"[...] Considérant que la faute commise, dans les conditions ci-dessus rappelées, par M. X aux dépens de l'une de ses collègues, est constitutive d'un manquement à l'honneur dès lors que l'intéressé a administré à l'une de ses collègues un médicament qu'il s'est procuré dans le service et dont, eu égard à la profession qu'il exerçait, il ne pouvait ignorer que l'ingestion pouvait entraîner, pour la victime, voire pour les malades dont elle avait la charge, des conséquences d'une particulière gravité [...]" |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 18 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES, dont le siège est 112, rue Sadi Carnot BP 189 à Armentières Cedex (59421), représenté par son directeur en exercice ; le CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'avis en date du 18 juin 2003 par lequel la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a fait droit au recours de M. Pascal X tendant à l'annulation de la décision d'exclusion temporaire de deux années dont une avec sursis prononcée à son encontre ;
2°) rejette ce recours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le décret n° 88-981 du 13 octobre 1988 relatif au conseil supérieur de la fonction publique hospitalière .
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hugues Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES et de Me Haas, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie : Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. (...) / Toutefois, si ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles est subordonnée à l'amnistie ou à la réhabilitation légale ou judiciaire de la condamnation pénale. / Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, infirmier anesthésiste au service des urgences du CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES, a, dans la nuit du 11 au 12 novembre 2001, introduit des cachets de somnifère dans la boite de sucrettes de l'une de ses collègues que celle-ci utilise pendant ses heures de service ; que, victime d'un endormissement au volant alors qu'elle regagnait son domicile à l'issue d'une nuit de garde, celle-ci a perdu le contrôle de son véhicule et subi un accident de voiture sans dommages corporels ; que M. X n'a, en définitive, pas nié les faits, qualifiés par lui de mauvaise plaisanterie ; que, condamné le 11 juin 2002 par le tribunal correctionnel de Lille à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, depuis lors amnistiée, il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de deux ans, dont un an avec sursis, prononcée le 30 janvier 2003 par le directeur de l'établissement ; que l'intéressé ayant déféré cette sanction à la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière en application de l'article 53 de la loi susvisée du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, cet organisme a, par avis du 18 juin 2003, déclaré recevable le recours de M. X et estimé qu'il n'y avait pas lieu de proposer de sanction à l'encontre de ce dernier dans la mesure où les faits sus-décrits n'étaient pas contraires à l'honneur et ne pouvaient, en conséquence, être exceptés de l'amnistie prévue par les dispositions précitées de la loi du 6 août 2002 ; que le CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES demande l'annulation de cet avis ;
Considérant que la faute commise, dans les conditions ci-dessus rappelées, par M. X aux dépens de l'une de ses collègues, est constitutive d'un manquement à l'honneur dès lors que l'intéressé a administré à l'une de ses collègues un médicament qu'il s'est procuré dans le service et dont, eu égard à la profession qu'il exerçait, il ne pouvait ignorer que l'ingestion pouvait entraîner, pour la victime, voire pour les malades dont elle avait la charge, des conséquences d'une particulière gravité ; qu'il suit de là qu'en estimant que cette faute était amnistiée et ne pouvait donner lieu à sanction, la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière a fait une inexacte application de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES est fondé à soutenir que l'avis attaqué doit être annulé ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'avis de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière du 18 juin 2003 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. X tendant à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cet établissement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER D'ARMENTIERES et à M. Pascal X.