REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Claude X, demeurant 2... ; Mme X demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 2 avril 2003 par laquelle la commission d'assimilation des diplômes pour l'accès à la fonction publique hospitalière a rejeté sa demande d'assimilation du diplôme délivré par l'institut des cadres et de promotion sociale de l'école industrielle et commerciale de la ville d'Arlon en Belgique, au diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé délivré en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu les directives communautaires n° 89/48/CE du 21 décembre 1989 et n° 92/51/CE du 18 juin 1992 ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 92-344 du 27 mars 1992 ;
Vu le décret n° 93-652 du 26 mars 1993 ;
Vu le décret n° 94-616 du 21 juillet 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de la directive n° 92/51/CE du Conseil du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, telles qu'interprétées par l'arrêt rendu le 9 septembre 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes, que constitue une profession réglementée au sens de la directive du 18 juin 1992, dont le délai de transposition expirait le 18 juin 1994, toute activité professionnelle qui, quant à ses conditions d'accès ou d'exercice, est directement ou indirectement régie par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives imposant la possession d'un diplôme ; que le décret du 26 mars 1993 subordonne l'accès au cadre d'emplois des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière, dans la spécialité éducateurs spécialisés, à la détention du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé ; qu'en conséquence, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt de manquement du 7 octobre 2004, la profession d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales constitue une profession réglementée au sens de la directive mentionnée ci-dessus ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte également des dispositions de la directive du 18 juin 1992, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, que les Etats membres devaient adopter avant le 18 juin 1994 les mesures nécessaires pour qu'un ressortissant d'un autre Etat membre qui veut exercer, à titre indépendant ou salarié, une profession réglementée dont l'accès est subordonné, dans l'Etat d'accueil, à la possession d'un diplôme, ne se voie pas refuser la possibilité de faire valoir, lorsque la correspondance entre les diplômes délivrés par l'Etat d'accueil et par l'Etat d'origine n'est que partielle, le fait que les connaissances qu'il a acquises, après l'obtention de son diplôme, dans le cadre d'une expérience pratique, complètent suffisamment celles qu'atteste son diplôme étranger ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 juillet 1994 relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours ou examens de la fonction publique hospitalière, de titres ou diplômes délivrés dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen : Lorsque le recrutement par voie de concours ou d'examen dans un corps de la fonction publique hospitalière est subordonné, en application du statut particulier de ce corps à la possession de certains diplômes nationaux, les titres ou diplômes de niveau au moins équivalent délivrés dans un autre Etat membre de la Communauté européenne (...) sont assimilés aux titres ou diplômes nationaux dans les conditions fixées par le présent décret ; que selon l'article 2 du même décret : Les candidats aux concours (...) présentent leur demande d'assimilation à une commission qui est instituée auprès du ministre chargé de la santé ; qu'aux termes de l'article 5 : La commission apprécie le degré des connaissances et des qualifications que le titre ou diplôme présenté permet de présumer chez son titulaire en fonction de la nature et de la durée des études nécessaires, ainsi que, le cas échéant, des formations pratiques dont l'accomplissement était exigé pour l'obtenir (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité française, a, en vue de se présenter au concours de recrutement des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière, demandé à la commission d'assimilation des diplômes pour l'accès à la fonction publique hospitalière l'assimilation de son diplôme d'éducateur spécialisé délivré par l'institut des cadres et de promotion sociale de l'école industrielle et commerciale de la ville d'Arlon (Belgique) avec le diplôme d'Etat français d'éducateur spécialisé dont la possession est nécessaire pour faire acte de candidature au concours en cause ; que l'intéressée avait fait valoir auprès de cette commission qu'elle justifiait d'une expérience professionnelle acquise, postérieurement à l'obtention de ce diplôme, par l'exercice de fonctions d'éducatrice spécialisée au sein d'un établissement médico-social ; que, par la décision attaquée, la commission d'assimilation a estimé que, par application des dispositions précitées du décret du 21 juillet 1994, il ne lui appartenait pas de prendre en compte, pour statuer sur la demande d'assimilation relative au diplôme détenu par Mme X, l'expérience professionnelle acquise par celle-ci postérieurement à l'obtention de ce diplôme ; qu'à la date à laquelle cette décision est intervenue, aucune mesure n'avait été prise par la France visant à atteindre l'objectif rappelé ci-dessus de la directive précitée permettant de prendre en compte dans l'appréciation de l'équivalence des diplômes l'expérience professionnelle acquise postérieurement à la délivrance de ceux-ci ; que, par suite, comme l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt de manquement du 7 octobre 2004, faute de prévoir ainsi un régime permettant de tenir compte, pour se présenter aux concours de la fonction publique hospitalière, des acquis de l'expérience, les dispositions de l'article 5 du décret du 21 juillet 1994 n'étaient pas compatibles avec les objectifs de la directive n° 92-51 du Conseil du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles ; que, dès lors, le refus opposé à Mme X le 2 avril 2003 par la commission d'homologation des diplômes de la fonction publique hospitalière, fondé sur les dispositions de cet article ainsi entaché d'illégalité, est lui-même illégal et doit, pour ce motif, être annulé ;
DECIDE :
Article 1er : La décision du 2 avril 2003 de la commission d'assimilation des diplômes de la fonction publique hospitalière rejetant la demande de Mme X est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Claude X, au ministre de la santé et des solidarités et au ministre de la fonction publique.