En l'espèce, Mme X, de nationalité iranienne, est nommée le 1er juillet 2005 praticien hospitalier associé par arrêté du Ministre de la santé pour une durée de deux ans renouvelables. Le 16 novembre 2007, le Ministre chargé de la santé prononce son licenciement pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier. Mme X conteste cette décision en invoquant le fait que la procédure réalisée ne lui est pas applicable. Le Tribunal administratif de Pau suit ce raisonnement et annule l'arrêté ministériel de licenciement. Saisi en cassation, le Conseil d'Etat considère « qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions(les articles R. 6152-10 et R. 6152-13 du Code de la santé publique), par lesquelles le pouvoir réglementaire a entendu aligner les conditions de stage et de nomination des praticiens associés sur celles des praticiens à titre permanent, que les médecins n'étant pas de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'Andorre, lorsqu'ils remplissent les conditions requises pour l'exercice de la profession de médecins, peuvent être nommés praticiens hospitaliers associés pour une période probatoire d'un an ; qu'à l'issue de cette période, ils peuvent être, soit admis à prolonger leur période probatoire, pour une nouvelle durée d'un an, soit licenciés pour inaptitude à l'exercice des fonctions, soit encore autorisés à continuer leur activité en qualité de praticien associé ; que seule leur nomination à titre de praticien permanent est soumise à la condition de nationalité prévue par l'article R. 6152-10 du code de la santé publique ». |
Conseil d'État
N° 343209
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
Mme Domitille Duval-Arnould, rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats
lecture du lundi 12 mars 2012
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 septembre et 9 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sonia A, demeurant au ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX00174 - 10BX00175 du 13 juillet 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur la requête du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, a annulé le jugement n° 0702440 du 3 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 16 novembre 2007 prononçant son licenciement pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier, et d'autre part, rejeté ses conclusions de première instance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;
3°) de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
Vu le décret n° 2006-1221 du 5 octobre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, Chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme Sonia A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme Sonia A,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er juillet 2005 pris sur le fondement de l'article 16 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers alors en vigueur, le ministre de la santé et des solidarités a nommé Mme A, de nationalité iranienne, praticien hospitalier associé au centre hospitalier d'Auch à compter du 1er octobre 2005, pour une durée de deux ans renouvelable ; que par un arrêté du 16 novembre 2007, pris sur le fondement des articles R. 6152-10 et R. 6152-13 du code de la santé publique issus du décret du 5 octobre 2006 relatif aux personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques hospitaliers et modifiant le code de la santé publique, le ministre de la santé, de la jeunesse et des sports a prononcé le licenciement de Mme A pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier ; que par un jugement du 3 décembre 2009, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur la requête du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, a annulé ce jugement et rejeté ses conclusions de première instance ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ; que le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par lettre recommandée du 9 juin 2010, informé le conseil de Mme A que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public en indiquant que " (...) la décision contestée aurait pu être prise sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée. " ; que cette information était trop imprécise pour que Mme A pût connaître le texte sur lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux était susceptible de fonder la solution qu'elle apporterait au litige et en discuter utilement ; que la requérante est, par suite, fondée à soutenir que l'arrêt attaqué a méconnu le principe du contradictoire et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-10 du code de la santé publique alors applicable dans sa version issue du décret du 5 octobre 2006 : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 6152-7, peuvent poser leur candidature à la fonction de praticien hospitalier associé les médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, qui, n'étant pas de nationalité française, sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, ni ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'Andorre, remplissent les autres conditions requises pour l'exercice de la profession de médecin, de pharmacien, ou de chirurgien-dentiste, prévues par le présent code et qui sont inscrits sur une liste d'aptitude en cours de validité après réussite au concours national de praticien des établissements publics de santé./ La nomination dans un établissement public de santé en qualité de praticien hospitalier associé est prononcée par arrêté du ministre chargé de la santé selon les modalités prévues à l'article R. 6152-8. /Dès lors qu'il remplit les conditions de nationalité prévues au premier alinéa du présent article et sous réserve qu'il ait effectué une période d'une année de service effectif validée dans les conditions prévues à l'article R. 6152-13, le praticien est nommé à titre permanent " ; qu'aux termes de l'article R.6152-13 du même code dans sa version issue du décret du 5 octobre 2006: " Les candidats issus du concours national de praticien des établissements publics de santé...sont nommés pour une période probatoire d'un an d'exercice effectif des fonctions, à l'issue de laquelle ils sont, après avis de la commission médicale d'établissement et du conseil exécutif ainsi que, le cas échéant, de la commission statutaire nationale, soit nommés dans un emploi de praticien à titre permanent, soit admis à prolonger leur période probatoire, pour une nouvelle durée d'un an, soit licenciés pour inaptitude à l'exercice des fonctions en cause, par arrêté du ministre chargé de la santé (...) ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, par lesquelles le pouvoir réglementaire a entendu aligner les conditions de stage et de nomination des praticiens associés sur celles des praticiens à titre permanent, que les médecins n'étant pas de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'Andorre, lorsqu'ils remplissent les conditions requises pour l'exercice de la profession de médecins, peuvent être nommés praticiens hospitaliers associés pour une période probatoire d'un an ; qu'à l'issue de cette période, ils peuvent être, soit admis à prolonger leur période probatoire,pour une nouvelle durée d'un an, soit licenciés pour inaptitude à l'exercice des fonctions, soit encore autorisés à continuer leur activité en qualité de praticien associé ; que seule leur nomination à titre de praticien permanent est soumise à la condition de nationalité prévue par l'article R. 6152-10 du code de la santé publique ;
Considérant que pour annuler l'arrêté du 16 novembre 2007 ayant prononcé le licenciement de Mme A pour " inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier à l'issue d'une période probatoire ", le tribunal administratif de Pau a jugé que les dispositions des articles R. 6152-10 et R .6152-13 réservaient la procédure de licenciement pour inaptitude en fin de stage aux praticiens ayant la nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou d'Andorre et que cette procédure n'était pas applicable à Mme A, de nationalité iranienne ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci dessus que c'est à tort que, par son jugement du 3 décembre 2009, le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A, devant le tribunal administratif de Pau ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2°) Les chefs de service (...) ; qu'en sa qualité de chef de service du second pôle, adjointe à la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins à l'administration centrale du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, fonctions auxquelles elle avait été nommée par arrêté du 12 septembre 2007, Mme de Masson d'Autume, avait, en vertu de ces dispositions, qualité pour signer, au nom du ministre, la décision attaquée ;
Considérant, en deuxième lieu, que le décret du 5 octobre 2006, dont, comme il a été dit ci-dessus, sont issus les articles R. 6152-10 et R. 6152-13 du code de la santé publique, ne comporte pas de dispositions transitoires et était d'application immédiate ; qu'il en résulte que, pour les praticiens associés antérieurement nommés sur le fondement de l'article 16 du décret du 24 février 1984 et en exercice à la date d'entrée en vigueur du décret du 5 octobre 2006, la période de service accomplie dans ces fonctions doit être assimilée à la période probatoire d'un an prévue par les articles R. 6152-10 et R. 6152-13 du code de la santé publique ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions des articles R. 6152-10 et R.6152-13 et ne pouvait faire l'objet d'un licenciement pour inaptitude en fin de période probatoire au motif qu'elle avait été nommée praticien associée antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 5 octobre 2006 ;
Considérant, enfin, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a été invitée par courrier recommandé du 15 octobre 2007 à prendre connaissance de son dossier après que la commission médicale d'établissement, le conseil exécutif du centre hospitalier d'Auch et la commission statutaire nationale aient, à l'unanimité, exprimé un avis favorable à son licenciement pour inaptitude professionnelle ; qu'il ressort, d'autre part, des pièces du dossier que ce licenciement était justifié par la perturbation apportée par ce praticien au bon fonctionnement du service hospitalier, la continuité et la qualité des soins ; que Mme A n'est par suite fondée à soutenir, ni que les droits de la défense auraient été méconnus, ni que son licenciement reposerait sur une inexacte appréciation des faits ; que sa demande d'annulation de la décision du 16 novembre 2007 doit par suite être rejetée de même que, par voie de conséquence, celle tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 10BX00174 - 10BX00175 du 13 juillet 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement n° 0702440 du 3 décembre 2009 du tribunal administratif de Pau sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Sonia A, au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.