La commune A. a lancé une procédure de passation d'un marché global de prestations de conseil et de représentation juridiques, à bons de commande, avec multi-attributaires. Cinq candidats ont été déclarés attributaires. L'offre du cabinet X., classée sixième, a été rejetée. Saisi par le cabinet X. sur le fondement de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a annulé cette procédure dans son ensemble. La commune A. s’est pourvue en cassation. Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi. Compte tenu de la diversité de ces prestations et du volume de la commande passée par la commune A., le marché pouvait faire l'objet d'un allotissement. La commune ne justifiait pas qu'un allotissement du marché rendrait techniquement difficile son exécution.
Conseil d’Etat, 11 avril 2014, req. n° 375051
Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 30 janvier, 14 février et 18 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune A., représentée par son maire ; la commune A. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1312363 du 15 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a sur la demande du cabinet X., association d'avocats, annulé la procédure qu'elle a engagée pour la passation d'un marché de prestations de conseil et de représentation juridique ;
2°) de mettre à la charge du cabinet X. le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Montrieux, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune A., à Me Foussard, avocat du cabinet X., et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat du cabinet Y. ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. (...) " ; que, selon l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;
2. Considérant qu' il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune A. a lancé une procédure de passation d'un marché global de prestations de conseil et de représentation juridiques, à bons de commande, avec multi-attributaires ; que cinq candidats ont été déclarés attributaires et que l'offre du cabinet X., classée sixième, a été rejetée ; que, saisi par le cabinet X. sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, par l'ordonnance attaquée, annulé cette procédure dans son ensemble ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (...) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel et des énonciations non contestées sur ce point de l'ordonnance attaquée que les prestations de conseil et de représentation juridiques, objet du marché, portaient sur l'ensemble des matières du droit public ainsi que sur les matières relevant du droit civil, du droit pénal et de la procédure pénale ; que, compte tenu de la diversité de ces prestations et du volume de la commande passée par la commune A., le juge des référés n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits en jugeant que des prestations distinctes pouvaient être identifiées et que le marché pouvait faire l'objet d'un allotissement ; qu'il a également jugé sans erreur de droit et sans erreur de qualification juridique que la commune, eu égard à son importance et à sa capacité à assurer une coordination des prestations, ne justifiait pas qu'un allotissement du marché rendrait techniquement difficile son exécution ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la commune A. ne peut utilement soutenir que le principe de loyauté des relations contractuelles, qui ne s'applique pas à la phase de passation des contrats, faisait obstacle à ce que le cabinet X., qui avait accepté de participer à la procédure de sélection des offres, invoque la méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics et que le juge des référés aurait ainsi commis une erreur de droit en annulant la procédure pour méconnaissance de la règle posée par cet article ;
6. Considérant, enfin, qu'en jugeant que le recours à un marché global était susceptible d'avoir lésé le cabinet X., dont l'offre a été rejetée au motif, notamment, qu'il ne disposait pas d'une capacité de traitement des dossiers suffisante, le juge du référé précontractuel n'a pas commis d'erreur de qualification juridique ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune A. doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune A. la somme de 3 500 euros à verser au cabinet X., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune A. est rejeté.
Article 2 : La commune A. versera au cabinet X. une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune A., au cabinet X., à la SELARL Y., à la SCP Z., à l'AARPI B., à la SELARL C. et à la SELARL D..