Le Premier ministre à Monsieur le ministre d'Etat, Mesdames et Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs les secrétaires d'Etat, Monsieur le préfet de police, Mesdames et Messieurs les préfets, Messieurs les hauts-commissaires, Mesdames et Messieurs les directeurs généraux des agences régionales de santé
La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public marque la volonté de la représentation nationale de réaffirmer solennellement les valeurs de la République et les exigences du vivre ensemble.
Se dissimuler le visage, c'est porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société. Cela place en outre les personnes concernées dans une situation d'exclusion et d'infériorité incompatible avec les principes de liberté, d'égalité et de dignité humaine affirmés par la République française.
La République se vit à visage découvert. Parce qu'elle est fondée sur le rassemblement autour de valeurs communes et sur la construction d'un destin partagé, elle ne peut accepter les pratiques d'exclusion et de rejet, quels qu'en soient les prétextes ou les modalités.
La loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public a été publiée au Journal officiel du 12 octobre 2010, après avoir été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.
Elle pose le principe d'une interdiction générale de la dissimulation du visage dans l'espace public, son article 1er énonçant à cet effet que « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». La loi sanctionne également le fait de contraindre un tiers à dissimuler son visage.
Si cette dernière sanction est entrée en vigueur immédiatement, la loi a prévu que la mesure d'interdiction générale de la dissimulation du visage ne serait applicable qu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa promulgation.
Cette interdiction prendra donc effet à partir du 11 avril 2011. Il vous appartiendra de veiller à ce qu'elle soit pleinement respectée dans l'ensemble des services relevant de votre autorité ou placés sous votre tutelle.
La période de six mois prévue avant l'entrée en vigueur de l'interdiction générale a été mise à profit, dans le respect de la volonté du législateur, pour préparer les éléments d'information et de communication nécessaires à la sensibilisation du public, plus particulièrement l'information des personnes directement concernées par des pratiques de dissimulation du visage.
Dans le respect de vos attributions respectives et en vous appuyant sur les réseaux de proximité de vos administrations, il vous appartient de mettre en œuvre les campagnes d'information adaptées, afin de contribuer efficacement à la bonne compréhension de la loi du 11 octobre 2010 et à son application effective.
La présente circulaire présente à cet effet les dispositions de la loi et ses modalités d'application.
I. ― Le champ d'application de la loi
1. Les éléments constitutifs de la dissimulation du visage dans l'espace public
La dissimulation du visage dans l'espace public est interdite à compter du 11 avril 2011 sur l'ensemble du territoire de la République, en métropole comme en outre-mer. Cette infraction est constituée dès lors qu'une personne porte une tenue destinée à dissimuler son visage et qu'elle se trouve dans l'espace public ; ces deux conditions sont nécessaires et suffisantes.
a) La dissimulation du visage La portée de l'interdiction
Les tenues destinées à dissimuler le visage sont celles qui rendent impossible l'identification de la personne. Il n'est pas nécessaire, à cet effet, que le visage soit intégralement dissimulé.
Sont notamment interdits, sans prétendre à l'exhaustivité, le port de cagoules, de voiles intégraux (burqa, niqab...), de masques ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant pour effet, pris isolément ou associé avec d'autres, de dissimuler le visage. Dès lors que l'infraction est une contravention, l'existence d'une intention est indifférente : il suffit que la tenue soit destinée à dissimuler le visage.
Les exceptions légales
L'article 2 de la loi prévoit plusieurs exceptions à l'interdiction de la dissimulation du visage.
En premier lieu, l'interdiction ne s'applique pas « si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires ». Il s'agit par exemple de l'article L. 431-1 du code de la route qui impose le port du casque aux conducteurs de deux-roues à moteur.
En deuxième lieu, l'interdiction ne s'applique pas « si la tenue est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels ». Les motifs professionnels concernent notamment le champ couvert par l'article L. 4122-1 du code du travail aux termes duquel « les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir ».
Enfin, l'interdiction ne s'applique pas « si elle s'inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles ». Ainsi les processions religieuses, dès lors qu'elles présentent un caractère traditionnel, entrent dans le champ des exceptions à l'interdiction posée par l'article 1er. Au titre des pratiques sportives figurent les protections du visage prévues dans plusieurs disciplines.
Les dispositions de la loi du 11 octobre 2010 s'appliquent sans préjudice des dispositions qui interdisent ou réglementent, par ailleurs, le port de tenues dans certains services publics et qui demeurent en vigueur.
Il en est ainsi de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics (article L. 141-5-1 du code de l'éducation nationale et circulaire d'application du 18 mai 2004). Demeurent également applicables la charte du patient hospitalisé, annexée à la circulaire du 2 mars 2006 relative aux droits des patients hospitalisés, et la circulaire du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé.
b) La définition de l'espace public
L'article 2 de la loi précise que « l'espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ».
La notion de voies publiques n'appelle pas de commentaire. Il convient de préciser qu'à l'exception de ceux affectés aux transports en commun les véhicules qui empruntent les voies publiques sont considérés comme des lieux privés. La dissimulation du visage, par une personne se trouvant à bord d'une voiture particulière, n'est donc pas constitutive de la contravention prévue par la loi. Elle peut en revanche tomber sous le coup des dispositions du code de la route prévoyant que la conduite du véhicule ne doit pas présenter de risque pour la sécurité publique.
Constituent des lieux ouverts au public les lieux dont l'accès est libre (plages, jardins publics, promenades publiques...) ainsi que les lieux dont l'accès est possible, même sous condition, dans la mesure où toute personne qui le souhaite peut remplir cette condition (paiement d'une place de cinéma ou de théâtre par exemple). Les commerces (cafés, restaurants, magasins), les établissements bancaires, les gares, les aéroports et les différents modes de transport en commun sont ainsi des espaces publics.
Les lieux affectés à un service public désignent les implantations de l'ensemble des institutions, juridictions et administrations publiques ainsi que des organismes chargés d'une mission de service public. Sont notamment concernés les diverses administrations et établissements publics de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les mairies, les tribunaux, les préfectures, les hôpitaux, les bureaux de poste, les établissements d'enseignement (écoles, collèges, lycées et universités), les caisses d'allocations familiales, les caisses primaires d'assurance maladie, les services de Pôle emploi, les musées et les bibliothèques.
2. L'absence de restriction à l'exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte
Lorsqu'ils sont ouverts au public, les lieux de culte entrent dans le champ d'application de la loi. Le Conseil constitutionnel a toutefois précisé que « l'interdiction de dissimuler son visage dans l'espace public ne saurait, sans porter une atteinte excessive à l'article 10 de la Déclaration de 1789, restreindre l'exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public ».
3. La sanction de la dissimulation du visage
L'article 3 de la loi prévoit que la méconnaissance de l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe (d'un montant maximal de 150 euros). Le prononcé de cette amende relève de la compétence des juridictions de proximité.
L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté peut également être prononcée par les mêmes juridictions, à titre de peine alternative ou de peine complémentaire. Le stage de citoyenneté, adapté à la nature de l'infraction commise, doit notamment permettre de rappeler aux personnes concernées les valeurs républicaines d'égalité et de respect de la dignité humaine.
4. La sanction de l'exercice d'une contrainte
La dissimulation du visage constatée dans l'espace public peut résulter d'une contrainte exercée contre la personne concernée et révéler la commission par un tiers du délit de dissimulation forcée du visage.
Ce délit, prévu à l'article 4 de la loi (créant un nouvel article 225-4-10 du code pénal), est puni d'un an d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Lorsque le fait est commis au préjudice d'une personne mineure, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende.
La répression de ces agissements participe de la volonté des pouvoirs publics de lutter vigoureusement contre toutes les formes de discriminations et de violences envers les femmes, qui constituent autant d'atteintes inacceptables au principe d'égalité entre les sexes.
II. ― La conduite à tenir dans les services publics
a) Le rôle du chef de service
Dans le cadre des pouvoirs qu'il détient pour assurer le bon fonctionnement de son administration, le chef de service est responsable du respect des dispositions de la loi du 11 octobre 2010 et des mesures mises en œuvre, en particulier l'actualisation des règlements intérieurs, pour assurer son application.
Il lui appartient de présenter et d'expliquer l'esprit et l'économie de la loi aux agents placés sous son autorité, afin que ces derniers se conforment à ses dispositions et puissent veiller, dans les meilleures conditions, à son respect par les usagers du service public.
Il lui appartient également de veiller à ce que l'information adéquate prévue par le Gouvernement sous la forme d'affiches et de dépliants soit mise en place dans les locaux accueillant du public ou ouverts au public.
b) Le contrôle de l'accès aux lieux affectés au service public
A compter du 11 avril 2011, les agents chargés d'un service public, qui pouvaient déjà être conduits à demander à une personne de se découvrir ponctuellement pour justifier de son identité, seront fondés à refuser l'accès au service à toute personne dont le visage est dissimulé.
Dans le cas où la personne dont le visage est dissimulé serait déjà entrée dans les locaux, il est recommandé aux agents de lui rappeler la réglementation applicable et de l'inviter au respect de la loi, en se découvrant ou en quittant les lieux. La dissimulation du visage fait obstacle à la délivrance des prestations du service public.
En revanche, la loi ne confère en aucun cas à un agent le pouvoir de contraindre une personne à se découvrir ou à sortir. L'exercice d'une telle contrainte constituerait une voie de fait et exposerait son auteur à des poursuites pénales. Elle est donc absolument proscrite.
En face d'un refus d'obtempérer, l'agent ou son chef de service doit faire appel aux forces de la police ou de la gendarmerie nationales, qui peuvent seules constater l'infraction, en dresser procès-verbal et procéder, le cas échéant, à la vérification de l'identité de la personne concernée. Des instructions particulières sont adressées à cet effet par le ministre de l'intérieur aux agents de la force publique.
Le refus d'accès au service ne pourra faire l'objet d'aménagements que pour tenir compte de situations particulières d'urgence, notamment médicales.
III. ― L'information du public
La période précédant l'entrée en vigueur de l'interdiction de la dissimulation du visage doit être mise à profit pour assurer, selon des modalités adaptées, l'information du public.
a) L'information générale
Une affiche, distribuée sous format papier ou en version électronique par les ministères à destination de leurs réseaux respectifs, devra être apposée, de manière visible, dans les lieux ouverts au public ou affectés à un service public.
Cette affiche énonce que « la République se vit à visage découvert » et que l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public entre en vigueur à compter du 11 avril 2011.
Cette affiche pourra être complétée, au bénéfice des personnes qui souhaitent disposer d'informations plus précises sur les dispositions de la loi, par un dépliant diffusé dans les services sous la même forme et selon les mêmes voies que l'affiche.
A l'attention des voyageurs souhaitant se rendre en France, ce dépliant sera également disponible en langues anglaise et arabe dans les postes consulaires français à l'étranger.
Ces deux documents d'information générale seront également accessibles à l'adresse internet www.visage-decouvert.gouv.fr et complétés sur ce site par une rubrique destinée à apporter des réponses complémentaires aux questions soulevées par l'application de la loi.
b) L'information des personnes directement concernées par la dissimulation du visage
Un dispositif d'information des personnes concernées a été préparé par le ministère de la ville, en coordination avec le ministère des solidarités et de la cohésion sociale et le ministère de l'intérieur.
Ce plan d'information, de sensibilisation et d'accompagnement particulier a pour objet de donner toutes ses chances au dialogue, afin d'amener la petite minorité des personnes qui se dissimulent le visage à respecter l'interdiction posée par le législateur. Ce dialogue n'est pas une négociation ; il a vocation, par un travail d'explication, à amener les personnes concernées à renoncer d'elles-mêmes à une pratique qui heurte les valeurs de la République.
Ce dispositif, qui fait l'objet d'instructions particulières du ministre de la ville, s'appuie notamment sur les associations et les réseaux de proximité en charge des droits des femmes, en particulier le réseau des centres d'information des droits des femmes (CDIFF), les 300 « délégués du préfet » et les adultes relais travaillant dans les quartiers. Sont également mobilisés l'ensemble des acteurs de la médiation sociale, notamment les médiateurs de l'éducation nationale.
L'objectif est de proposer aux personnes qui se dissimulent le visage une information complète sur la loi et un accompagnement personnalisé.
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Je vous remercie de votre implication personnelle pour assurer dans vos administrations et dans les domaines relevant de vos attributions une bonne application de la loi du 11 octobre 2010.
Je vous rappelle également que l'article 7 de la loi prévoit qu'un rapport sur l'application de la loi doit être remis au Parlement par le Gouvernement en avril 2012. Vous me ferez connaître sans délai les difficultés éventuelles que vous rencontreriez dans l'application de la loi et m'adresserez, avant le 31 mars 2012, un bilan de l'ensemble des actions engagées et des résultats obtenus.
François Fillon
Source : JORF n°0052 du 3 mars 2011