REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Jenny X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision du 3 octobre 2003 de la Commission d'assimilation des diplômes pour l'accès à la fonction publique hospitalière rejetant sa demande d'assimilation du diplôme délivré par la Haute école Robert Schuman de Virton en Belgique, au diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé délivré en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu les directives communautaires n° 89/48/CE du 21 décembre 1989 et n° 92/51/CE du 18 juin 1992 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 92-344 du 27 mars 1992 ;
Vu le décret n° 93-652 du 26 mars 1993 ;
Vu le décret n° 94-616 du 21 juillet 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Célia Verot, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la santé et de la protection sociale :
Considérant que le ministre de la santé et de la protection sociale soutient que la décision attaquée a été prise sur le recours gracieux de Mlle X, formé de manière tardive le 5 août 2003 contre une décision du 25 septembre 2002 de la commission d'assimilation des diplômes de la fonction publique hospitalière, dont l'intéressée aurait admis avoir reçu notification le 4 octobre 2002 ; que, cependant, la décision attaquée du 3 octobre 2003 de la commission d'assimilation des diplômes de la fonction publique hospitalière doit être regardée comme prise sur une nouvelle demande de Mlle X d'assimilation de ses diplômes, dès lors que celle-ci a présenté à la commission des éléments nouveaux et d'ailleurs postérieurs à la première décision du 25 septembre 2002 ; qu'ainsi, le ministre de la santé et de la protection sociale n'est pas fondé à soutenir que la requête est irrecevable ;
Sur la légalité :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de la directive n° 92/51/CE du Conseil du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, telles qu'interprétées par l'arrêt rendu le 9 septembre 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes, que constitue une profession réglementée au sens de la directive du 18 juin 1992, dont le délai de transposition expirait le 18 juin 1994, toute activité professionnelle qui, quant à ses conditions d'accès ou d'exercice, est directement ou indirectement régie par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives imposant la possession d'un diplôme ; que le décret du 26 mars 1993 subordonne l'accès au cadre d'emplois des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière, dans la spécialité éducateurs spécialisés, à la détention du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé ; que l'article 13 du même décret autorise également l'accueil dans ce corps, par la voie du détachement, d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, lesquels sont recrutés par un concours externe ouvert aux titulaires d'un diplôme du niveau du diplôme d'études universitaires générales ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt de manquement du 7 octobre 2004, l'existence d'une telle voie d'accès supplémentaire à ce corps qui est ouverte uniquement aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et qui est subordonnée à l'accomplissement de services effectifs d'une durée d'au moins cinq ans, n'est pas de nature, eu égard aux conditions auxquelles elle est ainsi soumise, à enlever à l'activité professionnelle d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière le caractère de profession réglementée au sens de la directive mentionnée ci-dessus ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte également des dispositions de la directive du 18 juin 1992, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, que les Etats membres devaient adopter avant le 18 juin 1994 les mesures nécessaires pour qu'un ressortissant d'un autre Etat membre qui veut exercer, à titre indépendant ou salarié, une profession réglementée dont l'accès est subordonné, dans l'Etat d'accueil, à la possession d'un diplôme, ne se voie pas refuser la possibilité de faire valoir, lorsque la correspondance entre les diplômes délivrés par l'Etat d'accueil et par l'Etat d'origine n'est que partielle, le fait que les connaissances qu'il a acquises, après l'obtention de son diplôme, dans le cadre d'une expérience pratique, complètent suffisamment celles qu'atteste son diplôme étranger ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 juillet 1994 relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours ou examens de la fonction publique hospitalière, de titres ou diplômes délivrés dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen : Lorsque le recrutement par voie de concours ou d'examen dans un corps de la fonction publique hospitalière est subordonné, en application du statut particulier de ce corps à la possession de certains diplômes nationaux, les titres ou diplômes de niveau au moins équivalent délivrés dans un autre Etat membre de la Communauté européenne (...) sont assimilés aux titres ou diplômes nationaux dans les conditions fixées par le présent décret ; que selon l'article 2 du même décret : Les candidats aux concours (...) présentent leur demande d'assimilation à une commission qui est instituée auprès du ministre chargé de la santé ; qu'aux termes de l'article 5 : La commission apprécie le degré des connaissances et des qualifications que le titre ou diplôme présenté permet de présumer chez son titulaire en fonction de la nature et de la durée des études nécessaires, ainsi que, le cas échéant, des formations pratiques dont l'accomplissement était exigé pour l'obtenir (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X, de nationalité belge a, en vue de se présenter au concours de recrutement des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière, demandé à la commission d'assimilation des diplômes pour l'accès à la fonction publique hospitalière l'assimilation de son diplôme d'éducateur spécialisé délivré par la Haute école Robert Schuman de Virton (Belgique) avec le diplôme d'Etat français d'éducateur spécialisé dont la possession est nécessaire pour faire acte de candidature au concours en cause ; que l'intéressée avait fait valoir auprès de ladite commission que si, par une précédente décision, la commission avait refusé d'assimiler le diplôme belge qu'elle détenait, au diplôme d'Etat français d'éducateur spécialisé en raison de l'insuffisance quantitative des stages préalables à la délivrance de son diplôme, elle justifiait d'une expérience professionnelle acquise, postérieurement à l'obtention de ce diplôme, par l'exercice de fonctions d'éducatrice spécialisée au sein d'une association ; que, par la décision attaquée, la commission d'assimilation a estimé que, par application des dispositions précitées du décret du 21 juillet 1994, il ne lui appartenait pas de prendre en compte, pour statuer sur la demande d'assimilation relative au diplôme détenu par Mlle X, l'expérience professionnelle acquise par celle-ci postérieurement à l'obtention de ce diplôme ; qu'à la date à laquelle cette décision est intervenue, aucune mesure n'avait été prise par la France visant à atteindre l'objectif rappelé ci-dessus de la directive précitée permettant de prendre en compte dans l'appréciation de l'équivalence des diplômes l'expérience professionnelle acquise postérieurement à la délivrance de ceux-ci ; que, par suite, comme l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt de manquement du 7 octobre 2004, faute de prévoir ainsi un régime permettant de tenir compte, pour se présenter aux concours de la fonction publique hospitalière, des acquis de l'expérience, les dispositions de l'article 5 du décret du 21 juillet 1994 n'étaient pas compatibles avec les objectifs de la directive n° 92-51 du Conseil du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles ; que, dès lors, le refus opposé à Mlle X le 3 octobre 2003 par la commission d'homologation des diplômes de la fonction publique hospitalière fondé sur les dispositions de cet article ainsi entaché d'illégalité, est lui-même illégal et doit, pour ce motif, être annulé ;
Décide :
Article 1er : La décision du 3 octobre 2003 de la commission d'assimilation des diplômes de la fonction publique hospitalière rejetant la demande de Mlle X est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Jeanny X, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille et au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.