Le ministre de l'intérieur et le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé des collectivités locales, à Madame et Messieurs les préfets, commissaires de la République,
Les collectivités locales, et tout spécialement les communes ont la responsabilité et la charge de services publics qui sont essentiels pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
La décentralisation donne aux élus locaux la liberté de décision nécessaire à une gestion souple et efficace de ces services.
La suppression de l'encadrement des prix, mise en œuvre depuis un an par le Gouvernement, permet aux collectivités locales de prendre effectivement en compte les impératifs de gestion de ces services.
Grâce en particulier à ce contexte nouveau, les collectivités locales ont pour leur part engagé d'importants efforts pour accroître la productivité de leurs services publics et permettre aux usagers de bénéficier d'un service de qualité au meilleur coût.
Il n'appartient pas à l'Etat de se substituer aux collectivités locales dans les choix qui leur incombent en ce domaine.
Mais il revient à l'Etat, notamment par la suppression des obstacles juridiques et par la diffusion la plus large des informations de caractère technique, juridique, économique et financier dont il dispose, de faciliter la recherche de toute solution permettant d'améliorer l'efficacité de la gestion locale et de garantir la neutralité de choix et de fonctionnement entre les différents modes de gestion des services publics locaux.
C’est dans cet esprit qu'a été réuni un groupe de travail composé de représentants des principales associations d'élus locaux et d'une vingtaine de communes et groupements de communes.
Outre la nécessité de développer l'information à destination des collectivités locales et d'adapter certaines règles applicables au personnel communal, les travaux du groupe de travail ont montré qu'il convenait de revoir sur plusieurs points la réglementation applicable à la gestion directe et de mieux préciser les modalités d'exercice de la gestion déléguée.
En ce qui concerne la gestion directe, un projet de décret supprimant différentes contraintes inutiles, en particulier lors de la création des régies, est en cours de préparation et sera prochainement mis au point en étroite concertation avec les associations d'élus concernées.
S'agissant de la gestion déléguée, il est apparu nécessaire, d'une part, de préciser le champ d'application de la gestion déléguée à la suite notamment d'un avis rendu récemment par le Conseil d'Etat, d'autre part, de rappeler différentes dispositions auxquelles il est recommandé de veiller dans les relations entre les collectivités locales et les entreprises gestionnaires d'un service public local.
Tel est l'objet de la présente circulaire qui traite successivement du champ d'application de la gestion déléguée et des relations entre les collectivités locales et les entreprises chargées de l'exécution d'un service public local.
I. -- Services public locaux dont la gestion peut être déléguée
La question s'étant à différentes reprises posée de savoir s'il était possible pour une collectivité locale de déléguer à une entreprise privée la gestion d'un service public administratif local, le Conseil d'Etat a été saisi d'une demande d'avis sur ce point.
Sont examinés ci-après les termes de cet avis et les conséquences qu'il y a lieu d'en tirer.
1.1. Avis émis le 7 octobre 1986 par le Conseil d'Etat sur le champ d'application de la gestion déléguée
Selon le Conseil d'Etat, "le caractère administratif d'un service public n'interdit pas à la collectivité territoriale compétente d'en confier l'exécution à des personnes privées, sous réserve toutefois que le service ne soit pas au nombre de ceux qui, par leur nature ou par la volonté du législateur, ne peuvent être assurés que par la collectivité territoriale elle-même".
En ce qui concerne le service des cantines scolaires, sur lequel l'attention du Conseil d'Etat a été plus spécialement appelée, celui-ci a précisé que "les communes ne peuvent confier à des personnes privées que la fourniture ou la préparation des repas, à l'exclusion des missions qui relèvent du service de l'enseignement public et, notamment, de la surveillance des élèves".
1.2. Portée de cet avis et conséquences à en tirer
Il convient d'abord de souligner qu'il s'agit d'un avis et non d'une décision prise par la Haute assemblée dans ses formations juridictionnelles.
S'il donne naturellement une indication très importante sur la position que le Conseil d'Etat pourrait être conduit à prendre dans un litige relatif au champ d'application de la gestion déléguée, cet avis ne préjuge pas de façon certaine la position de la juridiction administrative sur les services publics locaux dont la gestion peut être déléguée et encore moins sur la qualification de chacun des contrats qu'elle pourrait avoir à connaître à l'occasion de litiges.
C’est sous cette réserve que sont données les indications ci-après.
En vertu de cet avis, il n'y a pas d'obstacle de principe à ce qu'un service public administratif soit confié à une personne privée: "le caractère administratif d'un service public n'interdit pas à la collectivité territoriale compétente d'en confier l'exécution à des personnes privées".
Il résulte de cet avis, récemment explicité par un autre avis du Conseil d'Etat en date du 7 avril 1987, que les collectivités locales one une assez grande liberté quant aux modalités pouvant être retenues pour procéder à la gestion déléguée de service public administratif: concession, affermage, gérance, régie intéressée ou, le cas échéant, autre formule.
La Haute Assemblée a cependant mis deux limites à la faculté ainsi offerte aux collectivités territoriales :
Une limite générale :
Certains services publics administratifs, de par leur nature ou le par la volonté du législateur, ne peuvent être assurés que par la collectivité territoriale elle-même.
Le Conseil d'Etat n'a pas donné une liste de ces services.
Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'avis que les collectivités territoriales ne sauraient en tout état de cause se décharger sur des personnes privées :
d'une part, de l'exécution des tâches qu’elles accomplissent au nom et pour le compte de l'Etat (par exemple: état civil, élections, obligations militaires) ;
d'autre part, de l'exécution des missions qui relèvent de l'exercice même d'une prérogative de puissance publique: notamment, l'exercice du pouvoir de police, l'édiction de mesures réglementaires, l'exercice de prérogatives, telles que le droit de préemption.
De même, lorsqu'un texte législatif ou réglementaire a interdit la délégation en tel ou tel domaine ou fixé des règles précises de délégation, ce sont évidemment ces règles, ainsi que le rappelle expressément le Conseil d'Etat, qui doivent être respectées. Ainsi l'article R. 490-2 du code de l'urbanisme limite les possibilités de délégation de l'instruction des autorisations et actes relatifs à l'occupation du sol, relevant de la compétence du maire, à une collectivité territoriale, à un groupement de collectivités territoriales ou au service de l'Etat dans le département chargé de l'urbanisme.
Dans les cas pouvant poser problème au regard des indications données ci-dessus, il vous appartiendra, le cas échéant, de nous saisir sous le présent timbre.
Une limite particulière concernant les cantines scolaires :
S'agissant des cantines scolaires organisées par les communes, le Conseil d'Etat a précisé que la délégation ne peut porter sur les missions qui relèvent du "service de l'enseignement public et notamment de la surveillance des élèves".
La délégation en ce domaine ne saurait donc porter selon cet avis sur la tatalité de l'exécution du service.
Afin de donner toutes indications utiles aux communes sur l'étendue exacte des missions pouvant être confiées à des personnes privées a été engagé l'établissement d'un modèle de contrat de délégation du service des cantines scolaires.
Ce modèle, qui n'aura bien sûr que valeur de référence et sera dépourvu de tout caractère obligatoire, détaillera les tâches pouvant être confiées en ce cas à une personne privée et proposera les clauses correspondantes susceptibles d'être introduites par les collectivités locales dans les contrats passés avec les entreprises privées.
Le contenu de ce modèle de contrat sera arrêté après concertation étroite avec les associations d'élus ainsi qu'avec les fédérations professionnelles concernées.
Ce modèle sera porté à votre connaissance dès qu'il aura été définitivement mis au point, cest-à-dire dans toute la mesure du possible avant la fin de la présente année.
Les collectivités locales, et en particulier les communes, peuvent ainsi recourir à la gestion déléguée non seulement pour leurs services publics industriels et commerciaux, mais également pour certains de leurs services publics administratifs.
Cette faculté n'implique évidemment pas que la gestion de tout service public administratif susceptible d'être déléguée à une personne privée doive l'être nécessairement.
Plus encore que pour les services publics industriels et commerciaux, la nature même des services en cause implique que les avantages et les inconvénients éventuels du recours à tel mode de gestion soient avant toute décision soigneusement pesés en prenant en compte notamment les contraintes propres à chaque service.
Ceci rend nécessaire qu'avant toute remise en cause du mode de gestion d'un service, qu'il soit d'ailleurs industriel et commercial ou administratif, ou avant toute création d'un service nouveau, une étude comparative aussi poussée que possible soit effectuée sur les différentes solutions envisageables de façon à permettre de retenir la solution qui, pour cette collectivité et ce service, garantisse à la fois la plus grande efficacité et le meilleur service à l'usager.
Ceci implique également qu'une fois la décision prise, et s'il est décidé de recourir à la gestion déléguée, les relations entre la collectivité et l'entreprise osient établies sur des bases claires et précises.
II. -- Relations entre les collectivités locales et les entreprises cocontractantes
Depuis la loi du 2 mars 1982, les contrats de concession et d'affermage ne sont plus tenus de respecter des cahiers des charges types. Ceux-ci sont devenus de simples modèles.
Les collectivités locales peuvent ainsi négocier librement leurs contrats.
Ce faisant, beaucoup d'entre elles ressentent la nécessité d'être informées, et éventuellement conseillées, lors de la négociation de ces conventions.
L'Etat doit être en mesure de répondre à une telle demande gràce à votre action quotidienne, à celle de vos collaborateurs, notamment les sous-préfets d'arrondissement, ainsi qu'à celle des services extérieurs de l'Etat placés sous votre autorité.
Il importe également que l'administration centrale accentue l'effort engagé depuis plusieurs années afin de mettre en place de nouveaux instruments d'information. C'est dans ce but qu'un recueil des modèles de cahiers des charges et règlements de service a été récemment établi (1). La direction générale des collectivités locales poursuit, par ailleurs, activement l'élaboration de nouveaux modèles dans des secteurs non encore traités, tels que les cantines scolaires, ainsi que cela a été indiqué plus haut.
(1) Ce recueil est publié par la Docummentation française : Recueil des modèles de cahier des charges et règlements de service, collection Décentralisation, série: Techniques locales.
Ces documents de référence doivent pouvoir vous aider efficacement dans votre mission permanente d'information et de conseil.
S'agissant des contrats qui délèguent à une entreprise privée l'exécution d'un service public, nous vous demandons d'appeler l'attention des élus sur les trois points suivants qui nous apparaissent essentiels :
les conditions de passation des contrats ;
la durée des contrats ;
les modalités de contrôle des conditions d'exploitation du service.
Ces recommandations sont faites sous réserve des dispositions particulières applicables à certains services publics (par exemple: transports publics).
2.1. Les conditions de passation des contrats
Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, la collectivité locale selon le degré d'implication souhaitée dans la gestion du service peut recourir à différentes formules de gestion déléguée.
Conformément à une jurisprudence ancienne et constante (cf. récemment en ce sens C.E. 16 avril 1986 Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et autres), les contrats de concession ou d'affermage sont conclus intuitu personnae, cest-à-dire en considération de la personne même du cocontractant qui sera chargé de faire fonctionner le service public.
Par ailleurs, il résulte de l'avis précité du Conseil d'Etat en date du 7 avril 1987 que le contrat, nommé ou innommé, par lequel un entrepreneur est chargé de l'exécution même du service public n'est pas un marché, et par suite, n'est pas soumis au code des marchés publics.
Pour la passation de ces différents contrats, la collectivité n'a pas ainsi l'obligation de procéder à un préalable à la concurrence.
Si l'appel à la concurrence n'est pas obligatoire, il doit cependant être recommandé chaque fois que cela est possible. Il permet en effet de comparer de manière objective les propositions faites par les entreprises, notamment en matière de coût et de qualité du service. L'évolution rapide des techniques dans certains secteurs justifie en outre la consultation de plusieurs entreprises, dont les options peuvent être profondément différentes en termes de conception du service.
2.2. La durée des contrats
La détermination de la durée du contrat doit concilier des exigences souvent contradictoires :
d'une part, la collectivité locale doit pouvoir s'engager pour une durée qui ne fige pas pour une période trop longue les modalités d'exploitation du service ;
d'autre part, l'entreprise concessionnaire ou fermière doit être en mesure d'assurer le fonctionnement du service dans de bonnes conditions, ce qui implique le plus souvent la conclusion d'un contrat pour une période relativement longue. Cette préoccupation se justifie en particulier par la nécessité de recruter du personnel ou de procéder à des investissements importants pour l'exécution du contrat.
La durée des contrats doit en conséquence prendre en compte plusieurs paramètres :
1. La nature du contrat.
Une concession suppose des investissements qui ne peuvent être amortis que sur une durée suffisament longue. A l'inverse, un affermage peut être conclu pour une durée plus limitée, puisque l'essentiel des travaux est à la charge de la collectivité.
La part prise par l'entreprise dans le financement des investissements est ainsi un élément déterminant.
2. La nature et l'importance du service en cause.
Un entreprise qui prend en charge la gestion d'un service peut être amenée à supporter des dépenses exceptionnelles (études, réorganisation interne ...), qui doivent pouvoir être étalées dans le temps.
3. Une durée de contrat excessivement courte risque de ne pas inciter l'exploitant à adapter le service à l'évolution des techniques et des besoins des usagers, ou à assurer l'entretien des équipement dans les conditions optimales.
4. Il est enfin essentiel que la collectivité locale, responsable de l'organisation du service public, puisse périodiquement en réexaminer les conditions de fonctionnement.
La durée du contrat dépend ainsi de différents critères qui doivent être pondérés et adaptés en fonction du service à rendre à l'usager, de la nature particulière des prestations fournies par l'entreprise gestionnaire, spécialement en matière d'investissement, ainsi que de la nécessité d'assurer l'équilibre économique et financier du contrat.
La multiplicité des critères à prendre en considération explique la diversité des durées indiquées dans les modèles de contrat, telles qu'elles figurent dans le tableau récapitulatif ci-joint.
Ces durées ne sont toutefois que des durées indicatives. Elles n'ont bien sûr aucun caractère obligatoire et ne sont transposables à un contrat donné que pour autant que ce contrat s'applique à un service géré dans des conditions comprables à celles indiquées par le modèle de ce contrat.
Enfin, dans le même souci de permettre aux assemblées locales de procéder à un réexamen périodique des conditions de fonctionnement de leurs services publics, il y a lieu d'éviter les clauses de tacite reconduction.
2.3. Les modalités de contrôle des conditions d'exploitation du service par les entreprises concessionnaires ou fermières
Bien qu'ayant délégué à une entreprise privée la gestion d'un service public, la collectivité ne peut pas se désintéresser du fonctionnement de celui-ci. Elle demeure en effet garante de sa bonne exécution à l'égard des usagers.
C'est pourquoi elle doit exercer un certain contrôle sur les conditions d'exploitation du service et disposer à cet effet d'un minimum d'information.
Cette information est en outre indispensable pour permettre à la collectivité, au moment de l'expiration des contrats, de renégocier ceux-ci en toute connaissance de cause.
Le contrat devrait en conséquence prévoir une transmission au moins annuelle de comptes rendus techniques et financiers :
le compte rendu technique a pour objet de rendre compte de l'activité du service et des conditions de son exécution (effectifs employés, moyens techniques mis en oeuvre, changements apportés ou envisagés) ;
le compte rendu financier doit rappeler les conditions économiques de l'année d'exploitation et préciser le montant des dépenses et des recettes.
Le contenu de ces documents varie naturellement selon l'importance du service et de la collectivité. Ils doivent en tout été de cause être rédigés de manière claire et suffisamment détaillée pour permettre une information satisfaisante des élus locaux.
En outre, le contrat, comme le recommandent les modèles déjà publiés, devrait prévoir la possibilité d'effectuer dans le service des contrôles sur pièces et sur place par des agents accrédités par la collectivité.
Ces dispositions contractuelles n'auront bien entendu une portée réelle que si des relations suivies s'établissent entre la collectivité locale et les gestionnaires du service.
Vous voudrez bien porter le contenu de la présente circulaire à la connaissance des élus locaux.
Paris, le 7 août 1987.
ANNEXE
DUREE DES CONTRATS RECOMMANDEE DANS LES MODELES DE CONTRATS EXISTANTS EN MATIERE DE SERVICES PUBLICS LOCAUX, ETABLIS PAR LE MINISTERE DE L'INTERIEUR EN APPLICATION DE L'ARTICLE L. 321-1 DU CODE DES COMMUNES.