Le Conseil constitutionnel était saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique, aux termes duquel « sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l'article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ». Le laboratoire de biologie médicale requérant indiquait qu'en "interdisant les remises sur le prix des examens réalisés par un laboratoire prestataire de service pour un autre laboratoire de biologie médicale ou pour un établissement de santé, ces dispositions apportent une restriction non justifiée à la liberté de fixation de leurs tarifs par les laboratoires de biologie médicale ; que l'augmentation du coût qui en résulte pour les établissements de santé porterait en outre atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de bon emploi des deniers publics ; qu'enfin, en excluant du champ de cette interdiction les laboratoires intégrés à des établissements de santé et ceux ayant conclu avec d'autres laboratoires des contrats de coopération, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi". Le Conseil constitutionnel rejette ces arguments en indiquant que "le législateur a entendu favoriser le développement des laboratoires de biologie médicale intégrés aux établissements de santé afin de maintenir des compétences en biologie médicale dans ces établissements et sur l'ensemble du territoire ; qu'il a également entendu encourager les contrats de coopération entre les laboratoires de biologie médicale pour que ceux-ci, lorsqu'ils sont situés dans un même territoire médical infrarégional, mutualisent certains de leurs moyens ; que la sécurité sociale prend en charge une large part des dépenses dans le secteur de la biologie médicale ; que ces dispositions poursuivent un but d'intérêt général ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation à celle du législateur sur le choix de poursuivre de tels objectifs plutôt que de favoriser la concurrence par les prix dans ce secteur ; que, d'une part, les règles de tarification qui résultent de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique n'entraînent pas une atteinte à la liberté d'entreprendre disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ; que, d'autre part, les différences de traitement qui résultent des exceptions à la règle de facturation au tarif fixé sont en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il suit de là que les griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'entreprendre et de la violation du principe d'égalité doivent être écartés". |
Décision n° 2014-434 QPC du 5 décembre 2014
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er octobre 2014 par le Conseil d'Etat (décision n° 382500 du 1er octobre 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société de laboratoires de biologie médicale X., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 octobre 2014 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24 octobre 2014 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Frédéric Salat-Baroux, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 novembre 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 30 mai 2013 susvisée : « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l'article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en interdisant les remises sur le prix des examens réalisés par un laboratoire prestataire de service pour un autre laboratoire de biologie médicale ou pour un établissement de santé, ces dispositions apportent une restriction non justifiée à la liberté de fixation de leurs tarifs par les laboratoires de biologie médicale ; que l'augmentation du coût qui en résulte pour les établissements de santé porterait en outre atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de bon emploi des deniers publics ; qu'enfin, en excluant du champ de cette interdiction les laboratoires intégrés à des établissements de santé et ceux ayant conclu avec d'autres laboratoires des contrats de coopération, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions contestées, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale pris en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ; que, toutefois, ce principe de tarification ne s'applique pas aux établissements de santé coopérant dans le cadre de conventions, aux établissements de santé coopérant dans le cadre de groupements de coopération sanitaire en vertu des articles L. 6133-1 à L. 6133-9 du code de la santé publique, aux établissements publics de santé coopérant dans le cadre de communautés hospitalières de territoire en vertu des articles L. 6132-1 à L. 6132-8 du même code et aux laboratoires privés ayant signé des contrats de coopération prévus par l'article L. 6212-6 du même code ;
6. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu favoriser le développement des laboratoires de biologie médicale intégrés aux établissements de santé afin de maintenir des compétences en biologie médicale dans ces établissements et sur l'ensemble du territoire ; qu'il a également entendu encourager les contrats de coopération entre les laboratoires de biologie médicale pour que ceux-ci, lorsqu'ils sont situés dans un même territoire médical infrarégional, mutualisent certains de leurs moyens ; que la sécurité sociale prend en charge une large part des dépenses dans le secteur de la biologie médicale ; que ces dispositions poursuivent un but d'intérêt général ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation à celle du législateur sur le choix de poursuivre de tels objectifs plutôt que de favoriser la concurrence par les prix dans ce secteur ; que, d'une part, les règles de tarification qui résultent de l'article L. 6211-21 du code de la santé publique n'entraînent pas une atteinte à la liberté d'entreprendre disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ; que, d'autre part, les différences de traitement qui résultent des exceptions à la règle de facturation au tarif fixé sont en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il suit de là que les griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'entreprendre et de la violation du principe d'égalité doivent être écartés ;
7. Considérant que l'objectif à valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics ne peut, en lui-même, être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;
8. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :
Article 1
L'article L. 6211-21 du code de la santé publique est conforme à la Constitution.
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 décembre 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 5 décembre 2014.
Le président,
Jean-Louis Debré