Date d'application : immédiate.
Références :
Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ;
Circulaire DGS/SP 2 n° 99-110 du 23 février 1999 relative à la mise en place des PRAPS ;
Circulaire DGS/SP 2 n° 2000-324 du 13 juin 2000 relative au suivi des actions de santé en faveur des personnes en situation précaire ;
Circulaire DGS/DGAS/DSS/DIRMI n° 99-648 du 25 novembre 1999, relative au réseaux de soins préventifs, curatifs, palliatifs et sociaux.
La ministre de l'emploi et de la solidarité, le ministre délégué à la santé, la déléguée interministérielle à la ville à Madame et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales) ; Mesdames et Messieurs les directeurs d'agence régionale d'hospitalisation ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales) ; Mesdames et Messieurs les sous-préfets en charge de la politique de la ville ; Mesdames et Messieurs les chargés de mission ville L'exploitation du volet santé mentale des PRAPS, permet de disposer d'un premier aperçu de la prise en charge actuelle des populations précarisées par les équipes de psychiatrie alors que la souffrance psychique en rapport avec la précarité est identifiée dans la quasi-totalité des régions comme un problème prioritaire.
Il est donc important de prendre en compte et de soutenir les évolutions qui se dessinent tant sur le terrain que dans les réflexions institutionnelles, et dont on peut attendre à terme une contribution significative à la lutte contre les processus de précarisation et d'exclusion.
Les réflexions conduites dans le cadre des PRAPS sur la prise en compte de cette réalité dans le champ de la santé mentale restituent à la fois des analyses, constats, éléments de contexte de chaque région ainsi que des objectifs définis et/ou des actions menées pour y répondre.
On en retiendra les constats fréquemment rapportés dans l'ensemble des régions, puis les grands axes d'intervention qui doivent être privilégiés pour l'organisation des réponses.
Une distinction entre maladie mentale caractérisée, qu'elle se manifeste chez des personnes en situation de précarité (l'exclusion étant le révélateur d'une pathologie sous-jacente) ou qu'elle les expose à de grandes difficultés de réinsertion dans la vie sociale et la souffrance psychique en rapport avec la précarité sociale.
Les réponses à construire pour la prise en compte de la souffrance psychique apparaissent plus complexes parce qu'elles requièrent un positionnement concerté et une articulation des services sociaux et psychiatriques, toute expression de souffrance sociale ne relevant pas d'une médicalisation, a fortiori psychiatrique.
La difficulté d'identifier, de reconnaître la souffrance psychique, en dehors des situations d'urgence :
Si elle traverse toutes les catérogires de personnes précarisées, la souffrance psychosociale est difficilement mesurable et ne se range pas dans le champ classique de la pathologie. Elle s'exprime en dehors des lieux traditionnels de la santé mentale par des comportements d'isolement, d'échecs répétés, des conduites à risques, des conduites addictives, des violences contre soi-même et contre autrui qu'on a pu appeler clinique psychosociale.
Sa perception alerte les intervenants du champ social ou de l'insertion mais se heurte à un manque de formation et de soutien.
Elle échappe à tout repérage pour les publics les plus éloignés de l'insertion et les personnes isolées (personnes âgées, mères isolées, jeunes des cantons ruraux, bandes de jeunes errants, personnes dans la rue). Dans certains cas, les situations de fragilité psychosociale constituent un frein majeur d'accès aux soins ainsi qu'à la réinsertion.
Les limites de l'approche traditionnelle en psychiatrie et l'inadéquation des moyens et des procédures pour la prise en charge de personnes en situation d'exclusion :
Les réponses apportées par la sectorisation présentent (souvent du fait d'un attachement strict à la “ domiciliation ”) des limites pour la prise en charge de situations spécifiques qui ne relèvent totalement ni du social ni de la psychiatrie ou qui, concernant des personnes parfois très désinsérées, dépourvues de soutien familial ou social, ne peuvent s'inscrire dans une procédure classique de prise en charge. Ces réponses sont perçues comme d'autant plus insuffisantes qu'existent de fortes disparités entre les régions, les déprtements ou même entre les secteurs. Il en résulte des difficultés :
- pour répondre à l'urgence réelle ou ressentie (peu d'exclus accueillis de fait, dans les consultations du CMP en raison de délais d'attente trop longs, difficultés des équipes de psychiatrie à répondre aux demandes d'analyses de cas ou d'accompagnement formulées par d'autres professionnels, recours à l'hospitalisation, en général sous contrainte) ;
- pour permettre une prise en charge adéquate (problème de l'éloignement géographique dans les secteurs ruraux insuffisamment couverts par l'offre publique de soins, notamment concernant les enfants et les adolescents) ;
- pour le développement d'actions préventives (repérage précoce de la souffrance et de la pathologie, prévention des suicides et des récidives).
La perception négative et stigmatisante de la psychiatrie rend souvent indispensable l'existence de médiations sociales pour permettre aux usagers d'accéder au service de santé mentale. De façon plus générale, la mise en oeuvre d'actions innovantes concourt à décloisonner les pratiques professionnelles et crée des articulations entre les différents acteurs. Elle semble en mesure d'adapter l'offre de services aux besoins des populations précaires et des malades mentaux précarisés.
Le manque de visibilité et de diversité des actions menées :
Les réponses apportés à ces difficultés peuvent apparaître encore trop fragiles et tenir à la bonne volonté de quelques profesionnels. Les actions partenariales (avec les PMI, la médecine scolaire, la médecine du travail, les centres médico-sociaux, les missions locales, les lieux d'accueil et de vie...) sont par endroit insuffisamment développées de même qu'est déplorée dans certaines régions l'absence de réseaux de santé contractualisés et dynamiques. Certaines régions signalent la méconnaissance des structures existantes entre secteurs sanitaire et social.
Un nombre important d'actions relativement diversifiées sont mises en oeuvre ou projetées pour répondre aux constats précités. Il apparaît à ce stade utile de recentrer ces actions autour de trois grands axes prioritaires permettant de mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de précarité.
1. Le développement et l'adaptation de l'offre de soins :
La planification et l'orientation, dans le cadre des schémas régionaux de psychiatrie, des moyens pour la prise en compte spécifique des publics précaires ou la mise en oeuvre des orientations arrêtées est un levier important de l'action des régions.
Huit d'entre elles (Aquitaine, Basse-Normandie, Bougogne, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Poitou-Charentes) ont inscrit les besoins des personnes démunies dans leurs thèmes prioritaires et ont envisagé une adapation de l'offre de services et des pratiques professionnelles à ces publics, dont :
- l'assouplissement des délais de rendez-vous par les CMP afin de favoriser l'accessibilité aux soins à ces personnes ;
- l'intervention dans les structures d'accueil (associations, CHRS...) et éventuellement sur les lieux de passage (psychiatrie de liaison) ;
- l'organisation de la sortie par les établissements psychiatriques pour assurer la continuité des soins.
D'autres régions prévoient de piloter la mise en oeuvre des orientations arrêtées par le schéma régional de psychiatrie avec une attention particulière sur des besoins mis en évidence dans la démarche du PRAPS. En région Rhônes-Alpes, par exemple : “ il conviendra de rechercher les réponses adaptées pour réduire ou supprimer les zones non couvertes par l'offre de service public, améliorer l'accessibilité en urgence aux personnes en difficulté sociale, organiser des consultations délocalisées dans les lieux de vie, améliorer le suivi après l'hospitalisation, réduire les délais de réponse des différents services de psychiatrie, notamment s'il s'agit d'une première demande adressée par un professionnel, pour avis ”.
L'organisation de la l'intersectorialité sur l'ensemble du département est une réponse possible à la mobilité des personnes. La création d'équipes psychiatriques de liaison spécialisées sur les problèmes de pauvreté et de précarité ou d'équipes mobiles pour les situations de crise constituent également une réponse adaptée.
De nombreux objectifs d'action incitent à l'engagement de démarches de décloisonnement entre institutions, visant à améliorer le repérage et la prise en compte de la souffrance psychosociale, à favoriser par la formation des professionnels le travail de l'écoute au sein des lieux fréquentés par les populations en difficulté, à diversifier les réponses apportées. Concernant l'aide aux jeunes marginalisés un partenariat entre le médical, le social, l'insertion et l'action éducative doit être systématiquement recherché. Certaines actions de santé innovantes, interpartenariales et devant faire l'objet d'évaluation et de valorisation
s'inscrivent dans le cadre de la politique de la ville et des dispositifs d'insertion.
Ce partenariat, qui existe d'ores et déjà, le plus souvent à l'initiative de quelques professionnels particulièrement investis dans cette thématique, mérite à la fois une reconnaissance et une institutionnalisation à même de le pérenniser.
En effet, la demande de coopération des travailleurs sociaux et des professionnels des structures d'insertion sociale et professionnelle vis-à-vis de la psychiatrie est importante, du fait de la difficulté de l'accompagnement social des personnes en souffrance psychique vers la psychiatrie. Réciproquement, les services publics de psychiatrie auxquels feront préférentiellement appel les personnes démunies ne peuvent construire de réponses adaptées qu'en s'appuyant sur le dispositif social et médico-social.
Cette coopération doit se traduire de façon diversifiée :
- par des actions de formation des professionnels devant favoriser une approche adaptée des publics précarisés ;
- par des actions de formation des bénévoles ;
- par des actions de supervision, d'analyse des pratiques institutionnelles et d'appui technique des professionnels sociaux dans leur pratique quotidienne (aider au dépistage d'un trouble psychique, orienter) ;
- par des démarches communes multi-partenariales, pluridisciplinaires, d'identification des possibilités mutuelles et des limites de chacun. En ce sens des formations communes des praticiens du soin psychique et de l'intervention sociale s'avèrent particulièrement efficaces.
L'établissement de conventions inter-institutionnelles de coopération et l'élaboration de protocoles de travail entre institutions pour la prise en charge de ces publics sont en conséquence souhaitables et doivent être encouragés car ils préfigurent le développement de réseaux de proximité permettant, sur la base de valeurs partagées et de logiques institutionnelles cohérentes, la coordination des différents dispositifs. A ce titre, la circulaire DIV/DGS du 13 juin 2000 relative à la mise en oeuvre d'ateliers “ santé ville ” pour les contrats de ville 2000-2006, constitue un cadre de référence pour faciliter cette coopération et le développement de réseaux de proximité.
L'articulation avec les médecins généralistes dans le dispositif de prise en charge des personnes en situation de précarité est également à rechercher. La formation des médecins généralistes aux problèmes spécifiques de ces populations est un axe de travail important compte tenu de l'évolution actuelle de la démographie médicale en psychiatrie.
Elle vise à permettre la présence d'un professionnel de la psychiatrie (ou d'une équipe pluridisciplinaire) dans les lieux de vie et de passage de ces populations (centres sociaux, missions locales, foyers de jeunes travailleurs, centres d'hébergement et de réinsertion sociale...) ou dans des lieux “ banalisés ” où sont intégrées les fonctions d'accueil, d'écoute et de soins afin d'animer un dispositif d'écoute et d'expression de la souffrance et apporter aux personnes en grande vulnérabilité ainsi qu'à leurs aidants, un soutien individuel ou collectif. Cette démarche doit être suivie, s'il en est besoin d'une orientation éventuelle vers une consultation spécialisée ou vers une prise en charge psychiatrique plus structurée.
D'une façon générale, faciliter un repérage précoce des situations à risques pour permettre l'accompagnement des événements de vie exposant à une plus forte vulnérabilité (deuil, maladie, divorce, perte d'emploi, naissance...) représente un enjeu majeur de prévention. Des actions de formation et sensibilisation des intervenants de première ligne apparaissent essentielles pour réaliser cet objectif.
En conclusion, la situation particulière des populations en situation d'exclusion et de précarité nécessite des formes de collaborations spécifiques entre intervenants sociaux et intervenants de santé mentale devant tendre vers une organisation en réseau (cf. circulaire du 25 novembre 1999 citée en référence).
La mobilisation, la capacité d'innovation des équipes de terrain, pour permettre aux populations les plus fragilisées (parfois en l'absence d'une demande explicite), un accès à l'offre de soins, doivent être soutenues et trouver une légitimité en s'inscrivant dans des objectifs départementaux ou régionaux d'organisation des soins en santé mentale, ce qu'une articulation plus soutenue entre PRAPS et schéma régional de psychiatrie devrait favoriser.
Cet accès à des lieux où exprimer et reconnaître sa souffrance ne peut généralement se faire qu'au moyen de diverses médiations sanitaires ou sociales qui supposent un travail inter-institutionnel préalable, ainsi que des actions de sensibilisation, d'accompagnement ou de rénovation des pratiques.
Les actions menées dans les départements et les régions dans le cadre des PRAPS seront relayées au niveau national. En ce sens un groupe de travail inter-institutionnel, initié par la DGS, auquel sont associés des intervenants de terrain, s'attache à mieux sérier les profils de publics concernés, à définir les besoins prioritaires et la qualité attendue des actions permettant d'y répondre. Ce travail devrait aboutir à l'élaboration d'orientations au cours de l'année 2001 relatives à la prise en charge de la souffrance psychique liée aux situations de précarité, en vue de la préparation de la prochaine génération de PRAPS.