Mme A. a souhaité exercé son activité en France après avoir fait ses études de pharmacie en Roumanie. Elle a alors demandé son inscription au tableau de l’ordre au conseil central de l’ordre national des pharmaciens. Après avoir accepté cette inscription, le conseil central a rayé ce professionnel de santé de l’ordre. Ce pharmacien a alors formé un recours contre cette décision ; le conseil national de l’ordre a toutefois rejeté le recours au motif que la traduction de l’attestation délivrée par les autorités roumaines relatives au diplôme fourni était falsifiée. En rappelant qu’une décision d’inscription ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois et indiquant l’existence, en l’espèce d’une discordance entre le document original et la traduction, le Conseil d’Etat considère que la décision d’inscription au tableau de l’ordre a été obtenue par une fraude et que c’est à bon droit que le Conseil national l’a radiée de ce tableau.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fatiha A, épouse B, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du Conseil national de l'ordre des pharmaciens du 21 septembre 2009 ayant rejeté son recours dirigé contre la décision du 19 janvier 2009 par laquelle le conseil central de la section D de l'ordre des pharmaciens a annulé son inscription au tableau de l'ordre ;
2°) d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des pharmaciens de procéder à son inscription sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pharmaciens le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les directives 85/432/CEE et 85/433/CEE du 16 septembre 1985 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a effectué en Roumanie des études de pharmacie qui ont été sanctionnées par un diplôme de pharmacien délivré par l'université de Bucarest ; que, par une décision du 19 février 2008, le ministère de la santé français a, au vu d'une attestation des autorités roumaines produite par l'intéressée, autorisé Mme A à exercer la pharmacie en France, sous réserve de son inscription au tableau de la section de l'ordre des pharmaciens compétent ; qu'inscrite le 15 mai 2008 par une décision du conseil central de la section D de l'ordre national des pharmaciens au tableau de cette section pour exercer en qualité d'adjoint intermittent en officine, Mme A en a été rayée par une décision du 19 janvier 2009 ; que l'intéressée a formé contre cette décision le recours préalable obligatoire prévu par l'article L. 4222-5 du code de la santé publique auprès du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et ce recours a été rejeté par une décision du 18 mai 2009 ; que, par une ordonnance du 29 juin 2009, le juge des référés du Conseil d'Etat a, à la demande de Mme A, suspendu cette décision et enjoint au Conseil national de l'ordre des pharmaciens de réexaminer la situation de l'intéressée ; que celle-ci demande l'annulation de la décision du 21 septembre 2009 par laquelle le conseil national a, après avoir procédé à ce réexamen, rejeté son recours au motif que la traduction qu'elle avait produite de l'attestation délivrée par les autorités roumaines relative à son diplôme était falsifiée et que son inscription avait été obtenue par fraude ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant que la décision attaquée qui, ainsi qu'il a été dit, a été prise par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens à la suite de l'exercice par Mme A du recours préalable obligatoire contre la décision du conseil central de la section D relative à son inscription au tableau organisé par l'article L. 4222-5 du code de la santé publique, s'est substituée à celle ci ; que par suite le moyen tiré du vice de procédure qui affecterait la décision du conseil central de la section D ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision attaquée ;
Considérant que lorsqu'il statue en matière d'inscription ou de radiation du tableau de l'ordre, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens n'a le caractère ni d'une juridiction ni d'un tribunal au sens des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4222-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, applicable à la date à laquelle le Conseil national de l'ordre s'est prononcé : Après avoir examiné les titres et qualités du demandeur, le conseil régional de la section A ou le conseil central de la section B, C, D, G ou H de l'ordre soit accorde l'inscription au tableau, soit, si les garanties de compétence, de moralité et d'indépendance professionnelle ou les conditions prévues par la loi ne sont pas remplies, la refuse par décision motivée écrite. (...) / La décision d'inscription ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois. Passé ce délai, la décision ne peut être retirée que sur demande explicite de son bénéficiaire ; qu'en application de ces dispositions, s'il incombe au conseil de tenir à jour le tableau et de rayer de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir les conditions requises pour y figurer, il ne peut, en l'absence de fraude, sans méconnaître les droits acquis qui résultent de l'inscription, décider plus de quatre mois après celle-ci de rayer un praticien au motif que les diplômes au vu desquels il a été inscrit n'auraient pas été de nature à permettre légalement son inscription ;
Considérant que selon l'article L. 4221-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle Mme A a été inscrite au tableau : Le titulaire d'un diplôme, certificat ou titre de pharmacien délivré par l'un des Etats autres que la France membres de la Communauté européenne (...) et répondant à l'ensemble des exigences minimales de formation prévues à l'article 2 de la directive 85/432/CEE du 16 septembre 1985 (...) peut exercer la pharmacie en France : / 1° Si ce diplôme, titre ou certificat figure sur une liste établie conformément aux obligations communautaires (...) par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ; / 2° Ou s'il est accompagné d'une attestation des autorités compétentes de l'Etat, autre que la France, membre ou partie, qui l'a délivré, certifiant qu'il sanctionne une formation répondant aux exigences énoncées ci-dessus et qu'il est assimilé dans cet Etat aux diplômes de la liste précitée. ;
Considérant qu'il est constant que le diplôme de pharmacien obtenu en septembre 2001 à l'université de Bucarest par Mme A ne figurait pas sur la liste établie, en application du 1° de l'article L. 4221-4 du code de la santé publique, par l'arrêté du 13 février 2007 des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche ; que pour pouvoir exercer en France, Mme A devait par suite produire une attestation de l'autorité compétente roumaine certifiant que son diplôme sanctionnait une formation répondant aux obligations communautaires et qu'il était assimilé en Roumanie aux diplômes satisfaisant à ces obligations ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'attestation du ministère de la santé roumain du 19 septembre 2007 obtenue par l'intéressée précise dans sa version originale que le diplôme de pharmacien dont est titulaire Mme A lui donne le droit d'exercer la fonction de pharmacien en Roumanie dans les mêmes conditions que les titulaires du diplôme de licence en pharmacie désigné pour la Roumanie dans l'annexe de la directive 85/433 CEE du Conseil fixant la liste des diplômes reconnus par les Etats membres et que l'intéressée n'a pas exercé sur le territoire roumain les activités concernées ; qu'il ressort toutefois également des pièces versées au dossier que la décision du 15 mai 2008 par laquelle le conseil central de la section D de l'ordre national des pharmaciens a inscrit Mme A au tableau de la section D de l'ordre national des pharmaciens, a été prise au vu d'une traduction en français de l'attestation du 19 septembre 2007, établie à la demande de Mme A par un interprète, qui comporte, par rapport à l'original en langue roumaine, deux paragraphes supplémentaires, dont l'un certifie la conformité du diplôme délivré à l'intéressée aux obligations communautaires et aux conditions posées par les directives du Conseil 85/432 CEE et 85/433 CEE tandis que l'autre indique que la présente attestation est délivrée en vue de la reconnaissance de ce titre de qualification dans les autres Etats membres de l'Union européenne et ne comporte par ailleurs plus le paragraphe attestant que Mme A n'avait pas exercé sur le territoire de la Roumanie l'activité de pharmacienne ; qu'aucune explication de la discordance entre le document original et la traduction produite par Mme A, puis par le traducteur à la demande du Conseil national de l'ordre n'a pu être donnée par celle-ci lors de la procédure devant l'ordre puis devant le Conseil d'Etat ; qu'il résulte de ces discordances et de leur contenu que Mme A a cherché, par la production d'une traduction falsifiée des autorités de son Etat, à tromper les autorités françaises sur la valeur de son diplôme au regard du droit communautaire ; qu'il suit de là que la décision d'inscription au tableau du 15 mai 2008, prise au vu de ce document, a été obtenue par fraude ; que c'est par suite à bon droit que le Conseil national de l'ordre s'est fondé sur cette circonstance pour rejeter le recours de Mme A contre la décision du 19 janvier 2009 par laquelle le conseil central de la section D l'a radiée du tableau ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ; qu'il y a lieu en revanche, en application de cet article, de mettre à la charge de Mme A la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A versera au Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatiha A et au Conseil national de l'ordre des pharmaciens.