REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août 1993 et 7 décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., demeurant (...) ; M. X. demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 4 mars 1993 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 mai 1990 du ministre de l'intérieur prononçant sa révocation ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. X.,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X. a été avisé qu'il pourrait, lors de sa comparution devant le conseil de discipline, se faire assister d'un défenseur ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du conseil de discipline du 15 mai 1990, M. X. s'est fait représenter par un inspecteur de police et par un avocat ; que, dans ces conditions, il ne faut se prévaloir d'une méconnaissance à son égard des dispositions de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984, selon lesquelles le fonctionnaire poursuivi peut se faire assister, devant le conseil de discipline, par "un ou plusieurs défenseurs de son choix" ; que l'existence d'une instance pénale en cours, en raison de certains des faits ayant motivé l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X., ne faisait pas obstacle à la poursuite de cette dernière ; que, si le conseil de discipline peut, en vertu de l'article 9 du décret du 25 octobre 1984, lorsque le fonctionnaire dont le cas lui est soumis fait l'objet de poursuites devant un tribunal répressif, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision de ce tribunal, il n'est pas tenu d'user de cette faculté ; qu'ainsi, M. X. n'est pas fondé à soutenir que la procédure disciplinaire engagée contre lui a été irrégulière ;
Considérant que, dans les motifs de la décision par laquelle il a révoqué M. X. de ses fonctions, le ministre de l'intérieur, après avoir exposé, en détail, les faits ayant justifié l'engagement d'une poursuite disciplinaire contre M. X., relève, "qu'en tout état de cause", celui-ci avait "par ses agissements et son comportement enfreint le code de déontologie - décret n° 86-592 du 18 mars 1986" - et avait "gravement porté la déconsidération sur le corps auquel il appartient - article 12 du décret n° 68-70 du 24 janvier 1968 modifié, fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale" ; que, contrairement à ce que soutient M. X., les agissements et le comportement invoqués se rapportaient aux faits précédemment exposés ; qu'ainsi, la décision attaquée énonçait les éléments de fait et de droit sur lesquels elle était fondée et était, ainsi, suffisamment motivée ;
Considérant que le fait invoqué par M. X. que certains des éléments ayant servi de fondement à la sanction disciplinaire qui lui a été infligée auraient été constatés au cours d'une procédure pénale qui serait entachée de nullité, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de cette sanction, dès lors que les mêmes éléments de fait ont été recueillis au cours de la procédure administrative contradictoire qui a précédé la décision contestée ;
Considérant que M. X. ne peut utilement se prévaloir, pour soutenir que cette décision reposerait sur des faits matériellement inexacts, de l'arrêt du 23 janvier 1991 dela chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, confirmé par l'arrêt du 16 mai 1991 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a ultérieurement décidé qu'il n'y avait pas lieu à le poursuivre du chef d'association de malfaiteurs et n'est ainsi pas revêtu de l'autorité de la chose jugée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X., membre du Parti nationaliste français et européen, a, le 6 novembre 1988, assisté, lors d'un congrès de ce parti, à une démonstration sur la fabrication d'engins explosifs du même type que ceux qui avaient été utilisés lors des attentats à l'explosif commis, l'un contre le journal "Globe", l'autre, contre un foyer de la "Sonacotra" ; qu'en s'abstenant d'informer les autorités compétentes d'un tel fait, qui, dans les circonstances de l'espèce, constituait une menace pour l'ordre public, M. X. s'est, alors même qu'il n'était pas en service, rendu coupable d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
Considérant qu'il ressort aussi des pièces du dossier que M. X. avait mis au point un projet consistant à créer, au sein de la police nationale, un groupe dénommé "section spéciale", composé de fonctionnaires de police qui devaient avoir pour mission, notamment, d'utiliser les fichiers de police en vue de procéder à des enquêtes sur les futurs adhérents du Parti nationaliste français et européen, de recruter des correspondants dans les différentes directions de la police nationale et d'assurer la protection du président du parti par des fonctionnaires porteurs de leur arme de service ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, un tel projet avait reçu un commencement d'exécution par la constitution, au sein du service d'ordre du Parti nationaliste français et européen, d'une section composée de quelques fonctionnaires de police chargés d'assurer certaines des missions ci-dessus énoncées ; que de tels faits étaient également de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
Considérant qu'en sanctionnant l'ensemble des faits ci-dessus rappelés par une mesure de révocation, le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'irrégularité, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur du 19 mai 1990 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X. et au ministre de l'intérieur.