À l’occasion de la modification du tracé d’une de ses lignes, le pouvoir adjudicateur X. a passé un marché de travaux. Une société évincée lui a demandé la copie du rapport d’analyse des offres et du bordereau de prix unitaire de l’attributaire du marché. Le pouvoir adjudicateur X. a estimé que cette demande était abusive et a refusé de communiquer les documents. La société a alors saisi la CADA afin d’y avoir accès. La commission a profité de cette opportunité pour rappeler les modalités de la conciliation entre l’obligation d’information des concurrents évincés et le respect du secret industriel et commercial. L’examen des offres des entreprises au regard du respect de ce secret conduit la commission à considérer que, sous réserve des particularités propres à chaque marché : - l’offre de prix détaillée de l’entreprise retenue est en principe communicable dans la mesure où elle fait partie intégrante du marché ou du contrat ; - l’offre de prix globale des entreprises non retenues est, en principe, elle aussi communicable. En revanche, le détail technique et financier de leurs offres n’est pas communicable. |
Monsieur A., a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 06 mars 2014, à la suite du refus opposé par le directeur juridique du pouvoir adjudicateur X. à sa demande de copie, par courrier électronique ou par envoi postal, des documents suivants, relatifs au marché public ayant pour objet … :
1) le rapport d’analyse des offres ;
2) le bordereau des prix unitaires de l’attributaire.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le pouvoir adjudicateur X. a indiqué à la commission qu’elle considérait la demande de la société B. comme abusive. La commission souligne cependant qu’une demande ne peut être considérée comme abusive que lorsqu’elle vise de façon délibérée à perturber le fonctionnement d’une administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne de présenter plusieurs demandes à la même autorité publique ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. En l’espèce, il ne lui est pas apparu, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que cette demande présenterait un caractère abusif.
La commission rappelle qu’une fois signés, les contrats passés par une personne morale chargée d’une mission de service public, telle qu’un établissement public à caractère industriel et commercial comme le pouvoir adjudicateur X., et qui ont un lien suffisamment direct avec cette mission de service public sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d’accès institué par la loi du 17 juillet 1978. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d’appel d’offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s’exercer dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale, protégé par les dispositions du II de l’article 6 de cette loi. Sont notamment visées par cette réserve les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu’aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d’affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics.
L’examen des offres des entreprises au regard du respect de ce secret conduit la commission à considérer que, sous réserve des particularités propres à chaque marché :
- l’offre de prix détaillée de l’entreprise retenue est en principe communicable dans la mesure où elle fait partie intégrante du marché ou du contrat ;
- l’offre de prix globale des entreprises non retenues est, en principe, elle aussi communicable.
En revanche, le détail technique et financier de leurs offres n’est pas communicable. De plus, doivent être occultées dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d’analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers de ces offres.
La commission précise que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu’à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l’entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
Au titre de la particularité de certains marchés, la commission considère qu’il y a lieu de tenir compte du mode de passation du marché ou contrat, de sa nature et de son mode d’exécution. Ainsi, doivent par exemple faire l’objet d’un examen particulier les demandes d’accès aux documents relatifs à des marchés qui s’inscrivent dans une suite répétitive de marchés portant sur une même catégorie de biens ou services et pour lesquels une communication du détail de l’offre de prix de l’entreprise attributaire à une entreprise concurrente serait susceptible de porter atteinte à la concurrence lors du renouvellement de ce marché, ou lors de la passation par la même personne publique, dans un délai rapproché, de marchés portant sur des prestations ou des biens analogues.
En l’espèce, la commission constate que le marché en cause, dont elle ignore la durée, a pour objet la construction [d’un pont-raiL]. Elle considère, au vu des éléments transmis par le pouvoir adjudicateur X., que ce marché ne peut être regardé comme s’inscrivant dans une suite répétitive de marchés pour lesquels la communication des bordereaux de prix unitaires des entreprises attributaires serait de nature à porter atteinte à la concurrence lors de la passation de marchés ultérieurs.
Elle estime en outre que le document visé au point 1) est communicable à toute personne qui en fait la demande après occultation des notes, classements et appréciations des entreprises évincées ainsi que des détails techniques et financiers de leur offre, étant cependant rappelé que le prix global proposé par ces entreprises est communicable.
La commission émet donc, sous les réserves qui précèdent, un avis favorable à la communication des documents demandés.
La commission rappelle toutefois que ces documents ayant été produits ou reçus par le pouvoir adjudicateur X. dans l’exercice d’une mission de service public à caractère industriel et commercial, les informations qu’ils comportent ne constituent pas des informations publiques au sens de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, et échappent donc au droit de réutilisation garanti par cet article.
La commission souligne, par suite, que la réutilisation de ces informations par la société B. ne serait légalement possible que dans le respect des droits de propriété intellectuelle que pourraient détenir sur ces informations non seulement les tiers - candidats ayant répondu aux appels d’offres organisés par le pouvoir adjudicateur X., ou agents de cet établissement public, le cas échéant - mais également le pouvoir adjudicateur X. [lui-même].
La commission rappelle également que ni la société B., ni ses clients ne sauraient utiliser de telles informations en vue de pratiques prohibées par le droit de la concurrence, en particulier les ententes illicites.
Toute réutilisation contraire à ces principes exposerait le réutilisateur aux sanctions civiles, administratives et, dans certains cas, pénales attachées à de telles pratiques.