Les deux enquêtes multicentriques menées conjointement par la division sida (direction générale de la santé) et la mission sida (direction des hôpitaux) sur les problèmes et les besoins des personnes infectées par le V.I.H. ont mis en évidence des besoins non ou mal couverts dans le domaine psychiatrique, quel que soit le stade de l'infection. L'atteinte somatique grave provoque inéluctablement des réaménagements psychologiques ou des décompensations psychiatriques confrontant parfois les équipes de soins somatiques à des situations de crise. Enfin, les pathologies à composante neuropsychiatrique associées à des désordres comportementaux sont de plus en plus fréquentes.
La prise en compte des besoins physiques, psychiques et sociaux de chaque personne invite à une approche globale et pluridisciplinaire pour laquelle une collaboration s'impose entre médecins somaticiens, psychologues, psychiatres, infirmiers et travailleurs sociaux, de même qu'entre tous les intervenants en ce domaine.
En avril 1994, à l'occasion de la 5e rencontre nationale des centres d'information et de soins de l'immunodéficience humaine (C.I.S.I.H.), le ministre délégué à la santé avait souligné 'la nécessité d'établir des liaisons opérationnelles entre les unités de médecine prenant en charge des malades atteints d'infection à V.I.H. et les services et établissements psychiatriques'. Mme le docteur Charmasson s'est vu confier la mission de réaliser un bilan de ces liaisons et d'établir des recommandations. Le rapport psychiatrie et V.I.H. remis en décembre 1995 a été diffusé dans les D.D.A.S.S.
L'objet de la présente circulaire est de préciser les grandes orientations qui doivent permettre :
- d'améliorer la prise en charge des patients infectés par le V.I.H. et le soutien de leur entourage ;
- de développer le dispositif de prévention de la transmission du V.I.H. parmi les patients en milieu psychiatrique.
A cet effet, il est proposé de renforcer la collaboration entre les services de médecine et les services et établissements psychiatriques et d'aider au développement de mesures préventives de la transmission du V.I.H.
1. L'amélioration de la prise en charge des patients infectés par le V.I.H. et le soutien de leur entourage par la collaboration entre les services de médecine et les services et établissements assurant des soins en psychiatrie
La collaboration entre les services somatiques et les services assurant des soins en psychiatrie n'est pas une notion nouvelle. La circulaire du 14 mars 1990 sur les orientations de la politique de santé mentale y faisait largement référence et recommandait le développement de la coopération des secteurs de psychiatrie et de l'hôpital général.
Cette collaboration doit s'inscrire dans un cadre respectant les principes suivants :
- ne pas créer de structure spécifique dans le cadre de l'infection à V.I.H. : les sujets infectés par le V.I.H. présentant un problème psychiatrique doivent être pris en charge préférentiellement dans les services de médecine qui les suivent habituellement, avec l'aide d'une équipe psychiatrique ;
- favoriser une approche globale et pluridisciplinaire en invitant les professionnels à adapter leurs pratiques.
2. La prévention de la transmission du V.I.H. parmi les patients traités en milieu psychiatrique
Quelle que soit la fréquence de l'infection à V.I.H. en milieu psychiatrique, la question de la prévention parmi les patients et du risque professionnel pour les soignants se pose dans un cadre spécifique et doit tenir compte de ces particularités.
La note du 19 avril 1995 qui vous avait été transmise (copie jointe) avait souligné l'importance de développer la prévention du sida dans les établissements de soins spécialisés et ceux accueillant des personnes handicapées mentales.
L'ensemble du personnel de ces établissements et, en particulier, vous-même et le président de la commission médicale d'établissement sont concernés par la prévention de la transmission du V.I.H. Cela suppose que vous meniez une réflexion sur la manière d'adapter les messages de prévention, d'aborder la question de la sexualité et des pratiques sexuelles dans vos établissements et de former spécifiquement le personnel soignant. L'élaboration d'un programme de prévention et de formation, de préférence intégré au projet d'établissement, est indispensable. Il pourra bénéficier de l'appui des chargés de mission sida des services déconcentrés de l'Etat. Une journée nationale permettra un état des lieux des actions de prévention au printemps 1997.
1° La collaboration avec les services somatiques nécessite l'implication du secteur psychiatrique, y compris des unités psychiatriques des centres hospitaliers, des services de psychiatrie hospitalo-universitaires par leur intervention dans les services de médecine ainsi qu'au domicile du malade si nécessaire.
Dans les cas où des équipes de psychiatrie de liaison ne jouent pas déjà ce rôle, de petites unités mobiles pluridisciplinaires émanant des structures de psychiatrie peuvent intervenir pour répondre aux besoins de soins des patients, au soutien de leurs proches et du personnel soignant, lorsque l'incidence de la pathologie V.I.H. le justifie. Cette prise en charge psychologique et/ou psychiatrique doit s'établir avec souplesse, dans la continuité et la concertation avec l'équipe somatique, tant en intra qu'en extra-hospitalier. Celle-ci devrait être possible pour l'ensemble des pathologies graves nécessitant cette double approche.
La présence régulière des intervenants psychiatriques dans les services de médecine, et non pas seulement lorsque surgissent des troubles du comportement, peut permettre de prévenir un grand nombre de situations aiguës ou de crise.
Une attention particulière sera accordée aux situations cliniques avec signes confusionnels ou démentiels, particulièrement éprouvantes pour le sujet malade, son entourage et l'équipe de soins et pour lesquelles la prise en charge ambulatoire trouve souvent ses limites, du moins ponctuellement.
2° La création d'une commission 'psy' dans chaque C.I.S.I.H. facilitera la participation des intervenants en psychiatrie aux travaux de ces centres, auxquels pourraient être associés des représentants des centres hospitaliers accueillant régulièrement des patients atteints par le V.I.H. Chaque comité sida géographiquement concerné y sera représenté. Cette mise en place devrait également concourir à la sensibilisation du milieu médical aux problèmes psychologiques et psychiatriques, à l'approfondissement d'une réflexion clinique pluridisciplinaire et à l'affinement des collaborations. Une journée nationale réunira ces commissions au premier trimestre 1997.
3° La création préconisée de comités sida.
L'ensemble des actions de lutte contre le sida doit faire l'objet d'une réflexion au sein des établissements psychiatriques. La mise en place d'un comité sida, déjà réalisée à titre expérimental, paraît de nature à faciliter cette réflexion.
Là où ils existent, ils constituent une instance de réflexion sur :
- la prévention du V.I.H. parmi les patients ;
- les questions déontologiques et éthiques ;
- la prévention des risques professionnels ;
- la mise en oeuvre des actions qui en découlent.
Ils participent à l'élaboration des programmes de formation, à la mise en place d'outils d'information et de prévention et à l'évaluation des actions entreprises.
Ils favorisent le travail en réseau avec l'ensemble des professionnels de santé concernés par l'infection à V.I.H. et les collaborations entre les services de médecine et les secteurs psychiatriques.
Ils participent au travail du C.I.S.I.H. de référence, en lien avec les établissements accueillant de façon régulière des patients atteints par le V.I.H.
Ces comités fonctionnent en lien avec les comités de lutte contre les infections nosocomiales (C.L.I.N.) et avec les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.H.S.C.T.). Ils constituent une instance de proposition auprès de la commission médicale d'établissement, du conseil d'administration et du comité technique d'établissement.
Ils peuvent participer au conseil départemental de santé mentale.
Leur composition est pluridisciplinaire de manière à permettre la présence d'un représentant des personnels médicaux, soignants, techniques et administratifs et, notamment, d'un membre de l'équipe de direction. Chaque service nomme un/ou plusieurs référents correspondants du comité. Le médecin du travail, un membre du C.L.I.N. et du C.H.S.C.T. y participent également.
Une rencontre nationale sera organisée le 22 novembre 1996 pour qu'à partir de ces expériences des échanges puissent se faire entre équipes.
J'attache la plus grande importance à la mise en oeuvre rapide de ces différentes recommandations. Les projets visant à améliorer la prise en charge psychiatrique des patients infectés par le V.I.H. et la prévention de la transmission de cette infection devront être favorisés. Ces programmes d'action devront être pris en compte dans les schémas régionaux et départementaux d'organisation des soins en psychiatrie. J'insiste sur la nécessaire implication des personnels de vos établissements dans le développement d'une politique de prévention de la transmission du V.I.H. au sein des différentes structures. Ils doivent s'y engager dans les plus brefs délais. Un bilan des actions entreprises sera réalisé en 1997 avec l'aide des chargés de mission sida dont vous trouverez les noms et adresses en annexe. Cette évaluation se fera sur des critères tels que :
- mise en place effective d'un programme de prévention et de prise en charge ;
- développement de la collaboration entre les équipes de soins psychiatriques et somatiques (conventions ou contrats d'objectifs entre les établissements...) ;
- réunions de sensibilisation et de formation à l'infection à V.I.H. et à sa prévention dans les établissements assurant des soins psychiatriques ;
- développement des moyens de prévention dans ces établissements (préservatifs...).
Références :
Article L. 355-22 du code de la santé publique ;
Circulaire DGS du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de santé mentale ;
Note d'information du 19 avril 1995 relative à la lutte contre le sida dans les établissements psychiatriques et ceux accueillant des personnes handicapées mentales.
Le ministre du travail et des affaires sociales à Mesdames et Messieurs les directeurs des établissements publics de santé. Direction générale de la santé, Direction des hôpitaux.
Texte non paru au Journal officiel.