La recherche constante d'une plus grande sécurité transfusionnelle ne permet de négliger aucun moyen qui puisse diminuer encore le risque de transmission de maladies par les produits sanguins. Cette préoccupation nécessite de la part de l'ensemble des personnels une attention et des efforts permanents, de la collecte jusqu'à la distribution des produits. C'est pourquoi je demande à nouveau le concours de chacun pour mettre en place dans les meilleures conditions le dépistage de l'HTLV-I/HTLV-II.
I. RAPPEL
A. - Les virus HTLV-I et HTLV-II (Human T/Cell Lymphotropic Virus) ont été découverts en 1980 et en 1982, le premier à partir de cultures lymphocytaires de patients souffrant de leucémies à cellules T, le second chez un patient atteint d'une leucémie à tricoleucocytes. Il s'agissait des premiers rétrovirus humains découverts.
1. Zones d'endémie
Le virus HTLV-I sévit à l'état endémique dans les îles du sud-ouest du Japon, le bassin des Caraïbes et l'Afrique noire. Dans ces régions, la prévalence des anticorps anti-HTLV-I dans la population générale est comprise entre 1,5 p. 100 et 12 p. 100. Aux Antilles françaises, la prévalence se situe entre 2 et 3 p. 100.
Le virus HTLV-II, dont la propagation parait essentiellement liée à la toxicomanie, est particulièrement présent aux Etats-Unis.
La transmission du virus se fait par le sang (échange de seringue ou transfusion), par les rapports sexuels, et cela surtout de l'homme à la femme, enfin de la mère à l'enfant, par l'allaitement.
B. Maladies liées au virus
1. Deux pathologies au moins apparaissent liées au virus HTLV-I :
- les leucémies et les lymphomes à cellules T de l'adulte (ATL), qui sont caractérisés par une prédominance masculine, une longue période d'incubation (quinze à vingt ans) mais dont le pronostic, lorsque la maladie est déclarée, est en général rapidement fatal. Le risque de développer la maladie pour le porteur du virus varie entre 1 et 4 p. 100;
- les neuromyélopathies qui sont invalidantes et à prédominance féminine. Le risque de développer la maladie pour un sujet porteur d virus a été estimé à moins de 1/1000 à 1/2000 au Japon et de 1 p. 100 à 5 p. 100 dans les Antilles, et son délai d'apparition varie entre quelques mois et plusieurs années.
En outre, des infections pulmonaires, des anomalies immunitaires ont été décrites chez les porteurs du HTLV-I.
2. Pour l'HTLV-II
A l'heure actuelle aucune pathologie associée n'est rapportée avec certitude. Son rôle dans l'existence de la leucémie à tricoleucocytes a été évoqué mais n'est pas prouvé.
C. Transmission des virus par la transfusion sanguine
Les publications connues à l'heure actuelle montrent que le risque n'existe que pour les produits cellulaires, en effet le virus n'est présent que dans les cellules mononucléées. Il est fragile, la transmission diminuant avec la durée de conservation des concentrés érythrocytaires non congelés. La déleucocytation s'avère efficace.
La transmission transfusionnelle HTLV-I n'a jamais été documentée avec le plasma, congelé ou non, ni avec les produits de fractionnement.
A ce jour, aucun cas connu d'ATL après transfusion contaminante n'a été rapporté et seuls des cas de neuromyélopathies associées à HTLV-I ont été décrits.
D. - Les mesures déjà adoptées
Compte tenu du taux d'endémie, le dépistage systématique de l'anti-HTLV-I/HTLV-II est pratiqué chez les donneurs de sang dans les départements français des Antilles-Guyane depuis le 1er janvier 1989.
Par ailleurs, la circulaire du 17 mai 1989 prévoit que pour les autres départements français “chaque établissement de transfusion sanguine, en fonction de sa localisation géographique, du nombre de donneurs potentiellement concernés, de ses possibilités d'étude et de suivi épidémiologique, devra se déterminer sur la nécessité du dépistage chez les donneurs originaires des zones d'endémies. En cas de dons anti-HTLV-I positif, seul le plasma sera utilisable pour le fractionnement. Les donneurs originaires des zones d'endémies non testés pour l'anti-HTLV-I devront être systématiquement orientés vers le don de plasma pour le fractionnement” En outre, certains départements métropolitains ont déjà été engagés à mettre en oeuvre ce dépistage à titre systématique, compte tenu de la prévalence observée chez leurs donneurs de sang.
II. LE DEPISTAGE DU VIRUS HTLV-I/HTLV-II
Il doit être obligatoire réalisé par les établissements de transfusion sur l'ensemble des dons de sang donnant lieu à produits labiles, à compter du 15 juillet 1991. A cette date, tout produit labile, quel qu'il soit, ne pourra être délivré par les établissements de transfusion sanguine ou utilisé par les établissements de soins, publics et privés, que s'il a auparavant été contrôlé soit directement, soit par une nouvelle convocation du donneur.
Les établissements de soins devront en particulier renvoyer aux centres de transfusion sanguine les produits labiles délivrés avant cette date, à moins que ces derniers aient déjà fait l'objet d'un test, et que' la mention HTLV-1-HTLV-II négatif soit expressément marquée sur les poches. Il appartient au centre de transfusion de décider si les produits renvoyés non testés peuvent être contrôlés ou échangés contre d'autres, étant entendu que les produits cellulaires impossibles à tester doivent être détruits. Le plasma pourra être éventuellement envoyé au fractionnement, les techniques actuelles de fractionnement inactivant le virus.
Seuls les produits labiles congélés de groupes rares ou très rares pourront être éventuellement utilisés directement en cas d'urgence médicale absolue et d'impossibilité de retrouver le donneur.
Je vous demande de veiller particulièrement à l'application de l'ensemble de ces points.
III. MODALITES PRATIQUES
1. Les tests de dépistage
Ce test vient de rajouter à la liste des tests en vigueur (syphilis, ALT : Antigène-HBS; anti-HBc; anti-HIV; anti-HCV) et relève de la technique ELISA ou de la technique d'agglutination. Ces réactifs peuvent détecter simultanément les deux virus. Leur sensibilité vis-à-vis de l'HTLV-II fait l'objet d'investigations supplémentaires.
Les fabricants de réactifs se sont engagés à faire face aux besoins en tests pour l'ensemble des établissements de transfusion et à répondre aux éventuels besoins de fourniture et d'adaptation des logiciels et des automates.
Je ne saurais cependant trop vous recommander de rechercher entre établissements de transfusion des solutions pour optimiser l'utilisation de vos moyens. Les groupements d'achats entre établissements doivent permettre d'obtenir des prix préférentiels. Pour les établissements de transfusion sanguine à gestion hospitalière, qui seraient soumis aux règles du code des marchés, des groupements d'achats sont réalisables avec d'autres établissements de statut public.
Par ailleurs, les postes de transfusion et les petits centres, dans lesquels l'organisation et le coût d'un nouveau dépistage risquent de déséquilibrer le fonctionnement de l'établissement, doivent dès aujourd'hui évaluer l'intérêt qu'ils pourraient trouver à confier l'un, ou l'autre, ou l'ensemble des tests obligatoires à un centre de transfusion qui les effectue déjà en grande quantité. Le regroupement des dépistages peut ainsi favoriser une meilleure organisation, une plus grande sécurité et des économies d'échelle.
2. Les tests de confirmation
Compte tenu de la spécificité de ces tests et du nombre limité de dons à confirmer; il est souhaitable que les établissements de transfusion s'organisent pour qu'un seul établissement, au niveau d'une ou plusieurs régions, effectue les tests de confirmation. Deux centres de référence, l'Institut national de transfusion sanguine et le C.R.T.S. de Montpellier qui ont l'expérience de ces techniques, pourraient en outre vous apporter le soutien et les conseils nécessaires.
3. Les aspects financiers
Le tarif de cession des produits labiles sera revalorisé pour couvrir les frais engendrés par ce nouveau dépistage.
4. Information des donneurs dépistés séropositifs
En ce qui concerne l'information des donneurs de sang dépistés positifs, il semble opportun d'appliquer les recommandations de la société nationale de transfusion sanguine dans ce domaine.
5. Suivi épidémiologique
Le questionnaire trimestriel sur le dépistage des maladies transmissibles sera modifié pour tenir compte de la mise en place de ce nouveau dépistage. Aussi je vous demande de recenser, à partir du 15 juillet, l'ensemble de ces nouvelles données épidémiologiques qui vous seront demandées, pour l'année 1991, par l'intermédiaire du questionnaire annuel d'activité de votre établissement.
IV. - RENFORCEMENT DE LA SECURITE TRANSFUSIONNELLE
La sécurité transfusionnelle exige que les cliniciens utilisent chaque fois que possible les produits les plus sûrs, c'est-à-dire les produits qui ont subi un traitement validé d'inactivation virale (produits stables).
Dans la mesure où l'utilisation des produits labiles s'impose, je rappelle que l'emploi de globules rouges déleucocytés et de plaquettes déleucocytés est fortement recommandé pour les malades qui ne reçoivent pas de globules blancs et de plaquettes par ailleurs.
IV. EN CONCLUSION
Je vous demande de bien vouloir diffuser les présentes instructions auprès des directeurs des établissements d'hospitalisation, publics et privés, des médecins chef de service, des médecins anesthésistes réanimateurs de ces établissements, et des médecins des établissements de transfusion sanguine. Je souhaite que le prochain comité départemental de transfusion sanguine aborde, en particulier, les questions relatives à la centralisation des tests. Je vous demande de bien vouloir m'informer dans les plus brefs délais des éventuelles difficultés rencontrées dans l'application de cette circulaire.
Référence : arrêté du 28 juin 1991 relatif à la mise en place du dépistage des virus HTLV-I/HTLV-II.
Direction générale de la santé.
Le ministre délégué à la santé à Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]); Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour attribution]; Mesdames et Messieurs les directeurs des centres et postes de transfusion sanguine (pour mise en oeuvre).
Non parue au Journal officiel.