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Conseil d'Etat, 14 juin 1995, M. X. (dépression nerveuse - imputabilité au service - accident du travail)

 

La dépression profonde due aux conditions de travail de l'agent et au grave conflit qui l'a opposé avec son directeur peut être imputable au service et qualifiée d'accident du travail.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 11 décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X. demeurant (...) ; M. X. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 octobre 1991 du ministre de la santé refusant de reconnaître imputable au service sa maladie ayant entraîné son admission d'un congé de longue durée du 30 septembre 1985 au 29 septembre 1986 ;
2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 56-1294 du 14 décembre 1956 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que la décision par laquelle le ministre des affaires sociales et de l'intégration a refusé de reconnaître le caractère de maladie professionnelle à l'affection dont M. X. était atteint constitue une décision faisant grief, susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 : " ...L'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime de pension des agents des collectivités locales" ; qu'aux termes de l'article 21 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : "La demande tendant à ce que la maladie ouvrant droit à congé de longue durée soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice de ses fonctions doit être transmise à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales. L'avis de la commission départementale de réforme ainsi que le dossier qu'elle a examiné sont transmis à l'autorité investie du pouvoir de nomination, qui ne peut prendre sa décision qu'après consultation du comité médical supérieur. Celui-ci se prononce sur les conclusions de la commission de réforme accompagnées des rapports d'enquête et d'expertise ainsi que les observations de l'établissement" ;

Considérant que M. X., directeur adjoint au centre hospitalier spécialisé de Nancy-Laxou (Meurthe et Moselle) depuis le 1er juillet 1983 a été placé en congé de longue durée du 30 septembre 1985 au 30 septembre 1986, date à laquelle il a été réintégré dans ses fonctions ; qu'il a, par la suite, demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie ayant motivé son congé de longue durée ; que la commission départementale de réforme de Meurthe et Moselle et le comité médical supérieur ont lors de leurs séances des 9 juin et 24 octobre 1989 émis des avis défavorables à cette demande ; que par lettre du 21 octobre 1991 le ministre des affaires sociales et de l'intégration a fait connaître à l'intéressé sa décision de rejet de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport des médecins ayant examiné M. X. pendant la durée de son arrêt de travail et de l'un des mémoires produit par l'administration, que l'état dépressif qui a motivé sa mise en congé de longue durée est en relation directe avec le grave conflit qui l'a opposé avec le nouveau directeur de cet établissement et avec les mesures administratives conduisant à la privation de l'essentiel de ses attributions prises par celui-ci à son encontre à cette occasion ; qu'il n'est pas établi qu'aucune prédisposition, ni aucune manifestation pathologique de cette nature avait été décelée antérieurement chez ce fonctionnaire ; que dès lors, M. X. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 21 octobre 1991 du ministre des affaires sociales et de l'intégration ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 6 octobre 1992 du tribunal administratif de Nancy et la décision en date du 21 octobre 1991 du ministre des affaires sociales et de l'intégration sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X. et au ministre de la santé publique et de l'assurance maladie.