Ce litige oppose l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris à une société qui assure pour le compte d'organismes d'assurance maladie complémentaire le bénéfice du tiers payant pour une part de dépenses non couvertes par la sécurité sociale. Cette société conteste une partie des créances hospitalières qui lui sont réclamées par l’AP-HP. Le tribunal administratif ainsi que la Cour d’appel de Paris se déclarent incompétents. La société forme donc un pourvoi. Le Conseil d’Etat rappelle que les litiges entre un patient et un établissement public de santé relèvent du juge administratif. Qu’il en va de même, sauf si la loi en dispose autrement, des litiges relatifs au paiement de frais de santé qui opposent l'établissement public de santé aux organismes chargés de ce paiement pour le compte de la personne hospitalisée. Ainsi, le Conseil d’Etat donne raison à la société et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel. L’affaire est renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Paris |
Conseil d'État
N° 350428
1ère et 6ème sous-sections réunies
lecture du mercredi 13 novembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 28 juin, 28 septembre et 10 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société X..., dont le siège est ….. représentée par son représentant légal ; la société X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA06749 du 28 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 0915315 du 13 octobre 2009 par laquelle la vice-présidente de section du tribunal administratif de Paris a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, sa demande tendant à l'annulation de titres de recettes pour un montant de 135 444,72 euros, faisant l'objet d'un commandement de payer émis à son encontre le 15 juillet 2009 par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, à l'annulation de ces titres de recettes et à ce que le commandement de payer soit déclaré mal fondé ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société X... et à Me Foussard, avocat de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la trésorerie de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, établissement public de santé, a signifié le 23 juillet 2009 à la société X..., gestionnaire du bénéfice du tiers payant pour le compte d'organismes d'assurance maladie complémentaire, un commandement de payer la somme de 284 937,58 euros, émis le 15 juillet 2009, au titre de créances hospitalières ; que la société X... a contesté devant le tribunal administratif de Paris le bien-fondé d'une partie de ces créances ; que sa demande a été rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître par une ordonnance du 13 octobre 2009 ; que cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 avril 2011, contre lequel la société X... se pourvoit en cassation ;
2. Considérant que la personne bénéficiant de soins dispensés par un établissement public de santé est un usager d'un service public administratif et que le rapport né de cette situation est un rapport de droit public ; que, par suite, les litiges susceptibles de s'élever entre l'établissement et le patient au sujet du paiement des frais qui en résultent relèvent de la juridiction administrative ; qu'il en est de même, sauf si la loi en dispose autrement, des litiges relatifs au paiement de ces frais opposant l'établissement public de santé aux personnes et organismes tenus à ce paiement pour le compte de la personne hospitalisée ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 6145-11 du code de la santé publique : " Les établissements publics de santé peuvent toujours exercer leurs recours, s'il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil " ; que si le second alinéa du même article dispose que " ces recours relèvent de la compétence du juge aux affaires familiales ", ces dispositions ont eu pour seul effet de transférer à la juridiction judiciaire compétence pour connaître des litiges relatifs au paiement des frais exposés opposant les établissements publics de santé aux personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil ; qu'elles n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'édicter de nouvelles règles de compétence relatives aux autres litiges pouvant naître des soins dispensés par les établissements publics de santé ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. / Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1 " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 322-1 du même code : " La part garantie par la caisse primaire d'assurance maladie (...) est remboursée soit directement à l'assuré (...) soit à l'organisme ayant reçu délégation de l'assuré dès lors que les soins ont été dispensés par un établissement ou un praticien ayant passé convention avec cet organisme, et dans la mesure où cette convention respecte la réglementation conventionnelle de l'assurance maladie " ; que ces dispositions ne sont pas applicables au présent litige, qui ne concerne pas le remboursement par un organisme de sécurité sociale des soins dispensés aux assurés sociaux ;
5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'en jugeant que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la contestation relative au bien-fondé de créances hospitalières opposant l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à la société X..., alors que cette société assure pour le compte d'organismes d'assurance maladie complémentaire le bénéfice du tiers payant pour une part de dépenses non couvertes par la sécurité sociale, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que la société X... est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris le versement à la société X... d'une somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er: L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 avril 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris versera à la société X... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société X... et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris.