Le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances, adopté par le Gouvernement le 16 juin 1999, insiste sur la nécessité d'organiser une politique générale de prise en charge des consommations abusives. De nombreuses insuffisances ont été décrites dans l'organisation du dispositif de prise en charge. Les possibilités d'accueil, de suivi et de soins doivent être améliorées. Le dispositif apparaît cloisonné et centré soit sur la toxicomanie, soit sur l'alcoolisme. Pourtant, il existe une forte corrélation entre les divers types de consommation : entre alcool et tabac, entre drogues illicites et alcool ou médicaments psychotropes. Ainsi, les problèmes d'alcool et de tabac sont rarement pris en compte par les équipes spécialisées en toxicomanie ; la consommation tabagique est rarement prise en charge par les équipes d'alcoologie et inversement. Les toxicomanies médicamenteuses sont, quant à elles, le plus souvent méconnues. Il convient aujourd'hui de pouvoir offrir non plus des réponses centrées sur les produits mais sur les conduites de consommation autour desquelles s'est établi un consensus international qui distingue l'usage, l'abus ou usage nocif et la dépendance et de prendre en compte l'ensemble des produits : tabac, alcool, produits illicites et les médicaments psycho-actifs. Ces réponses consistent à repérer les différentes dépendances ainsi que les polyconsommations.
Des changements sont nécessaires :
- l'approche doit dorénavant prendre en compte les comportements addictifs définis comme l'impossibilité répétée de contrôler un comportement de consommation de substances psychoactives qui vise à produire un plaisir ou écarter une sensation de malaise interne, poursuivi en dépit de ses conséquences négatives ;
- le dispositif de prise en charge doit être renforcé. Il apparaît, en effet, très insuffisant pour faire face à l'ensemble du problème de santé publique que ces conduites addictives constituent. Ainsi, le nombre de personnes qui consomment régulièrement de l'alcool est estimé à 10 millions dont 3,3 millions sont considérées à problèmes. Le nombre de fumeurs réguliers est estimé à 15 millions et les usagers d'opiacés à 150 000. Par ailleurs, les dernières enquêtes de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies montrent une progression de la consommation de psychostimulants et des drogues de synthèse sans qu'une approche du nombre de consommateurs puisse être précisée. Il convient, aujourd'hui, de donner à l'offre de soins (dispositif spécialisé, établissements de santé, médecins libéraux, associations d'autosupport) une meilleure cohérence afin que les actions de prévention, de soins et de réinsertion soient mieux articulées et coordonnées.
Durant les années 1970 et 1980, en raison notamment de l'existence des dispositifs spécialisés, les établissements de santé se sont peu investis sur le sujet des dépendances et les personnels hospitaliers se sont peu formés à une approche des conduites addictives, centrant leurs activités sur la prise en charge des complications somatiques ou psychiatriques de ces conduites. Au début des années 1990, l'amélioration de la prise en charge hospitalière des personnes toxicomanes ou alcooliques a été considérée comme un des axes prioritaires de la politique de soins. Ainsi l'accent a-t-il été mis sur le développement des possibilités d'hospitalisations, sur les liens avec le dispositif spécialisé et sur l'engagement d'un processus de formation du personnel hospitalier. C'est dans ce cadre qu'ont été financées des équipes de liaison et de soins. En 1999, 169 équipes d'alcoologie de liaison en France et 69 équipes de liaison et des soins aux toxicomanes étaient recensées.
S'agissant de la dépendance au tabac, la circulaire du 3 avril 2000 relative à la lutte contre le tabagisme dans les établissements de santé permet le renforcement ou la création de consultations hospitalières de tabacologie et d'unités de coordination de tabacologie. Il s'agit de promouvoir dans les hôpitaux une compétence dans la prise en charge du tabagisme. Aujourd'hui, les modes de consommation ont évolué, particulièrement chez les jeunes ; il est donc souhaitable que, d'ores et déjà, des synergies soient recherchées pour la prise en charge de l'ensemble des addictions et que la coordination des acteurs soit effective.
Malgré ces efforts, les réponses hospitalières aux problèmes des personnes ayant des comportements addictifs sont très en deçà des besoins :
- 20 % des personnes hospitalisées auraient des problèmes avec l'alcool : 7 % présentent des pathologies liées à l'alcool et, pour 13 %, l'alcool constitue un facteur de risque ;
- les personnes dépendantes éprouvent des difficultés pour être hospitalisées quand le sevrage en milieu hospitalier est nécessaire : les délais d'attente sont longs ;
- les personnes hospitalisées pour une affection liée aux conséquences de leur comportement addictif se voient rarement proposer une aide pour modifier leur comportement ;
- les personnes hospitalisées pour une raison qui n'est pas directement liée à la consommation de produits ne sont qu'exceptionnellement interrogées sur leurs consommations.
De nombreuses insuffisances des établissements de santé sont encore soulignées par les professionnels :
- le repérage des usages, des abus ou des dépendances est trop peu développé ;
- la prise en charge des jeunes ayant un usage nocif ou une dépendance à une ou plusieurs drogues : alcool, cannabis, ecstasy, médicaments, se limite le plus souvent à un accueil aux urgences et au strict motif de consultation. La personne regagne son domicile sans que le problème d'un abus ou d'une dépendance soit abordé ni que des relations soient établies avec les professionnels locaux, médecin ou travailleur social ;
- très peu de services d'urgence se sont organisés pour répondre de façon adaptée aux consultants ayant des problèmes d'alcool (éthylisme aigu, situation de crises liées à l'abus d'alcool). Pourtant, un quart des admissions aux urgences est lié à un problème d'alcool ;
- le plus souvent, on se limite à l'hôpital au traitement des complications mais un projet spécifique de soins, d'accompagnement, de réduction des risques est rarement proposé. Les relations avec les équipes de psychiatrie sont insuffisantes ;
- l'hôpital est encore trop peu articulé avec les principaux intervenants (intra et extrahospitaliers) en charge des personnes ayant des conduites addictives. Les ruptures dans le suivi des personnes dépendantes sont fréquentes ;
- enfin, la mission de prévention destinée à promouvoir les comportements favorables à la santé au sein des établissements de santé est quasi inexistante.
La place et le rôle des établissements de santé en matière d'addictologie doivent être définis et leurs moyens renforcés pour faire face à leurs missions dans ce domaine. C'est l'objet de la présente circulaire.
Les établissements de santé doivent s'organiser pour :
- mieux prendre en compte au niveau des urgences la problématique des personnes présentant une conduite d'usage nocif d'une ou plusieurs drogues, et cela, quel que soit le motif initial du recours ;
- repérer et dépister les comportements d'abus et de dépendance des personnes se présentant aux urgences ou hospitalisées, notamment, mais pas seulement, les jeunes et les femmes enceintes ;
- proposer aux personnes pour lesquelles une conduite addictive a été identifiée un bilan, une prise en charge spécifique et une orientation ;
- réaliser des sevrages dans des délais raisonnables ;
- proposer, si nécessaire, des hospitalisations pour bilan et soins de la dépendance ;
- s'assurer qu'un suivi médico-psycho-social sera engagé ;
- développer les relations avec les dispositifs ambulatoires ;
- s'inscrire dans les actions de prévention dans les domaines de la lutte contre l'alcool, le tabac et les drogues en partenariat avec les structures spécialisées de prise en charge des addictions.
Afin de favoriser l'accueil et la prise en charge des personnes présentant une conduite d'usage nocif ou un comportement de dépendance, il est souhaité que :
- soient renforcées ou créées des équipes de liaison et de soins en addictologie. Les équipes travaillant dans les domaines de l'alcoologie, de la toxicomanie et de la tabacologie doivent, à terme, se rapprocher. Les établissements de santé s'intègrent dans le dispositif général de prise en charge des dépendances afin de répondre au mieux aux demandes qui leur sont faites et de favoriser un suivi médico-psycho-social. Un fonctionnement en réseau est souhaité ;
- soient augmentées les possibilités d'hospitalisations pour sevrage, bilan et soins.
Différentes modalités administratives d'organisation sont proposées. Elles visent à favoriser le rapprochement des différentes structures et la cohérence du dispositif de prise en charge hospitalier.
II.1. Le travail de liaison
Rapprocher les compétences d'alcoologie, de toxicomanie et de tabacologie au sein des établissements hospitaliers apparaît comme une priorité. Ce rapprochement permet d'envisager des réponses centrées sur les personnes et les comportements et non plus uniquement sur les produits et donc de mieux répondre aux besoins des patients. Il vise également à favoriser les coopérations, les échanges de savoir-faire et à mutualiser les moyens et les outils thérapeutiques. Pour autant, les populations dépendantes, si elles se recouvrent en partie, sont loin de se confondre. De plus, les comportements de consommation, qu'il s'agisse d'un seul produit ou de l'association de plusieurs produits, sont très différents. Le principe est de favoriser le rapprochement des équipes en adaptant les réponses aux réalités de terrain et de prendre en compte la diversité des situations.
Dans les prochaines années, si on se réfère aux études épidémiologiques concernant les jeunes consommateurs, les besoins sont susceptibles d'évoluer considérablement. Si l'on manque encore de savoir-faire et d'expertise en matière de mésusage et de détournement des médicaments psycho-actifs, il conviendrait qu'en lien avec la recherche clinique l'hôpital participe à la création des conditions pour le repérage et la prise en charge de ces conduites. Aussi, les missions des équipes de liaison doivent leur permettre de s'adapter rapidement aux évolutions. Les principales missions sont de former et d'assister les équipes soignantes de l'hôpital, d'élaborer des protocoles de soins et de prise en charge, d'intervenir en tant que de besoin auprès des personnes hospitalisées et aux urgences, de développer les liens avec le dispositif de prise en charge permettant un suivi médico-psychosocial des patients. Elles mènent des actions de prévention, d'information et de sensibilisation au sein de l'établissement. Elles participent, enfin, au recueil d'information et à la mise en place d'indicateurs.
II.1.1. Former et assister les équipes soignantes
L'équipe a un rôle important à jouer auprès des soignants des différents services de l'hôpital pour les conseiller sur les questions de dépistage, de diagnostic, de prise en charge des problèmes d'intoxication aiguë, de sevrage, de traitement de substitution, de prise en charge psychologique et d'orientation.
L'équipe sera chargée d'organiser et de promouvoir la formation des personnels médicaux et infirmiers. Tout soignant doit être capable de délivrer les conseils minima, d'informer et d'intégrer pleinement la notion des risques induits par le tabagisme actif et passif, la poursuite d'une consommation abusive d'alcool et des drogues.
La direction de l'hôpital facilitera la mise en oeuvre de ces formations. Celles des infirmières, des sages-femmes et des médecins doivent être renforcées. Un effort particulier sera réalisé auprès des personnels des urgences les plus sollicités pour accueillir, repérer, traiter et orienter les personnes ayant un usage nocif et des comportements addictifs et du personnel des services ayant le plus souvent la charge de ces personnes. Une attention particulière sera portée aux services impliqués dans la prise en charge des personnes atteintes d'infection à VIH ou VHC. Il en sera de même pour les services d'hépatologie, de médecine et les maternités qui accueillent des patients présentant des complications liées à la prise régulière d'alcool et pour les services de psychiatrie dont les patients ont souvent des conduites addictives.
Parmi les stratégies d'action, il faut distinguer :
- les séances de sensibilisation qui ont pour objectifs principaux d'amener les soignants à sortir du déni et à pouvoir identifier et reconnaître les problèmes d'abus et de dépendance ;
- les séances d'information qui ont pour objectif de présenter le rôle, les missions et le mode de fonctionnement de l'équipe de liaison, mais aussi d'échanger avec les équipes soignantes autour de leurs expériences et à propos des problèmes soulevés par les personnes ayant des conduites addictives et leurs attentes ;
- l'intervention au lit de la personne et/ou la participation aux réunions d'équipes qui sont d'excellents moyens pour transmettre des savoir-faire.
II.1.2. Elaborer des protocoles de soins et de prise en charge
L'équipe de liaison sera chargée de définir des protocoles et d'aider à leur mise en oeuvre : accueil aux urgences, repérage, bilan, gestion d'une situation de manque, poursuite ou initialisation d'un traitement de substitution, sevrage. Elle s'appuiera sur les recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
a) L'accueil aux urgences
Les urgences hospitalières reçoivent régulièrement de très nombreuses personnes en difficultés avec l'alcool. Plusieurs études montrent qu'au moins un quart des recours aux urgences sont liés à un problème d'alcool. Ils motivent fréquemment une hospitalisation en unité d'hospitalisation de très courte durée, ex 'services porte', soit pour éthylisme aigu, soit pour intoxication médicamenteuse fréquemment associée à la prise d'alcool, soit enfin pour un problème lié à un éthylisme chronique. Les urgences de chirurgie reçoivent de nombreuses personnes ayant une pathologie traumatique liée à l'alcool. Les problèmes des usagers de drogues consultant aux urgences sont souvent sévères, multiples et intriqués, associant les médicaments et l'alcool.
Compte tenu du poids des recours aux urgences liés à des comportements d'abus ou de dépendance, il apparaît utile que soient définies les modalités de repérage de ces comportements et des protocoles de prise en charge. L'équipe de liaison en addictologie formalisera avec les services d'accueil et d'urgences des procédures écrites. Les protocoles de soins pour les personnes alcoolo-dépendantes, en état d'ivresse, toxicomanes, en état de manque, en surdosage et pour les états psychiatriques aigus devront être parfaitement connus des équipes d'urgence. L'équipe de liaison portera une attention toute particulière à la formation du personnel des urgences, à la création de liens avec les structures spécialisées susceptibles de recevoir ces personnes et à la constitution d'un carnet d'adresses (consultations, lieux d'écoute) permettant de les orienter.
b) La prise en charge des personnes dépendantes hospitalisées
L'équipe de liaison participe à la définition de la politique générale en matière de repérage, de sevrage, de bilan, de substitution et d'orientation. Elle apportera son concours en particulier à l'élaboration de référentiels de repérage et des projets de soins infirmiers en vue d'une meilleure prise en compte des problèmes d'addiction dans les services. Elle formalisera les modalités selon lesquelles elle est susceptible d'intervenir dans les différents services de l'hôpital.
II.1.3. Intervenir auprès des personnes ayant des conduites addictives
a) Aux urgences
Lorsque l'équipe des urgences est en difficulté avec un patient, elle pourra faire appel à l'équipe de liaison pour l'aider à évaluer la situation. Une attention toute particulière devra être portée aux adolescents et aux jeunes adultes.
Le rôle de l'infirmier en charge de l'accueil et l'orientation des urgences apparaît fondamental. Si la personne n'a pas à être hospitalisée, l'équipe des urgences doit pouvoir l'orienter vers un médecin généraliste, une structure spécialisée ou une autre structure susceptible de fournir des réponses précises aux problèmes de dépendance. Cela suppose une bonne connaissance des structures existantes et l'implication de l'hôpital dans un réseau de soins coordonnés. Les permanences d'accès aux soins de santé (PASS), dont le but est de faciliter l'accès aux soins des plus démunis, constituent des relais importants pour les personnes en situation de précarité qui ne présentent pas un état d'urgence véritable.
Les personnes hospitalisées en unité d'hospitalisation de très courte durée, une fois la phase aiguë dépassée, seront vues, en cas de besoin, par l'équipe de liaison. Il s'agit, à l'occasion d'une hospitalisation, de proposer une aide, un accompagnement voire une prise en charge médico-psycho-sociale.
b) Pendant l'hospitalisation.
De nombreuses personnes sont hospitalisées pour des complications somatiques de leur dépendance à l'alcool (cirrhose, pancréatite, épilepsie, polynévrite...) ou aux drogues (problèmes infectieux...). Le plus souvent, les équipes soignantes se limitent au traitement des complications et abordent de manière trop superficielle la question de l'abus ou de la dépendance. Il convient dorénavant d'être plus volontaire dans cette démarche et de proposer aux personnes concernées une prise en charge.
De même, pendant une hospitalisation motivée par des raisons psychiatriques (dépression, état psychotique), une prise en charge ou un bilan somatique doivent être envisagés.
Pour les personnes hospitalisées pour une raison non directement liée à une consommation, il convient d'intégrer dans les questions relatives à l'état de santé la consommation de substances psycho-actives. L'équipe de liaison devra sensibiliser et former les services sur les outils utilisables.
L'équipe soignante, face à un problème d'abus ou de dépendance, peut faire appel à l'équipe de liaison afin d'aider à l'évaluation de la dépendance, des troubles psychologiques ou psychiatriques, des problèmes médico-sociaux ; d'ajuster ou initier un traitement ; de susciter ou faciliter une prise en charge psychologique ou psychiatrique, enfin d'envisager une orientation vers le dispositif spécialisé ambulatoire, un médecin généraliste ou toute autre structure d'accueil avec ou sans hébergement.
Elle intervient en appui et en soutien des équipes soignantes. L'intervention au lit de la personne malade est un moyen privilégié pour transmettre des savoir-faire et former les soignants.
c) En consultation externe.
L'équipe de liaison n'a pas pour vocation d'assurer une prise en charge à moyen ou long terme des personnes dépendantes. Toutefois, afin de préparer une hospitalisation d'une personne pour un bilan ou un sevrage, l'équipe de liaison peut assurer des consultations externes.
Elle peut également intervenir en aval d'une hospitalisation afin d'éviter une rupture dans les soins et favoriser un relais de prise en charge en ville. A la demande, l'équipe de liaison peut recevoir une personne suivie à l'hôpital pour une co-morbidité afin de favoriser un début de prise en charge de la dépendance.
Enfin, il peut être utile, dans certaines situations, de créer des consultations avancées dans certains services considérés comme prioritaires, particulièrement les maternités.
Il convient toutefois de souligner que l'activité de consultations externes, si elle se justifie dans le cadre qui vient d'être défini, ne doit pas s'effectuer aux dépens de l'activité, stricto sensu, de liaison au sein de l'hôpital, ni se substituer au dispositif spécialisé.
II.1.4. Développer les liens avec les autres acteurs concernés
L'organisation de liens entre les différents acteurs intra et extra-hospitaliers pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients et leur suivi est un travail permanent de l'équipe de liaison. Ce travail doit permettre une prise en charge globale et pluridisciplinaire, faciliter les démarches en vue d'une hospitalisation ainsi que les prises en charge relais à la fin des hospitalisations.
Elle devra travailler en réseau avec les médecins généralistes, le secteur psychiatrique, les services hospitaliers spécialisés, les services de soins de suite et de réadaptation, le dispositif social et les structures sociales et d'hébergement. Enfin, la collaboration avec les associations, celles d'anciens buveurs par exemple, ne peut qu'être encouragée.
Il est essentiel qu'un travail en réseau soit développé entre les trois types de ressources : les centres spécialisés (CSST et CCAA), les services hospitaliers et les réseaux d'acteurs locaux (réseaux de santé ou réseaux centrés sur une pathologie). Afin d'encourager les coopérations entre les trois pôles et donner de la cohérence au dispositif, il est souhaitable qu'une coordination soit organisée par les DDASS. Leur rôle sera d'encourager le partenariat entre les différents acteurs, de favoriser la définition des articulations de fonctionnement de chacune de ces structures et d'inciter à la formalisation des liens par des conventions.
Une attention toute particulière sera portée au développement d'une prise en charge de proximité et au maintien de multiples modalités de soins (accueil en ambulatoire, hospitalisation en urgence, hospitalisation programmée, prise en charge en centre thérapeutique résidentiel, dispositif de réinsertion,).
S'agissant des établissements hospitaliers, il est souhaitable que la prise en charge des addictions soit intégrée dans les contrats d'objectifs et de moyens et que soient développées des relations entre la ville et l'hôpital. Ainsi, les orientations vers le dispositif spécialisé, le secteur psychiatrique, les médecins libéraux voire des réseaux de soins doivent être facilitées. Inversement, il convient de favoriser les interventions des membres des centres spécialisés de soins auprès des patients hospitalisés dans un souci de continuité des soins.
II.1.5. Mener des actions de prévention, d'information et de sensibilisation au sein de l'établissement
L'équipe de liaison a pour rôle d'impliquer en permanence l'établissement dans la lutte contre l'abus et les dépendances aux différents produits ou médicaments. Elle pourra s'appuyer sur le dispositif spécialisé, les réseaux, les comités départementaux de prévention de l'alcoolisme (CDPA), les comités départementaux d'éducation pour la santé, les centres d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances (CIRDD) et les associations.
La médecine du travail participera activement aux actions de prévention, d'information et de sensibilisation sur les consommations des différents produits pour les personnels hospitaliers. Elle désignera une personne référente 'addiction' qui travaillera en étroite coordination avec l'équipe de liaison.
II.1.6. Participer au recueil d'informations et à la mise en place d'indicateurs d'évaluation
La première étape du recueil d'informations consistera à décrire, pour chaque personne vue par l'équipe de liaison, les principales caractéristiques socio-démographiques, le degré de dépendance, le type de consommation, les éléments principaux mis en évidence au cours de l'entretien (accueil, information, problèmes sociaux, familiaux, psychiatriques, somatiques) et la proposition d'orientation. Un groupe de travail national sera mis en place afin de définir le contenu du dossier minimum du premier entretien avec un membre de l'équipe de liaison.
Enfin, s'agissant des urgences hospitalières fortement confrontées aux questions d'abus et de dépendances, il conviendra, à terme, de se donner les moyens de déterminer le poids des conduites addictives dans les motifs de consultation aux urgences.
Afin de pouvoir apprécier l'activité d'addictologie d'un établissement, un rapport d'activité des équipes de liaison hospitalières des actions d'information, de sensibilisation et de formation en direction des personnes ayant des conduites addictives, des visiteurs et des soignants sera adressé chaque année à l'agence régionale d'hospitalisation. Ce rapport servira de base à une évaluation à cinq ans du travail réalisé et de la bonne utilisation des crédits affectés.
Enfin, de nouvelles méthodes plus fines pour mesurer la morbidité et la mortalité devront être élaborées.
II.2. L'hospitalisation
Les établissements hospitaliers doivent s'organiser pour améliorer la prise en charge des personnes dépendantes et proposer plusieurs modalités d'hospitalisation.
II.2.1. Les hospitalisations de très courte durée
Le recours à ce type d'hospitalisation s'effectue par le service des urgences de l'hôpital. Il permet de répondre à des situations particulières lorsque la nécessité d'assurer une surveillance médicale ou de clarifier une situation difficile se fait sentir. Les équipes de liaison en addictologie participent à cette prise en charge, lorsque l'équipe d'urgence le souhaite, en proposant aux patients dépendants une consultation spécialisée.
II.2.2. Les hospitalisations complètes
Les hospitalisations pour sevrage ou bilan et soins addictologiques doivent être programmées. Leurs indications sont posées soit par les intervenants du dispositif spécialisé (CSST et CCAA), soit par un médecin libéral, soit par le médecin de l'équipe de liaison en addictologie, soit enfin par le médecin d'un service hospitalier.
Les délais pour répondre à une demande de sevrage ou de bilan doivent être raisonnables et, en tout état de cause, inférieurs à trois semaines. Des lits seront prévus à cet effet, soit dans des unités ou services ayant une orientation en addictologie, soit dans des services de médecine, de spécialités médicales ou de psychiatrie et en accord avec le chef de service. Ces hospitalisations ont pour objectifs de réaliser les sevrages et les bilans médico-psycho-sociaux, de proposer un programme de soins et de réaliser les conditions d'un bon suivi en coordination avec les autres acteurs concernés.
II.2.3. Les hospitalisations de jour
Le recours à une hospitalisation de jour peut être utile pour un bilan et des soins en addictologie. Ces hospitalisations permettent de clarifier la situation médicale (bilan somatique et biologique), psychologique (avec un bilan familial si besoin) ou psychiatrique, ainsi que la situation sociale et professionnelle d'un patient, sans pour autant couper celui-ci de son cadre de vie. Elles permettent également de proposer ou de mettre en oeuvre un programme thérapeutique et une orientation.
II.2.4. Les hospitalisations pour troubles psychiatriques
La co-morbidité psychiatrique est souvent associée à l'abus ou la dépendance. En outre, les états d'agitation aiguë dans un contexte d'abus de psycho-stimulants et/ou d'hallucinogènes sont de plus en plus souvent rencontrés. Afin de répondre à ces troubles psychiatriques, les services de psychiatrie doivent s'organiser pour répondre, en dehors des strictes cures de sevrage, aux nécessités d'hospitalisation de ces personnes.
II.3. La composition des équipes de liaison et les différentes modalités d'organisation
II.3.1. Composition d'une équipe de liaison
A titre indicatif, une équipe de liaison en addictologie est composée d'un praticien hospitalier à temps partiel et de deux à trois équivalents temps plein de personnel non médical (infirmière, psychologue, travailleur social, diététicienne) et d'un temps de secrétariat médical. Son personnel est pluridisciplinaire et a reçu une formation spécifique. En fonction des besoins, de la taille de l'hôpital, des données épidémiologiques dans la région considérée, la composition des équipes sera adaptée.
II.3.2. Les différentes modalités d'organisation
Plusieurs modalités administratives d'organisation sont proposées.
a) Des unités fonctionnelles d'addictologie
L'activité d'addictologie au sein des établissements est à développer. La création d'une unité fonctionnelle d'addictologie peut être envisagée. Elle pourra disposer d'un budget spécifique et présenter son propre rapport d'activité. Le rattachement de l'équipe de liaison à cette unité fonctionnelle d'addictologie ou à un service disposant de lits pour assurer les sevrages ou les bilans pour les personnes dépendantes est décisif pour assurer l'identification et la reconnaissance de l'équipe de liaison.
Pour autant, la mobilisation des autres services hospitaliers demeure indispensable. Les possibilités d'hospitalisation dans les services de médecine ou de psychiatrie pour assurer des sevrages et des bilans doivent être maintenues et même développées et leurs activités coordonnées à celles de l'unité fonctionnelle.
L'unité fonctionnelle est placée sous la responsabilité d'un praticien hospitalier. Le conseil d'administration désignera le praticien hospitalier chargé de l'unité fonctionnelle avec l'accord du chef de service ou du département.
Certains services disposent, d'ores et déjà, d'unité fonctionnelle d'alcoologie ou de toxicomanie. Dans ce cas de figure, ces unités pourront élargir leur mission aux autres dépendances et devenir des unités fonctionnelles d'addictologie, ou fédérer leurs activités avec d'autres structures.
b) Une fédération d'activités
Avec l'accord des chefs de service,des services ou des unités fonctionnelles peuvent être regroupés en fédération en vue du rapprochement d'activités médicales complémentaires et du regroupement des moyens en personnel. Cette modalité d'organisation sera privilégiée lorsqu'au sein d'un ou de plusieurs groupes hospitaliers différents services ont, d'ores et déjà, intégré dans leur mission la prise en charge de personnes dépendantes. Les centres de soins spécialisés en toxicomanie et les centres de cure d'alcoologie ambulatoire à gestion hospitalière seront associés à cette fédération afin de donner toute la cohérence nécessaire au dispositif de soins aux personnes dépendantes. Les activités de la fédération seront placées sous la responsabilité d'un médecin coordonnateur.
c) Une équipe de liaison rattachée à un service
Si les conditions ne sont pas réunies en 2000 pour constituer une unité fonctionnelle, on s'orientera au moins vers la création d'une équipe de liaison rattachée à un service.
Enfin, les établissements de santé n'ayant pas la capacité de mettre en place une équipe de liaison doivent développer un mode d'organisation approprié (conventions entre établissements, antenne...).
Pour l'année 2000, une enveloppe nationale de 38 millions de francs est destinée à la création et/ou au renforcement d'équipes de liaison en addictologie.
La répartition de cette enveloppe entre les régions est réalisée à partir d'un indice synthétique régional prenant en compte le poids de la toxicomanie, de l'alcoolisme et la taille de la population.
Les établissements publics de santé, sous dotation globale, sont invités à présenter des projets avant le 30 novembre 2000 à l'agence régionale de l'hospitalisation. Ces projets seront fondés sur un état des lieux des dispositifs et des partenariats existants ou à développer.
En outre, l'ensemble des établissements actualisera la liste des services dans lesquels il est possible d'hospitaliser les personnes ayant des comportements addictifs. Vous les inviterez à renseigner la fiche jointe, en annexe 5, qu'ils devront retourner, également, à l'ARH avant le 30 novembre 2000. Un double de cette fiche sera adressé à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins au bureau O2 chargé des addictions.
Pour attribuer ces crédits l'ARH tiendra compte :
- de la situation du département en matière de comportements addictifs ;
- de la cohérence du projet au sein de l'hôpital : inscription dans le projet d'établissement avec implication des services d'urgence, de médecine et de psychiatrie ;
- du rapprochement des acteurs chargés des activités alcool, toxicomanie et tabac dans les établissements de santé ;
- des possibilités offertes en hospitalisation pour sevrage, bilan et soins aux personnes dépendantes au sein de l'établissement et dans les unités fonctionnelles d'addictologie ;
- du travail en réseau avec le dispositif spécialisé et les réseaux d'acteurs locaux, la signature de conventions entre les partenaires impliqués dans la prise en charge sanitaire et sociale étant vivement souhaitée ;
- d'un éventuel effort interne de l'hôpital pour la constitution de cette équipe de liaison ou d'une unité fonctionnelle d'addictologie ;
Vous voudrez bien nous faire part, sous le timbre de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, des difficultés que vous pourriez rencontrer dans la mise en oeuvre de la présente instruction.
Références :
Loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions : création des centres de cures ambulatoires en alcoologie ;
Code de la santé publique, livre VII : Etablissement de santé, loi n° 91-748 du 31 juillet 1991, section III, organisation des soins et fonctionnement médical ;
Code de la santé publique, livre III : lutte contre les fléaux sociaux, loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme ;
Circulaire DH/EO 2/DGS n° 2000-182 du 3 avril 2000 relative à la lutte contre le tabagisme dans les établissements de santé et au renforcement ou à la création de consultations hospitalières de tabacologie et d'unités de coordination de tabacologie ;
Circulaire du Premier ministre n° 4 692/SG du 13 septembre 1999 : lutte contre la drogue et prévention des dépendances ;
Circulaire DGS/DAS/DH/DSS/DIRMI n° 99-648 du 25 novembre 1999 relative aux réseaux de soins préventifs, curatifs, palliatifs ou sociaux ;
Circulaire DGS/DH n° 346 du 15 juin 1999 relative à l'organisation des soins hospitaliers pour les personnes toxicomanes ;
Circulaire DH/AF 1/DGS/SP 2/DAS/RV 3 n° 736 du 17 décembre 1998 relative à la mission de lutte contre les exclusions sociales des établissements de santé participant au service public hospitalier et à l'accès aux soins des personnes les plus démunies ;
Note d'orientation n° 98-659 du 5 novembre 1998 relative à la révision des projets thérapeutiques des centres spécialisés de soins aux toxicomanes ;
Circulaire DH/EO n° 277 du 9 avril 1997 relative aux réseaux de soins et communautés d'établissements ;
Circulaire DH/EO 4 n° 557 du 10 septembre 1996 relative à la constitution d'équipes d'alcoologie hospitalière de liaison ;
Circulaire n° 96-239 du 3 avril 1996 relative aux orientations dans le domaine de la prise en charge des toxicomanes ;
Circulaire n° 15 du 7 mars 1994 relative aux lits réservés pour les cures de sevrage dans les services hospitaliers et au développement des réseaux ville-hôpital dans le cadre de la prise en charge des usagers de drogues.
LES MODALITES D'ATTRIBUTION DES CREDITS REGIONAUX
Pour l'année 2000, une enveloppe nationale de 38 millions de francs est destinée à la création et/ou au renforcement d'équipes de liaison en addictologie.
Pour répartir cette enveloppe entre les régions, un indice synthétique régional prenant en compte le poids de la toxicomanie, de l'alcoolisme et la taille de la population a été construit.
L'indice 'toxicomanie' a été établi à partir de la moyenne de trois types de données régionales (cf. annexe 1) :
- le nombre de toxicomanes ayant eu recours à l'hôpital durant le mois de novembre (enquête du SESI un mois donné 1997) ;
- les ventes régionales de boîtes de Subutexr en 1999 (SIAMOIS - InVS) ;
- les ventes régionales de Stériboxr en 1999 (SIAMOIS - InVS) ;
L'indice 'alcool' a été établi à partir de la moyenne de trois types de données régionales (cf. annexe 2) :
- décès par psychose alcoolique et alcoolisme (INSERM SC8) - année 1997 ;
- décès par cirrhose alcoolique (INSERM SC8) - année 1997 ;
- décès par tumeurs des voies aérodigestives supérieures chez les personnes de moins de soixante-cinq ans (INSERM SC8) - année 1997.
Un indice synthétique 'tox-alcool' a été constitué à partir de ces deux indices. Afin de tenir compte de l'importance de l'alcoolisme dans la population française, une pondération a été effectuée sur la base de 1 pour la toxicomanie et de 10 pour l'alcool. Ce nouvel indice donne le poids de la dépendance par région (cf. annexe 3).
Enfin, pour prendre en compte la taille de la population régionale de plus de quinze ans, l'indice synthétique régional a été calculé à partir de l'indice 'tox-alcool' et de l'indice population (moyenne des deux indices - voir annexe 3).
Cet indice synthétique régional a été appliqué à l'ensemble des crédits attribués et disponibles (crédits fléchés toxicomanie, alcool déjà attribués + crédits 2000 disponibles). Il permet de calculer les besoins de financement théoriques de chacune des régions.
La différence entre les besoins théoriques et les crédits déjà attribués a permis de calculer les dotations régionales 2000 : voir annexe 4.
INDICATEUR TOXICOMANIE PAR REGION
[Tableau : cf. document original]
ANNEXE II
INDICATEURS ALCOOL PAR REGION
[Tableau : cf. document original]
ANNEXE III
ELABORATION D'UN INDICE SYNTHETIQUE REGIONAL 'ADDICTION'
[Tableau : cf. document original]
ANNEXE IV
REPARTITION REGIONALE DES CREDITS 2000 AFFECTES A LA CREATION ET AU RENFORCEMENT D'EQUIPES DE LIAISON HOSPITALIERES EN ADDICTOLOGIE
[Tableau : cf. document original]
ANNEXE V
LISTE DES SERVICES CHARGES D'ACCUEILLIR LES PERSONNES AYANT UNE CONDUITE ADDICTIVE POUR SEVRAGE, BILAN ET SOINS
Nom de l'établissement hospitalier :...
Adresse :...
Personne en charge du dossier :... Tél. :...
SPECIALITE DU SERVICE
NOM DU CHEF DE SERVICE
NBRES DE PLACES
Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, Direction générale de la santé.
Mesdames et Messieurs les directeurs d'agence régionale d'hospitalisation (pour exécution) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour exécution et diffusion]).
Texte non paru au Journal officiel.
2676.