Le ministre du travail et des affaires sociales, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale à Mesdames et Messieurs les préfets.
Les services de secours d'urgence, en particulier des services départementaux d'incendie et de secours (S.D.I.S.) et les services d'aide médicale urgente (S. A.M.U.) ou connu depuis ces dix dernières années une évolution importante de leurs missions, due principalement à une demande accrue de protection des populations et au développement des techniques de médicalisation sur les lieux mêmes des accidents ou des sinistres.
Le recouvrement de leurs missions dans le cadre du secours à personnes et de l'aide médicale urgente a pu favoriser l'apparition d'une certaine concurrence.
Depuis 1986, un ensemble de textes législatifs et réglementaires a permis de préciser le champ de leurs compétences respectives et a cherché à organiser une réelle complémentarité entre ces deux services publics, notamment avec la circulaire interministérielle du 18 septembre 1992 relative aux relations entre le service départemental d'incendie et de secours et les établissements publics hospitaliers, dans les interventions relevant de la gestion quotidienne des secours. C'est ainsi qu'est prévue la passation entre les deux services publics d'une convention départementale permettant l'application de procédures essentiellement opérationnelles lors des interventions de secours.
Afin d'évaluer les effets de ces mesures sur l'organisation des secours d'urgence dans les départements une mission interministérielle a été mise en place en avril 1994. Elle comprend des représentants des ministères de l'intérieur et de la santé, auxquels se sont joints des membres du Syndicat national de l'aide médicale urgente et de la Fédération national de l'aide médicale urgente et de la Fédération nationale des sapeurs pompiers français.
Au terme de ces travaux conduits dans une dizaine de départements, cette mission a pu tirer un certain nombre de conclusions destinées à améliorer l'organisation des secours d'urgence.
Celle-ci passe en premier lieu par la conclusion d'une convention départementale qui organise la coopération entre les deux services publics concernés dans le respect de leurs compétences respectives. La qualité de leur coopération est d'autant plus facilitée que des moyens techniques de communication fiables existent entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale urgente et que des procédures d'évaluation permettent rapidement de mesurer les conditions de mise en oeuvre de la convention.
L'association du service départemental d'incendie et de secours et du service d'aide médicale urgente pour définir une organisation départementale des secours d'urgence au quotidien doit être l'occasion d'élargir la réflexion à l'ensemble des acteurs publics ou privés concernés, qu'il s'agisse des élus, des organisations médicales ou des entreprises des transport sanitaires.
Les enseignements tirés de trois années de pratique de la circulaire du 18 septembre 1992 permettent d'indiquer que non seulement ses grandes orientations conservent toute leur pertinence mais qu'en outre leur mise en oeuvre doit s'inscrire dans une dynamique nouvelle dans laquelle l'Etat doit pleinement s'investir.
1. La circulaire du 18 septembre 1992 garde toute sa pertinence et sa mise en oeuvre doit être poursuivie
Cette circulaire élaborée sous l'égide de la direction générale de la santé et de la direction de la sécurité civile en concertation avec les représentants de sapeurs-pompiers et avec les services d'aide médicale urgente, définit de manière précise le rôle du service départemental d'incendie et de secours et du service d'aide médicale urgente lors des interventions de secours à personnes. Ce partage de rôles est rendu possible par l'application de procédures opérationnelles et techniques reprise dans une convention départementale et adaptée aux spécificités locales.
Les trois idées forces de la circulaire du 18 septembre 1992 sont les suivantes :
- la mise en place d'une interconnexion effective entre le service départemental d'incendie et de secours et de le service d'aide médicale urgente ;
- la définition de la procédure du prompt secours ;
- la signature sous votre égide d'une convention départementale entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale urgente.
1.1. La mise en place d'un interconnexion effective entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale urgente
La qualité des moyens techniques de communication est une condition première pour que les deux services publics puissent répondre dans de bonnes conditions aux appels de plus en plus nombreux qui leur parviennent.
La qualité de la réponse apportée dépend, quant à elle, de la concertation qui doit le cas échéant, s'établir entre les deux services publics.
Cette concertation est rendue possible grâce à l'interconnexion téléphonique entre les numéros d'appel 15, 17 et 18, prévue par la circulaire du 12 décembre 1994. Au-delà, l'interconnexion assure à l'appelant un dialogue téléphonique sans rupture lorsque son appel bascule d'un service à l'autre.
L'interconnexion est rendue possible avec la centralisation du 18 qui malheureusement, n'est pas encore réalisée dans tous les départements. Dans certains d'entre eux, il existe encore de multiples points d'aboutissement du 18 ce qui conduit au développement de relais ; les centres de secours principaux des destinataires du 18 renvoient l'appel vers le Codis. Cette procédure est une cause de dysfonctionnement dans les transmissions des appels d'un service à l'autre.
Il va de soi que si, compte tenu de certaines particularités locales le maintien de plusieurs centres de traitements de l'alerte (C.T.A.) peut être envisagé, il est impératif que l'interconnexion soit établie entre eux, avec le Codis et le centre 15.
Dans certaines zones rurales, la couverture du 18 est même insuffisante.
Enfin l'interconnexion radio à partir de la mise en place des réseaux secours et sois d'urgence (S.S.I.) représente un facteur essentiel pour l'amélioration de la collaboration effective de deux services publics.
1.2. La définition de la procédure du prompt secours
Le prompt secours est défini dans la circulaire du 18 septembre 1992 comme "l'action de secouristes agissant en équipes et qui vise à prendre en charge dans délai des détresses vitales ou à pratiquer des testes de secourisme : "Son intérêt réside dans son caractère réflexe".
La pratique montre que la conception du prompt secours varie d'un département à l'autre et s'éloigne parfois notablement de son critère essentiel : la détresse vitale.
Dans les conventions à conclure, et, bien sûr, dans l'application de celles déjà conclues, cette définition du prompt secours doit être rigoureusement respectée et sa mise en oeuvre faire l'objet d'une évaluation régulière. C'est ainsi par exemple qu'un nombre élevé d'intervention dans le cadre du prompt secours non assorties d'interventions médicales ou de soins hospitaliers constitue une présomption de dysfonctionnements dans la coopération entre les deux services publics. La mise en place d'outils statistiques indiquant la nature du prompt secours et la suite donnée à l'intervention est dans cette perspective, un préalable indispensable.
1.3. La signature sous l'égide de l'Etat d'une convention départementale entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale urgente
La circulaire du 18 septembre 1992 met en avant la nécessité de conclure, sous votre autorité une convention fixant les modalités de la coopération entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale urgente dans le respect de leurs compétences respectives.
Cet objectif est essentiel car, en définitive, il permet de s'assurer de l'existence sur l'ensemble d'un département d'une réponse adaptée aux demandes de secours, ce qui suppose que chacun des services concernés dispose des moyens nécessaires à l'accomplissement des missions qui sont les siennes.
La convention évite ainsi en termes de moyens, les redondances inutiles comme les insuffisances dangereuses pour la sécurité de nos compatriotes.
Cet objectif, faute sans doute d'une mobilisation des acteurs concernés, n'a pas été atteint :
- dans les deux tiers des départements les conventions n'ont pas été conclues alors même que, parfois, les dysfonctionnements entre les deux services publics ou avec les autres effecteurs du secours à personnes (médecins libéraux, ambulanciers...) plaidaient fortement pour cette solution. Leur mise en oeuvre implique une forte mobilisation du représentant de l'Etat ;
- dans les autres départements, les conventions ne se sont pas toujours attachées à développer les procédures dévaluation prévues par la circulaire du 18 septembre 1992. Dans ces conditions, l'accord passé, faute d'être régulièrement réexaminé au vu de sa pratique, a pu être privé d'une bonne part de son intérêt.
Il va de soi que la mise en oeuvre de la circulaire du 18 septembre 1992 et en particulier de son dispositif conventionnel ne peut être différée plus longtemps. Le temps est en effet venu d'assurer dans chaque département une réponse adaptée aux demandes de secours à personnes et d'aide médicale urgente. Le développement d'une coopération harmonieuse entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale urgente est une condition indispensable à la mise en place d'une telle réponse qui s'attachera, pour cela, au respect des préconisations qui suivent.
2. Une dynamique nouvelle doit accompagner la mise en oeuvre dans chaque département de la circulaire du 18 septembre 1992
Cette dynamique nouvelle repose sur trois données essentielles :
- une implication plus forte de l'Etat dans la négociation et le suivi de conventions qui devrait être l'occasion d'une concertation avec l'ensemble des acteurs publics et privés concernés par le secours à personnes et l'aide médicale urgente ;
- l'évaluation régulière des effets de la convention ;
- la formation des personnels des services départementaux d'incendie et de secours et les services d'aide médicale d'urgence.
2.1. La conclusion et le suivi des conventions entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale d'urgence passent par une implication plus forte de l'Etat et par une meilleur concertation de l'ensemble des acteurs concernés par le secours à personnes et l'aide médicale urgente
2.1.1. Une implication plus forte de l'Etat
L'une des missions fondamentales reconnues à l'Etat est de garantir à tous nos concitoyens qu'elles que soient les circonstances de temps et de lieu, le droit d'être secouru dan de bonnes conditions. Il importe que cette mission puisse être remplie sur l'ensemble du territoire national. Son succès dépend prioritairement d'une bonne coopération entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médical urgente ainsi que de l'attribution de moyens humains et matériels adaptés.
La préparation de la convention sera l'occasion d'identifier les difficultés préexistentes entre les deux services publics et d'y apporter les solutions appropriées.
Dans cette perspective, il vous appartient de mettre en place les dispositifs adaptés de concertation qui vous permettront d'exercer pleinement vos fonctions d'arbitrage. La négociation de la convention sera donc menée sous votre autorité, ou celle d'un membre du corps préfectoral que vous déléguerez à cet effet, en association étroite avec le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales.
2.1.2. Une meilleure concertation de l'ensemble des acteurs concernés par le secours à personnes et l'aide médicale urgente
L'expérience acquise des conventions dans les départements où elles ont été signées montre que la recherche d'une complémentarité entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale d'urgence implique l'association de deux séries d'acteurs essentiels.
Il s'agit en premier lieu des élus locaux, et notamment les maires qui en raison de leur pouvoir de police et de leur autorité sur les services d'incendie et de secours doivent être tenus informés de la négociation de cette convention et de ses objectifs. Leurs association constituera un facteur important de cohérence du dispositif en même temps qu'un moyen privilégié d'information des populations. Une bonne diffusion des informations relatives aux différents numéros d'appel d'urgence permettra d'éviter, notamment en zone rurale, l'appel direct du centre de secours ou du S.M.U.R. le plus proche, cette pratique retardant inévitablement l'intervention de moyens régulés de manière centralisée depuis le 15 ou le 18.
Il s'agit en second lieu des acteurs médicaux et des entreprises de transports sanitaires. La convention entre le service départemental d'incendie et de secours et le service d'aide médicale d'urgence doit être l'occasion de structurer le réponse que peut apporter le secteur privé et libéral en ce domaine. Les ambulanciers, les médecins libéraux devraient être associés à la convention de telle sorte que leur tôle et leurs responsabilités soient reconnues et clairement fixées.
La participation de ces acteurs doit permettre la mise en place d'une véritable organisation départementale du secours d'urgence à personnes.
Grâce à ce partenariat, la régulation médicale exercée par le centre 15 se trouvera facilitée. Le permanencier pourra, en fonction de la nature de l'appel, dépêcher les secours médicaux les plus adaptés en sachant pouvoir compter sur leur disponibilité et leur compétence.
L'organisation de ces différents secours en réseaux doit favoriser la recherche de complémentarités et le refus des concurrences inutiles et coûteuses. Des médecins spécifiquement formés et équipés peuvent être des effecteurs privilégiés pour les urgences situées dans les zones hors d'atteinte des S.M.U. R. dans des délais rapides. La participation de ces mêmes médecins au centre de réception et de régulation des appels médicaux (centre 15) ne pourra que faciliter la constitution de ces réseaux.
Si cette organisation doit garantir à chacun la possibilité d'être secouru grâce à un maillage satisfaisant du territoire, elle doit aussi éviter des conflits d'intervention entre les services publics concernés et des concurrences déloyales de ces mêmes services publics vis-à-vis du secteur libéral ou privé.
Ainsi, il va de soi que les procédures aboutissant à une organisation concertée entre les divers intervenants, médecins hospitaliers médecins généralistes médecins de sapeurs-pompiers, ambulanciers privés, doivent être clairement définies par des accords passés entre les différents partenaires.
2.2. L'évaluation régulière des effets de la convention
Celle-ci est indispensable pour améliorer l'organisation mise en place et analyser les dysfonctionnements constatés pour les éliminer progressivement et examiner les modifications qu'il est souhaitable d'apporter. Cette évaluation doit être conduits au moins une fois par an, sous votre autorité ou sous celle d'un membre du corps préfectoral, lors de la réunion du comité départemental de l'aide médicale urgente et des transports sanitaires. Cette structure, créée par le décret n° 87-964 du 30 novembre 1987, n'est, semble-t-il, que rarement réunie alors même que la représentation de l'ensemble des acteurs concernés ainsi que celle des élus locaux, y est prévue.
Par ailleurs, il convient de favoriser les rencontres des représentants des deux services publics au sein de comités plus restreints et qui ne peuvent qu' être bénéfiques à une amélioration de leurs relations.
Les mésententes entre les deux services publics sont parfois le fait de conflits de personne, elles proviennent plus souvent d'une trop grande difficulté à remplir les missions faute de moyens appropriés, voire de redondances d'une partie de ces moyens, ce qui traduit, en définitive, une insuffisante organisation de la "chaîne" de secours d'urgence dans le département.
2.3. La formation des personnels
La formation des personnels assurant la réception des appels d'urgence doit faire l'objet d'un examen particulier, compte tenu de leur rôle essentiel dans le traitement de ces demandes.
Les permanenciers réceptionnant les appels d'urgence au centre 15 et les stationnaires répondant au 18 reçoivent une formation initiale différente et leur perception de l'urgence et des réponses à y apporter n'est pas la même. Au-delà de ces différences, il est essentiel que la réception des appels, qui est une phase capitale, fasse l'objet d'un traitement particulièrement attentif aussi bien dans les relations avec l'appelant qu'avec le service public vers lequel l'appel sera, le cas échéant, réorienté.
Aussi, il est souhaitable que, dans la mesure du possible, des formations communes aux permanenciers et aux stationnaires soient organisées à l'initiative des deux services publics. Vous vous attacherez à mettre en place de telles actions de formation sous les formes les plus appropriées et de faciliter les initiatives qui pourraient être prises en ce sens. Cette formation commune trouvera pleinement sa justification avec la mise en place du 112, numéro d'appel unique des secours.
Vous veillerez personnellement à la mise en oeuvre des prescriptions de la présente circulaire et ne manquerez pas de rendre compte, sous double timbre, des difficultés que vous pourriez rencontrer lors de son application.
Par ailleurs, nos deux départements ministériels ne tiennent à votre disposition pour examiner la possibilité, si vous le jugez opportun, d'effectuer dans votre département une mission d'information en sachant que seules quatre ou cinq candidatures pourront être retenues pour le prochain semestre.
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Le ministre du travail et des affaires sociales, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale à Mesdames et Messieurs les préfets.
Source : Journal Officiel de la République Française du 12 avril 1996, page 5641.