Référence : articles L. 5125-1 et suivants du code de la santé publique.
Le ministre de la santé et de la protection sociale à Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour exécution]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales, inspections régionales de la pharmacie [pour information])
A la suite de différentes demandes émanant notamment de vos services, il m'est apparu opportun de préciser certains points concernant l'interprétation de dispositions du code de la santé publique relatives aux officines de pharmacie au regard de la jurisprudence en vigueur.
1. L'application de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique
L'article L. 5125-3 du code de la santé publique, qui conditionne l'octroi d'une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines à une réponse optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines, pose des difficultés d'interprétation qui ne pourront toutes être levées que lorsqu'une jurisprudence homogène sera dégagée par les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat.
Il convient, en l'état de la jurisprudence, de ne pas accorder d'autorisation lorsque la population résidant à proximité de l'emplacement prévu pour la nouvelle officine est inexistante ou que celle-ci est très faible (quelques centaines de personnes) ou encore si la population résidente, bien que proche, est séparée de l'emplacement de la future officine par un obstacle naturel ou artificiel posant des difficultés de franchissement. Ce problème se rencontre plus particulièrement dans le cas des demandes de transfert pour des emplacements situés dans des centres commerciaux.
Au regard des textes, et, sauf jurisprudence ultérieure infirmant cette interprétation, il n'apparaît pas possible de rejeter une demande sur le fondement de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique sans proposer auparavant un ou plusieurs autres secteurs au demandeur en vertu de l'article L. 5125-6 du code précité. Si aucun autre secteur ne peut être proposé, il serait opportun de mentionner ce point dans un considérant de l'arrêté afin de prévenir tout contentieux en la matière.
2. Problèmes spécifiques aux transferts
2.1. Demandes de transfert au sein d'un même quartier
Lorsque la configuration des lieux et la distance séparant le nouvel emplacement de l'ancien vous permettent de considérer que le transfert s'effectuera au sein d'un même quartier de la commune, ledit transfert est de droit s'il ne compromet pas les intérêts de la santé publique. Un rejet de la demande de transfert fondée uniquement sur la trop grande proximité d'une autre officine serait entaché d'illégalité (C.E. du 24 avril 1992 - Mme Roux contre ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale).
2.2. Le changement d'emplacement du local d'une officine de pharmacie au sein d'un centre commercial
En l'absence de jurisprudence sur ce point, mes services ont jusqu'alors considéré que le changement d'emplacement d'un local au sein d'un centre commercial n'était pas assimilable à un transfert, étant donné, d'une part, que ce déplacement n'entraînait pas de changement d'adresse et, d'autre part, qu'il n'avait aucune incidence sur la desserte de la population résidant à proximité de ce centre.
Compte tenu de diverses interrogations concernant des demandes déposées au sein de grands centres commerciaux, il m'est apparu utile de vous apporter des précisions relatives au traitement de ce type de dossiers.
Il convient, dans tous les cas de figure, de demander au pharmacien de fournir toute pièce justifiant de ses droits sur le nouveau local, ainsi qu'un descriptif et un plan coté des locaux afin que l'inspection régionale de la pharmacie vérifie si le nouveau local est conforme aux conditions minimales d'installation.
Vous devez également informer le conseil régional de l'ordre des pharmaciens compétent de ce changement d'emplacement.
De plus, il paraît souhaitable de prendre un arrêté modificatif afin que soit indiqué précisément l'emplacement du nouveau local à l'intérieur du centre commercial.
Si vous estimez opportun de traiter cette demande comme une demande de transfert, vous êtes juridiquement fondé à le faire étant donné, ainsi que le stipule le premier alinéa de l'article L. 5125-6 du code de la santé publique, que la licence fixe le nouvel emplacement où l'officine est exploitée.
Toutefois, j'appelle votre attention sur le fait que si les conditions précitées relatives au local sont remplies, cette demande de transfert ne pourrait être rejetée que si vous êtes en mesure de justifier que le déplacement du local aurait une incidence sur la desserte de la population résidente du quartier.
2.3. L'annulation d'une autorisation de transfert par la juridiction administrative
Concernant l'exécution d'une décision d'une juridiction administrative annulant une autorisation de transfert, les deux points suivants me paraissent devoir être rappelés :
2.3.1. Le droit de l'intéressé à la conservation de sa licence initiale
Lorsqu'une décision d'une juridiction administrative annulant une autorisation de transfert et les considérants de celle-ci ne vous permettent pas de reprendre un arrêté d'octroi de transfert pour le même emplacement, la jurisprudence du Conseil d'Etat considère que le pharmacien conserve néanmoins le bénéfice de sa licence initiale. La Haute Assemblée a jugé en effet que, dans ce cas, l'intéressé, qui n'a cessé d'exercer sa profession à l'emplacement de son ancienne officine qu'en raison de l'autorisation irrégulièrement délivrée par l'autorité administrative, conserve le droit d'obtenir le transfert de son ancienne officine, même si toute activité a cessé dans le local précédent (C.E. Mlle Houles du 4 mars 1970).
2.3.2. La radiation d'un pharmacien du tableau de l'ordre par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens en exécution d'une décision d'une juridiction administrative
Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens est juridiquement fondé à procéder à la radiation d'un pharmacien à compter du moment où il a connaissance d'un arrêté ministériel ou d'un jugement d'une juridiction administrative annulant un arrêté préfectoral qui avait autorisé la création, le transfert ou le regroupement d'une officine de pharmacie, puisque cette annulation entraîne la caducité de la licence (C.E. n° 225084 du 30 décembre 2002 - M. X... contre CNOP).
Lorsqu'une décision d'annulation vous est notifiée, il convient de demander au pharmacien de restituer sa licence conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique et de lui rappeler qu'il s'exposerait à des sanctions pour exercice illégal de la pharmacie dans l'hypothèse où il maintiendrait son officine ouverte après avoir été radié du tableau de l'ordre.
Il serait souhaitable, lorsqu'une requête en référé suspension ou une demande de sursis à exécution a été déposée contre une décision d'annulation, d'attendre que le juge statue avant que le CROP ne radie l'intéressé, cette radiation intervenant généralement dans un délai de quinze jours après que le pharmacien a été invité à présenter ses observations. Vous devrez, dans la mesure du possible, faire part de ce souhait au CROP dès que vous saurez que l'une ou l'autre des procédures précitées a été engagée devant la juridiction administrative, sachant que rien n'oblige le CROP à se conformer à votre demande.
Par ailleurs, je précise qu'un appel interjeté par un pharmacien devant le CNOP contre une décision de radiation prononcée par un CROP n'a pas d'effet suspensif.
3. Rédaction des arrêtés d'autorisation de création, de transfert ou de regroupement
L'arrêté d'autorisation doit faire référence aux dispositions de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique en indiquant que, sauf cas de force majeure, l'officine doit être ouverte dans un délai d'un an et ne peut faire l'objet d'une cession totale ou partielle, ni être transférée ou faire l'objet d'un regroupement avant un délai de cinq ans à compter de la notification de l'arrêté de licence.
4. L'appréciation du cas de force majeure
En vertu des premier et troisième alinéas de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique et de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 5125-15 du code précité, il vous appartient de constater le bien-fondé du cas de force majeure lorsqu'un pharmacien n'a pu ouvrir son officine dans le délai d'un an, lorsqu'il souhaite céder tout ou partie de son officine, la transférer, la regrouper avec une autre officine de la commune avant un délai de cinq ans ou encore lorsqu'à la suite d'un regroupement un pharmacien souhaite céder ses parts avant le délai précité.
Conformément à la jurisprudence dégagée par le Conseil d'Etat, la force majeure est un événement caractérisé par son extériorité, son imprévisibilité et son irrésistibilité. Bien qu'il n'existe pas de jurisprudence en la matière pour ce qui concerne les officines de pharmacie, on peut légitimement penser que, saisi d'un recours contentieux relatif à une officine de pharmacie, le juge administratif prendrait sa décision sur le fondement de la réunion des trois critères précités.
En l'absence de jurisprudence spécifique aux officines de pharmacie, certaines situations me paraissent pouvoir être assimilées à des cas de force majeure.
Tel est notamment le cas lorsqu'un pharmacien n'a pu ouvrir son officine dans un délai d'un an en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et sous réserve que la prolongation du délai ne soit pas excessive.
De même, lorsqu'un pharmacien souhaite céder tout ou partie de son officine ou transférer celle-ci avant un délai de cinq ans, il paraît possible d'accorder une telle dérogation, par exemple, lorsque l'état de santé du pharmacien ne permet plus à ce dernier d'exercer son activité professionnelle dans des conditions compatibles avec l'intérêt de la santé publique. Dans ce cas, l'intéressé devra produire un certificat médical à l'appui de sa demande ; si les indications portées sur ce certificat ne sont pas suffisamment explicites, le médecin inspecteur de santé publique pourra demander une contre-expertise à un autre médecin. En revanche, une demande de dérogation fondée, par exemple, sur le simple critère de l'âge ne peut être acceptée.
5. Les arrêtés relatifs à l'état des lieux établis dans votre département
Je vous précise que, sauf en exécution d'un jugement d'une juridiction administrative, la loi ne vous permet pas de modifier les arrêtés déterminant la liste des communes de moins de 2 500 habitants desservies par une officine de pharmacie située dans une commune de moins de 2 500 habitants ou dans une commune de 2 500 habitants et plus que vous avez pris en application de la loi du 27 juillet 1999, complétée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. En l'état des textes, vous ne pouvez donc accorder une autorisation de création dans une commune considérée comme déjà desservie par une officine située dans une autre commune ou dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës que lorsque la population de cette commune ou de cette zone atteint 2 500 habitants.
L'opportunité d'un amendement législatif permettant de modifier cet état des lieux, en pérennisant la commission qui avait été mise en place à cet effet, sera expertisée le cas échéant.
6. Les nouvelles modalités de recensement de la population
La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit une nouvelle méthode de recensement de la population française. Ainsi, un recensement partiel annuel remplace le recensement général. Toutefois, ce n'est qu'à partir de 2008 que l'INSEE sera en mesure de publier l'ensemble des résultats détaillés relatifs à la population légale de chaque commune. En conséquence, jusqu'en 2008, les dispositions de l'article L. 5125-10 du code de la santé publique restent applicables ; ainsi, pour toute demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie, il convient de se référer aux chiffres de la population municipale issus du dernier recensement général ou éventuellement des recensements complémentaires qui peuvent donc continuer à être effectués pendant cette période transitoire.
7. Les sociétés d'exercice libéral de pharmaciens d'officine
Les dispositions de l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL introduites par l'article 32 de la loi du 12 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier (MURCEF) permettent aux associés non exploitants de détenir la majorité du capital social d'une SEL. Cependant, la majorité des droits de vote doit continuer à être détenue par le ou les associés exploitant l'officine, étant donné que l'article 5-1 ne mentionne pas ceux-ci.
Toutefois, ce principe pose des difficultés d'application compte tenu des règles de droit commun régissant les différents types de sociétés pouvant être exploitées sous forme de sociétés d'exercice libéral.
Ainsi, pour ce qui concerne les SELARL, le premier alinéa de l'article L. 223-28 du code du commerce prévoit que, dans une SARL, chaque associé dispose d'un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu'il possède.
Par ailleurs, l'article 8 de la loi du 31 décembre 1990 prévoit, dans son deuxième alinéa, qu'aucun droit de vote double ne peut être attribué aux actions des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme, par actions simplifiées ou en commandite par actions détenues par des actionnaires autres que des professionnels en exercice au sein de la société.
Dans ces conditions, il m'apparaît que vous êtes fondés à refuser une demande d'exploitation d'une SEL de pharmaciens d'officine dans laquelle les pharmaciens non exerçants détiendraient la majorité du capital social, alors qu'ils ne peuvent détenir la majorité des droits de vote en vertu des dispositions précitées.
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Je vous remercie de me tenir informé des difficultés que vous pourriez rencontrer dans la mise en oeuvre des dispositions de la présente circulaire. Mes services se tiennent à votre disposition pour toutes précisions complémentaires.
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, E. Couty