Les faits
M.X, chirurgien des hôpitaux, a été recruté en qualité de praticien hospitalier à plein temps par un centre hospitalier, le 1er avril 1989.
Suite à une inspection diligentée par l'agence régionale d'hospitalisation, le ministre de l'emploi et de la solidarité, l'a suspendu de ses fonctions et a engagé une procédure disciplinaire par une décision du 6 avril 2000.
Le 19 avril 2000, le procureur de la République a mis en examen M. X. des chefs d'homicide involontaire, blessures involontaires et non-assistance à personne en danger.
Par décision du 29 septembre 2000, la mesure de suspension a été prolongée, pour la durée de la procédure pénale.
Par arrêt du 13 mai 2008 devenu définitif, la Cour d'appel a relaxé M. X. de tous les chefs de poursuite.
Par arrêté du 2 juin 2008, la directrice du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) a abrogé les décisions des 6 avril et 29 septembre 2000 et réintégré M. X. dans ses fonctions
Par arrêté du 2 décembre 2009, elle l'a placé en position de recherche d'affectation à compter du 1er janvier 2010 pour une durée de deux ans.
Par arrêté du 3 janvier 2012, elle l'a réintégré en surnombre au sein du centre hospitalier à compter du 1er janvier 2012.
La procédure
M. et Mme X. ont demandé au Tribunal administratif de mettre à la charge de l'Etat et du CNG la réparation des préjudices ayant résulté, d'une part, de la suspension, à titre conservatoire, pendant huit ans de M. X. par décisions ministérielles et, d'autre part, de l'absence prolongée d'affectation de M. X. sur un emploi correspondant à son grade.
Le Tribunal a écarté toute faute au titre de la mesure de suspension et rejeté les conclusions dirigées contre l'Etat. Pour autant, estimant qu’à partir du 1er janvier 2011 le CNG avait commis une faute engageant sa responsabilité en ne mettant pas en œuvre les moyens nécessaires pour permettre à M. X. de retrouver une activité professionnelle, il a mis à sa charge le versement d'une somme de 21 000 euros à M. et Mme X. et de 1 000 euros à chacun de leurs enfants majeurs. Le Tribunal a rejeté le surplus de leurs conclusions.
La Cour administrative d’appel a rejeté l'appel contre ce jugement. Les requérants se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la Cour administrative d'appel a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.
La décision
Le Conseil d’Etat rappelle que « la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement ; que lorsqu'il ressort des pièces du dossier que les conditions en sont réunies, il appartient au juge administratif de soulever d'office, après en avoir informé les parties, le moyen tiré de l'existence d'une responsabilité sans faute de l'Etat ».
Sur le fond, il estime que la perte des rémunérations que M. X. tirait des gardes et astreintes et de l'activité libérale qu'il exerçait au sein de l'hôpital n'est pas de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat.
En revanche, le maintien de la mesure de suspension pendant une durée de huit ans, alors que M. X. n'avait pas fait l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant d'exercer sa profession, a entraîné, du fait de l'arrêt de la pratique opératoire, une diminution difficilement remédiable de ses compétences chirurgicales, compromettant ainsi la possibilité pour lui de reprendre un exercice professionnel en qualité de chirurgien. « Ce préjudice grave, qui a revêtu un caractère spécial, ne peut être regardé, alors que M. X. a été relaxé des poursuites pénales qui avaient motivé la suspension et n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, comme une charge qui lui incombait normalement ».
Dès lors, le Conseil d’Etat décide qu’en ne relevant pas d'office le moyen tiré de ce que la responsabilité sans faute de l'Etat était engagée à l'égard des consorts X., le Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ou de qualification juridique. L’arrêt est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat au titre du maintien pendant huit ans de la mesure de suspension de M. X.