CULTE. Cérémonies religieuses. Etablissements publics d’assistance. Interdiction absolue.
(6 juin. --- Assemblée. --- 81.278. Union catholique des hommes du diocèse de Versailles.
--- MM. De Lacoste, rapp. ; Theis, c. du g. ; Me Rouvière, av.).
Requête de l’Union catholique des hommes du diocèse de Versailles et autres, agissant en qualité de parents d’enfants hospitalisés au préventorium du Mesnil-Saint-Denis, tendant à l'annulation d’une délibération du conseil général de Seine-et-Oise en date du 10 décembre 1945 en tant qu’elle a décidé que les cérémonies et manifestations religieuses qui se déroulent encore dans les institutions de son ressort seraient bannies dans tous les établissements hospitaliers et d’assistance départementaux ; ensemble les mesures d’application prises notamment au préventorium du Mesnil-Saint-Denis le 18 décembre 1945 ainsi qu’au foyer Vauban à Versailles le 22 décembre 1945 ;
Vu la loi du 5 août 1871 ; la loi du 9 décembre 1905, la loi du 2 janvier 1907 ; la loi du 28 mars 1907 ; le décret du 17 juin 1938, le décret du 3 août 1942 ; la loi du 16 décembre 1942, le décret du 2 novembre 1943, l’arrêté du 28 avril 1943 ; l’ordonnance du 9 août 1944 ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération du Conseil général de Seine-et-Oise en date du 19 décembre 1945 ;
Considérant que l’article 1er de la loi du 9 décembre 1945 garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt public ; qu’en vertu de l’article 2 de la même loi " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte " ;... pourront toutefois être inscrites au budget de l’Etat, des départements et des communes les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinés à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ;
Cons. que, par la délibération attaquée, le Conseil général de Seine-et-Oise a interdit aux ministres du culte de célébrer les cérémonies religieuses dans les établissements publics d'assistance administrés par le département ; que cette interdiction a pour effet de priver les hospitalisés, qui ne peuvent pas sortir de l’établissement en raison de leur état de santé ou des prescriptions de règlement en vigueur, de la possibilité de continuer les pratiques de leur culte ; que, si l’assemblée départementale pouvait légalement supprimer les indemnités allouées aux ministres du culte qui assuraient les services d’aumônerie prévus à l’article 2 précité de la loi du 9 décembre 1905, lequel accorde à l’autorité compétente la faculté d’inscrire au budget les dépenses relatives auxdits services mais ne l’y oblige pas, la dérogation apportée par cette disposition à la règle générale édictée par le même article implique que le législateur a reconnu que, dans certains établissements publics, le libre exercice des cultes ne peut être sauvegardé que par la célébration des cérémonies religieuses à l’intérieur desdits établissements ; qu’aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre dans les établissements d’assistance gérés par le département ne pouvait être invoqué par le Conseil général pour justifier sa décision ; que s’il lui appartenait d’édicter toutes dispositions utiles à l’effet de protéger la liberté de conscience des hospitalisés pratiquant un autre culte ou n’en pratiquant aucun et de prohiber, notamment à cette fin, les offices religieux et les prières collectives dans les salles d’hospitalisation, ni le respect de la liberté de conscience, ni celui de la neutralité des administrations publiques en matière religieuse ne légitimaient l’interdiction générale et absolue qui résulte de la délibération attaquée, qu’ainsi la disposition contestée a été prise en méconnaissance du principe du libre exercice des cultes posé par l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 ; qu’elle a porté aussi une atteinte grave au droit d’éducation des parents qui avaient demandé que leurs enfants, privés par les règlements en vigueur de la faculté de sortir des préventoriums départementaux où ils étaient hospitalisés, puissent prendre part dans ces établissements aux cérémonies de leur culte et y recevoir l’enseignement religieux ;
Cons. que de tout ce qui précède, il résulte que les requérants sont fondés à soutenir que la délibération du Conseil général est entachée d’excès de pouvoir en tant qu’elle a décidé que les cérémonies et manifestations religieuses qui se déroulaient encore dans certains établissements hospitaliers et d’assistance administrés par le département seraient bannies ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions du préfet de Seine-et-Oise notifiées par le directeur du préventorium départemental du Mesnil-Saint-Denis le 18 décembre 1945 et par l'inspecteur des services d’assistance le 22 décembre 1945 ;
Cons. que les décisions sus-mentionnées constituent des mesures d’exécution de la disposition de la délibération du Conseil général dont l’illégalité vient d’être constatée ; que dès lors, par voie de conséquence, les requérants sont fondés à soutenir qu’elles sont, elle aussi, entachées d'excès de pouvoir ; (Annulation de la délibération du Conseil général de Seine-et-Oise ; annulation des décisions du préfet de Seine-et-Oise).