Le droit de recourir à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) constitue depuis 1975 en France un droit imprescriptible pour toutes les femmes.
Cependant, et depuis plusieurs années, de nombreuses difficultés sont portées à la connaissance des services de mon ministère. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité disposer d'informations plus précises sur les conditions de prise en charge par les établissements de santé de cette activité.
A cette fin, j'ai demandé au professeur Nisand un rapport sur l'IVG en France.
Cette réflexion a apporté un éclairage nouveau aux informations qui me sont communiquées régulièrement (bulletins statistiques d'IVG et statistiques d'activité des établissements de santé [SAE]), en ce domaine.
Par ailleurs, deux enquêtes récentes réalisées respectivement par l'Institut d'études démographiques de l'université de Bordeaux (IEDUB) et par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), portant, d'une part, sur l'accessibilité au mois d'août des services pratiquant les IVG et, d'autre part, sur l'activité globale d'IVG dans les régions, confirment que des difficultés persistent concernant l'accessibilité des structures notamment publiques d'IVG et qu'il y a une disparité importante de moyens et de réponses à la demande d'IVG selon les régions.
Les principaux enseignements que l'on peut tirer de ces études sont les suivants :
- le pourcentage d'IVG relativement aux accouchements varie fortement d'une région à l'autre : 36 % en PACA, 45 % en Corse, 73 % en Guadeloupe versus 18 % en Pays de Loire, 19 % en Basse-Normandie et 20 % en Alsace.
- Parallèlement à cela, le nombre de praticiens disponibles pour assumer cette activité est également très variable d'une région à l'autre sans qu'il y ait de relation entre la demande et l'offre : selon l'enquête menée auprès des ARH, le nombre d'IVG par praticien en 1998 variait de 44 à 467.
- La participation du service public hospitalier à cette activité est elle aussi très différente selon les régions : ainsi, selon les données SAE 1997, 64 % des IVG en moyenne étaient réalisées dans des établissements publics, mais dans trois régions cette part était inférieure ou égale à 42 %.
Par ailleurs, il apparaît que nombre d'établissements publics sont amenés à refuser ou à différer la demande de certaines femmes et à les orienter vers des structures privées qui n'offrent pas toujours une prise en charge équivalente. Cette situation est encore aggravée en période estivale. Ainsi, selon l'enquête de l'IEDUB réalisée par Chantal Blayo sur l'accessibilité des structures d'IVG en août 1999 en métropole, 20 % des établissements publics seulement prennent en charge sans délais et sans conditions particulières les femmes souhaitant avoir recours à l'IVG au mois d'août.
- Enfin, les dernières données disponibles tendraient à prouver qu'encore 17 % des structures publiques d'IVG et 60 % des structures privées ne proposent pas aux femmes l'IVG médicamenteuse par le RU 486 (mifépristone).
L'ensemble de ce constat est préoccupant. Il est indispensable que des réponses adaptées soient apportées aux dysfonctionnements constatés dans l'accueil, l'orientation et la prise en charge des femmes qui connaissent ces difficultés.
Un nouvel état des lieux sera réalisé dans un an, après la mise en oeuvre des dispositions suivantes :
1. Améliorer le service public hospitalier
a) Proposer aux femmes l'ensemble des méthodes disponibles en matière d'IVG.
Je souhaite que vous rappeliez à l'ensemble des établissements, et particulièrement à ceux qui n'ont que peu ou pas recours à l'IVG médicamenteuse, qu'ils ont le devoir d'informer les femmes et de leur proposer toutes les méthodes disponibles en l'absence de contre-indication médicale, et notamment l'IVG médicamenteuse par le RU 486 dans le cadre de ses indications.
b) Améliorer la participation du secteur public à l'activité d'IVG.
L'insuffisante participation du secteur public dans certaines régions peut conduire à des difficultés pour les femmes socio-économiquement défavorisées qui ne peuvent avoir recours au secteur privé à but lucratif. Les régions Midi-Pyrénées, Ile-de-France et Guadeloupe sont plus particulièrement concernées et devront être attentives à ce phénomène en organisant une meilleure prise en charge des IVG par les hôpitaux publics.
Une enveloppe de 12 millions de francs a été dégagée afin de venir en aide aux régions qui rencontrent les plus grandes difficultés. Ces crédits permettront de financer la transformation de vacations en postes de praticien contractuel, voire le cas échéant de créer des postes s'ils n'existent pas.
c) Assurer la continuité du service public en période estivale.
Il vous appartient de veiller à ce que les établissements se coordonnent pour assurer, dans des conditions satisfaisantes, la pratique des IVG durant la période estivale. Pour cela, je souhaite que nous nous fixions comme objectif d'avoir multiplié par deux, dès l'année prochaine, le nombre des établissements publics qui accueillent de façon satisfaisante, - c'est-à-dire sans délai et sans conditions particulières pour toutes les femmes - les demandes d'IVG.
Cette organisation devra permettre notamment l'accueil et la prise en charge en urgence des femmes qui risquent de dépasser la limite du délai légal de dix semaines.
2. Adapter les missions des commissions régionales de la naissance
Vous disposez de commissions régionales de la naissance dont les missions ont été définies par l'arrêté du 8 janvier et précisées par la circulaire du 6 juillet 1999. Je vous rappelle que leur domaine d'intervention concerne la maîtrise de la fécondité, y compris dans ses aspects relatifs à l'interruption volontaire de grossesse. Dans le but de répondre aux difficultés qui ont été identifiées, je vous demande de mettre en place au niveau régional un dispositif spécifique d'expertise sur ce thème selon les modalités suivantes :
a) Expertise et propositions
* Composition des commissions régionales de la naissance :
Vous procéderez, si vous ne l'avez déjà fait, à la désignation de deux représentants d'associations oeuvrant l'un dans le domaine de la contraception et l'autre dans celui de l'IVG. Ces nominations interviendront dans le cadre du collège composé de personnalités représentant une association, cité à l'article 5 de l'arrêté du 8 janvier 1999.
En tant que de besoin, les commissions régionales de la naissance pourront faire appel, pour participer à leurs travaux, aux déléguées régionales aux droits des femmes.
* Mission spécifique des commissions régionales de la naissance en matière de maîtrise de la fécondité :
Les commissions régionales de la naissance seront chargées de recenser les difficultés rencontrées par les femmes souhaitant accéder à la contraception ou recourir à l'IVG, de les analyser et de proposer des mesures permettant d'y remédier. Elles y consacreront au moins une réunion chaque année. Pour leur permettre de mener à bien cette mission, les DRASS organiseront la mise à disposition des documents statistiques les plus récents concernant les interruptions volontaires de grossesse (statistiques résultant de l'exploitation des bulletins statistiques d'interruption de grossesse, statistiques d'activité des établissements). Elles recueilleront en outre auprès des DDASS des données relatives au fonctionnement des établissements de santé publics et privés réalisant des IVG. Ces données seront recueillies par les DDASS au moyen d'un court questionnaire qualitatif adressé aux établissements et comportera également l'avis du médecin inspecteur de santé publique en charge de ce domaine. Les éléments de cette enquête porteront en particulier sur les conditions d'accès des femmes aux établissements de santé réalisant des IVG, à l'accueil, l'information et à la prise en charge de celles-ci. Les résultats seront exploités, analysés et feront, si nécessaire, l'objet de propositions de la part des DDASS. Elles transmettront alors le résultat de ces travaux à la DRASS qui en communiquera la synthèse à la commission régionale de la naissance et à l'ARH.
En outre, les commissions régionales de la naissance disposeront de toute information connue des représentants du secteur associatif ou des membres de la commission régionale de la naissance, en particulier du médecin coordonnateur du service de protection maternelle et infantile.
Le bilan réalisé par la commission régionale de la naissance comportera des données quantitatives et qualitatives assorties de recommandations. Il sera intégré dans le rapport annuel d'activité prévu à l'article 11 de l'arrêté du 8 janvier 1999. Il indiquera en particulier si les établissements de santé ont été en mesure de mettre à la disposition des femmes l'ensemble des méthodes d'interruption volontaire de grossesse (médicamenteuse et chirurgicale) et si la commission estime nécessaire de renforcer le dispositif de l'information sur la contraception et l'accès à l'IVG.
b) Information et orientation des femmes
Sans attendre la réalisation de ce premier bilan régional, la commission régionale de la naissance s'assurera de la mise en place d'une permanence téléphonique et d'un lieu d'accueil et d'information au niveau régional. Ce dispositif devrait être pris en charge par une structure habilitée à traiter des questions relatives à la contraception ou à l'IVG avec laquelle une convention aura été passée. A défaut, il pourra être mis en place par un établissement de santé. La commission régionale de la naissance fera connaître cette permanence téléphonique et ce lieu d'accueil et d'information à l'ensemble des professionnels et du public. Grâce à ce dispositif, les femmes pourront accéder, y compris pendant la période estivale, à toute information sur la contraception, sur les établissements pratiquant les IVG dans les départements, sur les techniques proposées, et seront orientées vers le lieu le plus adapté à leur situation et à leur choix.
Je vous rappelle, par ailleurs, que dans le cadre de la loi relative à la lutte contre les exclusions des permanences d'accès aux soins de santé (PASS), comportant notamment des permanences d'orthogénie adaptées aux personnes en situation de précarité, sont mises en place par les établissements publics de santé et les établissements privés participant au service public.
Ces mesures, qui sont de nature à améliorer concrètement et sensiblement la situation au regard de l'accès des femmes aux établissements de santé pratiquant les IVG, doivent s'inscrire dans les priorités de santé publique dégagées au niveau de votre région. Elles impliquent une action forte et coordonnée de l'ensemble des acteurs concernés.
J'attache la plus grande importance aux résultats qui pourront être obtenus dans ce domaine et j'examinerai avec le plus grand intérêt les propositions que vous ferez dans ce cadre.
Références : Articles L. 162-1 et suivants du code de la santé publique et leurs décrets d'application ; Arrêté du 8 janvier 1999 relatif aux commissions régionales de la naissance
La ministre de l'emploi et de la solidarité, Direction générale de la santé, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, Services des droits des femmes.
Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (pour mise en oeuvre) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information et mise en oeuvre]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour information et mise en oeuvre]) ; Mesdames les déléguées régionales aux droits de femmes (pour information), Mesdames les chargées de mission départementales aux droits des femmes (pour information).
Texte non paru au Journal officiel.