Le 1er décembre 2005, Madame D est admise sur sa demande en hospitalisation libre au sein d'un centre hospitalier spécialisé. Le 3 décembre, elle bénéficie d'une permission de sortie pour regagner son domicile. Dans la nuit du 3 au 4 décembre, après son retour dans l'établissement de santé, elle s'est pendue au pied de son lit à l'aide d'un foulard. Ses ayants droits ont recherché la responsabilité du centre hospitalier pour fautes commises lors du diagnostic et la surveillance de la patiente. Le Tribunal administratif d'Amiens puis la Cour administrative d'appel de Douai ont rejeté ces demandes. Le Conseil d'Etat rejette également le pourvoi formé par les ayants droits de Mme D en considérant que "la Cour a apprécié le caractère adapté de l'ensemble de la prise en charge de Madame D. et a notamment estimé que les conditions dans lesquelles le diagnostic avait été établi n'étaient pas fautives". La Cour administrative d'appel de Douai avait notamment relevé que "si Madame D. avait fait état d'idées suicidaires lors de son admission, elle n'avait effectué par le passé aucune tentative de suicide malgré un contexte dépressif ancien, qu'aucun signe d'aggravation de son état n'avait été constaté au cours des deux premiers jours de son hospitalisation et qu'aucun comportement anormal de nature à laisser présager une situation d'urgence suicidaire n'avait été décelé par son époux lors de son retour dans sa famille le 3 décembre 2005, ni par le personnel soignant lorsqu'elle avait regagné l'hôpital, la cour a retenu que le centre hospitalier spécialisé n'avait commis de faute ni dans le choix thérapeutique, en ce qui concernait le régime de l'hospitalisation et les médicaments prescrits, ni dans l'organisation et le fonctionnement du service (…)". |
Conseil d'État
N° 341343
Inédit au recueil Lebon 5ème sous-section jugeant seule
Mme Sylvie Hubac, président
M. Emmanuel Vernier, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public
LE PRADO ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats
lecture du lundi 17 octobre 2011
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 8 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roland A, demeurant ... et M. Joël A, demeurant au ... ; MM. Roland et Joël A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09DA00013 du 11 mai 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 0603097 du 27 novembre 2008 du tribunal administratif d'Amiens rejetant leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé interdépartemental de Clermont de l'Oise à leur verser, respectivement, les sommes de 10 000 euros et 7 500 euros en réparation du préjudice résultant du décès de Mme Michèle C épouse D ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge du centre hospitalier spécialisé interdépartemental de Clermont de l'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Vernier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. Roland A et de M. Joël A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. Roland A et de M. Joël A et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 1er décembre 2005, Mme Michèle D a été admise sur sa demande en hospitalisation libre au centre hospitalier spécialisé interdépartemental de Clermont de l'Oise ; que, le 3 décembre 2005, elle a bénéficié d'une permission de sortie pour regagner son domicile ; que, dans la nuit du 3 au 4 décembre 2005, après son retour dans l'établissement, elle s'est pendue au pied de son lit à l'aide d'un foulard ; que M. Roland D, son époux, M. Joël D, son fils, Mme Simone C et Mme Josiane C épouse Gasnier, ses soeurs, ont recherché la responsabilité du centre hospitalier et sollicité diverses indemnités au titre de faute commises dans le diagnostic et la surveillance de la patiente ; que ces demandes ont été rejetées par un jugement du 27 novembre 2008 du tribunal administratif d'Amiens, confirmé par un arrêt du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Douai contre lequel M. Roland A et M. Joël A se pourvoient en cassation ;
Considérant, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans commettre de dénaturation que la cour administrative d'appel, qui n'était pas tenue de motiver sa décision sur ce point, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de désigner un expert ni d'ordonner la production par le centre hospitalier de documents médicaux qui seraient demeurés en sa possession ;
Considérant, en second lieu, qu'après avoir relevé que si Mme D avait fait état d'idées suicidaires lors de son admission, elle n'avait effectué par le passé aucune tentative de suicide malgré un contexte dépressif ancien, qu'aucun signe d'aggravation de son état n'avait été constaté au cours des deux premiers jours de son hospitalisation et qu'aucun comportement anormal de nature à laisser présager une situation d'urgence suicidaire n'avait été décelé par son époux lors de son retour dans sa famille le 3 décembre 2005, ni par le personnel soignant lorsqu'elle avait regagné l'hôpital, la cour a retenu que le centre hospitalier spécialisé intercommunal de Clermont de l'Oise n'avait commis de faute ni dans le choix de la méthode thérapeutique, en ce qui concernait le régime de l'hospitalisation et les médicaments prescrits, ni dans l'organisation et le fonctionnement du service ; que la cour a ainsi apprécié le caractère adapté de l'ensemble de la prise en charge de Mme D et a notamment estimé que les conditions dans lesquelles le diagnostic avait été établi n'étaient pas fautives ; qu'elle a pris parti sur l'ensemble des moyens qui lui était soumis et n'était pas tenue de se prononcer sur chaque argument invoqué à leur soutien ; que le fait qu'elle n'a pas expressément répondu à un argument fondé sur des recommandations de la Haute autorité de santé n'implique pas qu'elle ait refusé par principe de tenir compte de telles recommandations ; qu'elle ne s'est pas bornée à déduire l'absence de faute du centre hospitalier de l'absence de dégradation de l'état de santé de Mme D au cours des deux premiers jours de son hospitalisation ; qu'en écartant, au vu des éléments qu'elle avait relevés, la responsabilité de l'établissement, elle n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée et n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MM. Roland et Joël A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt du 11 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Douai ; que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient, par suite, être accueillies ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des consorts A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Roland A, M. Joël A et au centre hospitalier spécialisé interdépartemental de Clermont de l'Oise.