Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 2 juillet 2013, le ministère X. a lancé, sur le fondement des dispositions de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, une procédure de passation d'un marché de conception-réalisation du « cercle mess » de l'école nationale des sous-officiers d'active à Saint-Maixent-l'Ecole, en application de l'article 69 du code des marchés publics. La société Y., mandataire d'un groupement d'entreprises, a été informée du rejet de sa candidature par un courrier daté du 9 décembre 2013. Saisi par cette société, le juge des référés a, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, annulé la procédure de passation de ce marché. Le ministre X. s’est pourvu en cassation contre cette ordonnance. Le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Bordeaux au motif que le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats, pour sélectionner ceux qui seront admis à présenter une offre, que les renseignements et documents prévus par l'arrêté du 28 août 2006, pris pour l'application des dispositions de l'article 45 du Code des marchés publics. En l’espèce, le ministère de la défense a, pour procéder à la sélection des candidats admis à présenter une offre, exigé, dans l'avis d'appel public à la concurrence et dans le règlement de consultation annexé, la production d'une note présentant la composition de l'équipe dédiée au projet ainsi que l'organisation mise en place pendant la phase de conception et pendant les phases de réalisation, de mise en service et de maintenance de l'ouvrage, avec la définition des rôles et responsabilités des membres de ces équipes et de leur méthodologie de travail. Ces renseignements et documents ne sont pas au nombre de ceux qui sont limitativement prévus par l'arrêté du 28 août 2006. |
Conseil d’Etat, 11 avril 2014, req. n° 375245
Vu le pourvoi, enregistré le 6 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre X. ; le ministre X. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400006 du 23 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur la demande de la société Y. en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, d'une part, annulé la procédure d'appel d'offres restreint lancée le 2 juillet 2013 en vue de la conclusion d'un marché public portant sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance d'un " cercle mess " à l'école nationale des sous-officiers d'active de Saint-Maixent-l'Ecole, et, lui a, d'autre part, enjoint de reprendre cette procédure ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Y. ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Bouchard, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, avocat de la société Y. ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. (...) " ; que, selon l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 2 juillet 2013, le ministère X. a lancé, sur le fondement des dispositions de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, une procédure de passation d'un marché de conception-réalisation du " cercle mess " de l'école nationale des sous-officiers d'active à Saint-Maixent-l'Ecole, en application de l'article 69 du code des marchés publics ; que la société Y., mandataire d'un groupement d'entreprises, a été informée du rejet de sa candidature par un courrier daté du 9 décembre 2013 ; que, saisi par cette société, le juge des référés a, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, annulé la procédure de passation de ce marché ; que le ministre X. se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que le ministère X. avait notamment retenu, pour la sélection des candidatures, un critère relatif aux références des groupements candidats ; que ceux-ci devaient être notés sur une base de 100 points, dont 60 points pour le critère relatif aux références, eux-mêmes répartis en 16 points pour les références en matière de construction, 12 points pour les références de l'architecte, 12 pour celles du bureau d'études techniques, 10 pour celles de l'équipementier, 10 pour l'entreprise de maintenance ; que le règlement de la consultation précisait le nombre et la nature des références demandées et le nombre de points susceptibles d'être accordés à chaque référence ; que, pour annuler la procédure de passation litigieuse, le juge du référé précontractuel, après avoir relevé que le pouvoir adjudicateur avait attribué, pour chaque référence, un nombre de points compris entre 0 et le nombre mentionné dans le règlement de la consultation, a jugé qu'il avait ainsi " pondéré les références " et qu'il avait irrégulièrement omis de porter à la connaissance des candidats cette pondération ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que les points attribués aux candidats résultaient, conformément au règlement de la consultation, de la notation des différentes références produites et non de l'application d'une pondération de critères ou sous-critères, le juge du référé précontractuel a commis une erreur dans la qualification juridique des faits ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre X. est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la procédure de référé précontractuel engagée par la société Y. devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics : " I. - Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager (...). / La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie. " ; qu'aux termes de l'article 52 du même code : " (...) II. - Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il procède à la sélection de ces candidats en appliquant aux candidatures retenues conformément au I des critères de sélection non discriminatoires et liés à l'objet du marché relatifs à leur capacités professionnelles, techniques et financières. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats, pour sélectionner ceux qui seront admis à présenter une offre, que les renseignements et documents prévus par l'arrêté du 28 août 2006, pris pour l'application des dispositions de l'article 45 ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministère X. a, pour procéder à la sélection des candidats admis à présenter une offre, exigé, dans l'avis d'appel public à la concurrence et dans le règlement de consultation annexé, la production d'une note présentant la composition de l'équipe dédiée au projet ainsi que l'organisation mise en place pendant la phase de conception et pendant les phases de réalisation, de mise en service et de maintenance de l'ouvrage, avec la définition des rôles et responsabilités des membres de ces équipes et de leur méthodologie de travail ; que ces renseignements et documents ne sont pas au nombre de ceux qui sont limitativement prévus par l'arrêté du 28 août 2006 ; que ce manquement du pouvoir adjudicateur est susceptible d'avoir lésé la société requérante ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête en référé précontractuel, que la société Y. est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché contestée dans son intégralité ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros à verser à la société Y. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour la procédure devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Bordeaux ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 23 janvier 2014 du juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : La procédure de passation du marché ayant pour objet la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance d'un " cercle mess " à l'école nationale des sous-officiers d'active de Saint-Maixent-l'Ecole est annulée.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 4 500 euros à la société Y. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre X. et à la société Y..