En l’espèce, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné, par un jugement en date du 16 mars 2004, des hôpitaux universitaires à réparer les conséquences dommageables du décès d’un patient à raison notamment de la faute commise lors du traitement des appels téléphoniques par le médecin d’exercice libéral, mis à disposition par une association de soins et d’urgences médicales (ASUM), en qualité de médecin régulateur, du centre de réception et de régulation des appels du SAMU. Par un jugement du 1er septembre 2004, le même tribunal administratif a condamné cette ASUM à garantir ces hôpitaux universitaires des trois quarts des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement du 16 mars 2004. L’association demande au Conseil d’Etat l’annulation de l’arrêt confirmatif de la cour administrative d’appel de Nancy. Or, le Conseil d’Etat rejette la requête en retenant, au regard des articles 4 et 11 du décret du 16 décembre 1987 relatif aux missions et à l’organisation des unités participant au SAMU alors en vigueur, que l’ASUM est responsable des actes et des décisions des médecins qu’elle met à la disposition du centre de réception et de régulation des appels. La haute juridiction administrative précise également que cette association devait garantir le service public hospitalier des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute commise par le médecin d’exercice libéral qu’elle avait mis à disposition du centre de réception et de régulation des appels du SAMU en qualité de médecin régulateur. |
Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies
N° 296020
Inédit au recueil Lebon
M. Daël, président
M. Philippe Ranquet, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP BOUTET ; LE PRADO, avocat
Lecture du mercredi 14 janvier 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet et 30 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67), dont le siège est 84 avenue des Vosges à Strasbourg (67000) ; l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 24 mai 2006 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 1er septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée, à la demande des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, à garantir cet établissement à concurrence des trois quarts des condamnations prononcées à son encontre au profit des consorts A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg par le jugement du 16 mars 2004 du même tribunal ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Ranquet, Auditeur,
- les observations de la SCP Boutet, avocat de l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67) et de Me Le Prado, avocat des Hôpitaux universitaires de Strasbourg,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 16 mars 2004, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, venant au droit du centre hospitalier régional de Strasbourg, à réparer les conséquences dommageables résultant, pour les consorts A et la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg, du décès de M. Jean-Pierre A à raison notamment de la faute commise pendant la nuit du 1er au 2 décembre 1996, lors du traitement des appels téléphoniques par le médecin d'exercice libéral, alors mis à disposition par l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67), en qualité de médecin régulateur, du centre de réception et de régulation des appels du service d'aide médicale urgente (SAMU) du Bas-Rhin, dépendant de ce centre hospitalier régional ; que par un jugement du 1er septembre 2004, le même tribunal administratif a condamné l'ASUM 67 à garantir les Hôpitaux universitaires de Strasbourg des trois quarts des condamnations prononcées à leur encontre par le jugement du 16 mars 2004 ; que l'ASUM 67 demande l'annulation de l'arrêt du 24 mai 2006 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 1er septembre 2004 ; que, par la voie d'un pourvoi provoqué, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg demandent, dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat ferait droit au pourvoi de l'ASUM 67, l'annulation du même arrêt en tant qu'il a rejeté leur requête dirigée contre le jugement du 16 mars 2004 ;
Sur le pourvoi principal de l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67) :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'ASUM 67 n'a opposé devant le tribunal administratif aucune fin de non recevoir aux conclusions d'appel en garantie présentées par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ; que c'est par suite à bon droit que la cour administrative d'appel a écarté le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur une telle fin de non recevoir ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 711-7 du code de la santé publique, applicable à l'époque des faits : « (...) Les services d'aide médicale urgente comportent un centre de réception et de régulation des appels. / Leur fonctionnement peut être assuré, dans des conditions fixées par décret, avec le concours des praticiens non hospitaliers qui en font la demande. Des conventions sont passées à cet effet dans des conditions fixées par décret. (...) » ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 16 décembre 1987 relatif aux missions et à l'organisation des unités participant au SAMU, alors en vigueur : « Les centres de réception et de régulation des appels permettent, grâce notamment au numéro d'appel unique dont ils sont dotés, de garantir en permanence l'accès immédiat de la population aux soins d'urgence et la participation des médecins d'exercice libéral au dispositif d'aide médicale urgente. La participation de ceux-ci, comme celle des autres intervenants, au dispositif d'aide médicale urgente est déterminée par convention. » ; qu'en vertu de l'article 12 du même décret, cette convention est conclue notamment entre l'établissement de santé où est situé le service d'aide médicale urgente, les instances départementales des organisations nationales représentatives des praticiens qui en ont fait la demande et les associations de médecins ayant pour objet la réponse à l'urgence, qui en ont fait la demande ; qu'aux termes de l'article 13 de ce même décret : « la convention détermine notamment : le plan de financement détaillé du centre de réception et de régulation des appels médicaux, les moyens apportés respectivement par chacune des parties contractantes, les modalités selon lesquelles la réception et la régulation des appels sont organisées conjointement, les modalités de gestion du centre de réception et de régulation des appels médicaux, la durée, les modalités de dénonciation, de révision et de reconduction de l'accord » ;
Considérant que l'article 4, intitulé « responsabilité », de la convention conclue le 15 février 1989 en application de ces dispositions par le centre hospitalier régional de Strasbourg et notamment l'ASUM 67, stipule que : « l'ASUM 67 garantit la présence d'un médecin libéral pour assurer la régulation ... Une permanence est assurée 24 heures sur 24, par un médecin régulateur hospitalier. / Dans ses interventions, l'ASUM 67 agit dans le cadre de la médecine libérale et assume toutes les responsabilités en découlant. / Le rôle du C. H. R. (SAMU 67) étant limité à la transmission aux médecins de l'ASUM 67 de l'information permettant le déclenchement de leurs interventions, il est stipulé expressément que la responsabilité du C.H.R. ne peut, en aucune façon, être recherchée au-delà de cette mission, toutes garanties devront être prises à cet égard par l'ASUM 67. / En cas de litige se référant à la responsabilité spécifique d'un médecin régulateur libéral, celui-ci doit être évoqué au sein du comité de coordination. / L'ASUM produira régulièrement au C.H.R. les justifications d'assurance adéquates. » ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas dénaturé ces stipulations en les interprétant comme mettant à la charge de l'ASUM 67 la responsabilité des actes et décisions des médecins qu'elle met à la disposition du centre de réception et de régulation des appels ; qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit et sans entacher son arrêt d'une contradiction de motifs, que l'ASUM 67 devait garantir le service public hospitalier des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute commise par le médecin d'exercice libéral que cette association avait mis à disposition du centre de réception et de régulation des appels du service d'aide médicale urgente (S.A.M.U.) du Bas-Rhin en qualité de médecin régulateur, sans avoir à rechercher si celui-ci devait être regardé comme un agent public ou comme un collaborateur du service public de l'aide médicale urgente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASUM 67 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à garantir les Hôpitaux universitaires de Strasbourg des trois quarts des condamnations prononcées à leur encontre au profit des consorts A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg ;
Sur le pourvoi provoqué des Hôpitaux universitaires de Strasbourg :
Considérant que, dès lors que les conclusions de la requête de l'ASUM 67 ne sont pas accueillies, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ne sont pas recevables à demander, par la voie de l'appel provoqué, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 16 mars 2004 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à verser diverses indemnités aux consorts A et à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'ASUM 67 la somme de 2 150 euros que demandent les Hôpitaux universitaires de Strasbourg au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67) est rejeté.
Article 2 : L'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67) versera la somme de 2 150 euros aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE SOINS ET D'URGENCES MEDICALES 67 (ASUM 67), aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, à Mme Josiane A, à M. Jean-Claude A et à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg.
Copie pour information en sera adressée à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.