En l’espèce, à la suite d’une fracture du tibia, un homme est hospitalisé en 2009 dans le service de chirurgie orthopédique du centre hospitalier de Mâcon au sein duquel il subit une ostéosynthèse par plaque vissée. A la suite d’une inflammation de sa cicatrice, le patient est réadmis dans le même service et subit une nouvelle intervention au cours de laquelle la plaque d’ostéosynthèse est retirée et remplacée par une ostéosynthèse par fixateur externe. Toutefois à cette occasion, le patient se voit diagnostiquer une infection par le staphylocoque caprae. Après l’apparition de nouveaux signes d’infection, une nouvelle intervention est réalisée au cours de laquelle le fixateur externe est remplacé par une résine. Une nouvelle infection, par propionibacterium acnes, et les signes d'une seconde fracture du tibia sont ultérieurement diagnostiqués.
En première instance, le tribunal administratif retient le caractère nosocomial des deux infections et condamne par conséquent l’hôpital à indemniser le patient, atteint d'une incapacité permanente partielle de 8 %, des préjudices subis à raison des deux infections à hauteur de 59 000 euros.
Par un arrêt du 25 février 2021 contre lequel le patient se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon, estimant que la seconde infection dont elle a confirmé le caractère nosocomial, a seulement été à l'origine d'une perte de chance de ne pas subir une deuxième fracture du tibia, a ramené cette somme à 35 652,92 euros.
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle que conformément à l’article L.1142-1 du code de la santé publique (CSP), « Les établissements, services et organismes susmentionnés [organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins] sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». Or « doit être regardée au sens de l'article L. 1142-1, comme présentant un caractère nosocomial, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ».
Par la suite, le Conseil d’Etat précise que « dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage, la réparation qui incombe à l'hôpital devant alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ». Il ajoute qu’il « en va de même lorsque, à la suite d'une première infection nosocomiale, un patient fait l'objet d'une nouvelle prise en charge au cours ou au décours de laquelle apparaît une seconde infection nosocomiale, et que ce patient demande la réparation d'un nouveau dommage auquel cette seconde infection nosocomiale a compromis ses chances d'échapper ». En revanche, le Conseil d’Etat indique que « lorsqu'il est certain que le nouveau dommage ne serait pas survenu en l'absence de la première infection nosocomiale, le préjudice qui doit être réparé est le dommage corporel et non la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage ».
Confirmant la position de la cour administrative d’appel de Lyon, le Conseil d’Etat retient donc « qu’il n’était pas certain que le dommage corporel constaté après la seconde infection ne serait pas survenu en l’absence de ces deux interventions » et que par conséquent, « le préjudice devant être réparé était non pas l’entier dommage causé par la seconde fracture mais seulement la perte de chance d’éviter le dommage ».
Le Conseil d’Etat rejette ainsi le pourvoi du patient.