Le Conseil d’Etat a considéré qu’aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant lorsque ce dernier a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue (et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration). Il indique également que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même. |
Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies
N° 281374
Lecture du vendredi 11 avril 2008
Publié au recueil Lebon
M. Daël, président
M. Jean-Yves Rossi, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP PIWNICA, MOLINIE ; ODENT ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 9 juin et 10 octobre 2005, présentés pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est 100, avenue de Suffren, B.P. 552, à Paris Cedex 15 (75715), agissant par son représentant légal ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser diverses indemnités aux consorts B et à la SNCF, agissant en qualité de caisse autonome de sécurité sociale, en réparation des préjudices subis par Mme Monique B à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C qu'elle impute aux transfusions de produits sanguins qu'elle a reçues en 1982 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et de Me Odent, avocat de la SNCF,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel dirigé contre un jugement du tribunal administratif de Montpellier le condamnant à indemniser les consorts B et la Société Nationale des Chemins de fer Français des conséquences dommageables de la contamination de Mme B par le virus de l'hépatite C ;
Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;
Considérant qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué que la cour a d'abord relevé que si, à la date du 30 octobre 2000 à laquelle M. B avait saisi le tribunal administratif de Montpellier, ce dernier ne justifiait d'aucune décision expresse ou tacite lui refusant l'indemnité qu'il sollicitait, il avait, le 6 septembre 2001, demandé à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG de lui allouer une indemnité ; qu'elle a poursuivi en estimant que le silence gardé par l'établissement sur cette réclamation avait fait naître une décision implicite de rejet ; qu'elle a pu en déduire, sans erreur de droit ni dénaturation, alors même qu'elle a relevé dans son arrêt de manière surabondante l'existence de conclusions additionnelles présentées dans un mémoire enregistré le 5 juin 2002, qu'aucune fin de non-recevoir, tirée du défaut de décision préalable, ne pouvait être opposée aux conclusions de la demande de première instance ;
Considérant que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que les frais futurs dont la SNCF demandait le remboursement présentaient un caractère certain ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNCF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG la somme de 2 500 euros que la SNCF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est rejetée.
Article 2 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG versera à la SNCF une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, aux consorts B et à la Société Nationale des Chemins de Fer français.