatoire ;
Le CSHPF recommande :
1. Le rappel, en direction de la population générale :
- du statut d’espèces protégées des chauves-souris ;
- et en conséquence de l’interdiction absolue de les manipuler, que ce soit à des fins de démonstration, d’« élevage » ou autre ;
- que cette manipulation, qui n’est attribuée de toute façon qu’à des personnes dûment autorisées, ne se fasse pas sans utiliser des moyens de protection individuels.
2. Pour les personnes autorisées à manipuler les chauves-souris, ainsi que les centres antirabiques :
- la connaissance et l’utilisation des moyens de protection individuelle (notamment gants épais type gants de jardin) qui permettent de réduire les risques d’exposition au virus ;
- une information adaptée, notamment à partir des sources suivantes :
- bulletin sur l’épidémiologie et la prophylaxie de la rage humaine en France (formule papier et disponible sur le site http ://www.pasteur.fr) ;
- mises au point du bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) disponible sur le site www.invs.sante.fr/beh, et bulletin épidémiologique mensuel sur la rage animale en France (BEMRAF) publié par l’Afssa Nancy ;
- site de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) www.sfepm.org et ses deux bulletins que sont Mammifères sauvages et L’Envol des chiros.
3. Avant exposition au risque, pour toutes les personnes autorisées à manipuler des chiroptères morts ou vivants :
- la vaccination antirabique à titre gratuit (les injections doivent être pratiquées dans le deltoïde, par voie intramusculaire. Le protocole de vaccination préventive comprend 3 injections selon le schéma suivant, le jour 0 étant le jour de la première injection : J0, J7 et J28 (ou 21) et un rappel un an après). Ne doivent être habilitées à manipuler des chiroptères que les personnes correctement vaccinées contre la rage et ayant fait la preuve d’une séroconversion efficace, constatée sur un taux d’anticorps suffisant (cf. infra) ;
- leur surveillance par un centre antirabique spécifique, notamment la surveillance sérologique 15 jours après la 3eme injection préventive du vaccin et tous les ans avant la saison de capture (printemps) ou 15 jours après le rappel à 1 an. Les prélèvements sérologiques seront centralisés au Centre national de référence de la rage le temps nécessaire à la définition d’un seuil sérologique acceptable. C’est la surveillance sérologique annuelle qui déterminera, en fonction du taux d’anticorps, la fréquence des rappels ;
- si le taux d’anticorps antirabiques neutralisants (Acar) ou = 1 UI/m, contrôle sérologique l’année suivante.
L’exposition aux virus des chiroptères devrait être limitée, et arrêtée dès que le taux d’anticorps est inférieur à 1 UI/ml.
4. En cas d’exposition aux virus des chiroptères : que le centre antirabique adapte sa prescription au cas par cas, selon les modalités suivantes :
- pour les personnes déjà vaccinées de façon préventive : il est impérativement recommandé de pratiquer un rappel immédiat et deux modalités peuvent se présenter :
1. On dispose d’un résultat sérologique antérieur datant de moins d’un an supérieur ou égal à 1 UI/ml : une dose de vaccin sera administrée à J0, et un contrôle sérologique effectué après J15.
2. On ne dispose pas de ce résultat sérologique ou le résultat est inférieur à 1 UI/ml : deux doses de vaccin seront administrées, l’une à J0, l’autre à J3 et une prise de sang sera pratiquée à J7 pour contrôler les anticorps antirabiques et évaluer la suite de la prise en charge thérapeutique (poursuite ou non du protocole post-exposition).
En cas de résultat sérologique insuffisant (inférieur à 1 UI/ml), le protocole vaccinal post-exposition sera poursuivi et un contrôle sérologique effectué au minimum 15 jours après la fin du traitement.
Dans le cas particulier de personnes exposées fréquemment (c’est-à-dire de chiroptérologues mordus de manière récurrente, du fait de la pratique de cette activité de loisirs qui peut être hebdomadaire), il paraît illusoire, voire contre-productif de proposer un rappel à chaque exposition (surtout hebdomadaire), d’autant plus que les conséquences d’injections itératives pour la santé de ces personnes ne sont pas connues. Ces personnes se contaminant régulièrement devraient être fortement sensibilisées aux moyens de se protéger voire être dissuadées de manipuler des chauves-souris. Il est néanmoins indispensable que ces personnes soient suivies par un centre antirabique. Ces situations constituent des cas particuliers pour lesquels aucune donnée ou étude ne permet de proposer une conduite à tenir générale à appliquer dans tous les cas de figure. Une attitude thérapeutique doit être décidée au cas par cas par le Centre antirabique en relation avec le CNR en attendant la disponibilité de données scientifiques sur l’évolution du titre en anticorps chez ces personnes et particulièrement de la correspondance entre les titres obtenus envers les souches de génotype 1 (CVS) et les titres envers les isolats de type EBLV ;
- pour les personnes non vaccinés préventivement : ce cas de figure ne devrait en principe plus se rencontrer. Les chauves-souris sont des espèces protégées. Il ne faut pas manipuler de chauves-souris si l’on n’est pas vacciné contre la rage ;
- sinon, il est impérativement recommandé de pratiquer un traitement associant une vaccination à une sérothérapie (Imogam(R) 20 UI/kg en infiltration locale et/ou IM avant le 7eme jour de traitement).
Bibliographie : à consulter dans le rapport du même nom (66 références).
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Source Bulletin Officiel n° 2006/4 du 15 mai 2006