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Conseil d’État, 17 juin 2015, n°385924 (Secret médical – Respect – Confidences à un médecin)

Le Conseil d’Etat rappelle que les confidences sur son état de santé faites à un ami médecin sont couvertes par le secret professionnel, même si ce dernier n’est pas en charge du suivi médical. En l’espèce, le Conseil d’Etat confirme la décision de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins d’infliger au Dr X la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois à compter du 1er janvier 2015.

Les faits étaient les suivants : Mme Y s’était rendue le 23 décembre 2011 au cabinet médical commun au Dr X et Z pour consulter cette dernière. En attendant la consultation, elle s’est trouvée, dans le secrétariat commun du cabinet, en présence du Dr X à qui elle a confié les résultats d’un examen gynécologique qu’elle venait de subir et qui motivait sa visite. Quelques jours après cet échange, le Dr X a informé un proche de Mme Y des résultats de l’examen dont celle-ci lui avait fait part.

Le Conseil d’Etat indique que « en jugeant que le secret médical couvrait ces informations confiées à M. X en tant que médecin, même s’il n’était pas le médecin habituel de Mme Y, et que ce dernier avait par suite, en les révélant à un tiers, méconnu l’obligation de secret instituée par les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale n’a pas commis d’erreur de droit ».

 

Conseil d'État

N° 385924   

4ème SSJS

M. David Moreau, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public

SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT, avocats

lecture du mercredi 17 juin 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire a transmis à la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Rhône Alpes, en s'y associant, la plainte déposée par Mme Y. à l'encontre de M. X. Par une décision du 23 janvier 2013, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté ces plaintes.

Par une décision n° 11888 du 24 septembre 2014, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a, sur appel du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l'ordre des médecins, d'une part, de Mme Y., d'autre part, annulé cette décision et infligé à M. X. la peine de l'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois à compter du 1er janvier 2015.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 24 novembre 2014, 22 décembre 2014 et 18 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. X. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge solidaire du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire et du Conseil national de l'ordre des médecins et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de Mme Y. ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations non contestées de la décision attaquée que Mme Y. s'est rendue le 23 décembre 2011 au cabinet médical commun à M. X. et Mme Z. pour consulter cette dernière ; qu'en attendant la consultation elle s'est trouvée, dans le secrétariat commun du cabinet, en présence de M. X. à qui elle a confié les résultats d'un examen gynécologique qu'elle venait de subir et qui motivait sa visite ; qu'il ressort des mêmes énonciations que, quelques jours après cet échange, M. X. a informé un proche de Mme Y. des résultats de l'examen dont celle-ci lui avait fait part, en vue de l'inviter à se faire soigner lui aussi ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : " Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4127-4 du même code : " Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris " ; que le secret institué par ces dispositions s'étend à toute information de caractère personnel confiée à un praticien par son patient ou vue, entendue ou comprise par le praticien dans le cadre de son exercice ;

3. Considérant que la chambre disciplinaire nationale n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que Mme Y. s'était adressée à M. X. en sa qualité de médecin, alors même qu'il avait des relations amicales anciennes avec Mme Y., que leur échange avait eu lieu en dehors de son cabinet et que celle-ci n'était pas venue le consulter ;

4. Considérant qu'il résulte, dès lors, de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'en jugeant que le secret médical couvrait ces informations confiées à M. X. en tant que médecin, même s'il n'était pas le médecin habituel de Mme Y, et que ce dernier avait par suite, en les révélant à un tiers, méconnu l'obligation de secret instituée par les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, la chambre disciplinaire nationale n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant enfin que, alors même que M. X. aurait eu une intention prophylactique en communiquant ces informations et que Mme Y. les aurait elle-même révélées à d'autres tiers, la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois prononcée à son encontre n'est pas hors de proportion avec les faits retenus ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. X. doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. X. la somme que demande Mme Y. au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. X. est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme Y. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X., à Mme Y., au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Loire et au Conseil national de l'ordre des médecins.