REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 décembre 1983 et 20 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., demeurant (...) et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 octobre 1983 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à ce que fussent déclarés illégaux, d'une part, l'arrêté du 11 mars 1977 du maire de Trappes prononçant la séquestration provisoire de M. X., et, d'autre part, l'arrêté du 15 mars 1977 du préfet des Yvelines par lequel M. X. a été placé d'office à l'hôpital psychiatrique Marcel Rivière, de la Verrière (Yvelines) ;
2°) déclare illégales ces deux décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de M. X.,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de l'association "Groupe information asiles" :
Considérant que l'association "Groupe information asiles" a intérêt à ce que les décisions contestées par M. X. soient déclarées illégales ; qu'ainsi son intervention à l'appui de la requête de M. X. est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 11 mars 1977 du maire de Trappes :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 344 du code de la santé publique : "En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes ordonneront, à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statuera sans délai" ;
Considérant que l'arrêté du maire de Trappes en date du 11 mars 1977 ordonnant l'internement provisoire de M. X. à l'hôpital psychiatrique de La Verrière mentionne que l'intéressé est atteint d'une affection caractérisée par des actes de nature à compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes ; qu'il se réfère aux témoignages recueillis, ainsi qu'à un certificat médical établi le 9 mars 1977 ;
Considérant qu'en l'absence même de témoignages valant notoriété publique, le certificat médical auquel se réfère l'arrêté attaqué atteste que l'état de santé de M. X. nécessitait des soins d'urgence en hôpital psychiatrique, et précise expressément que l'intéressé était "dangereux pour lui-même et pour autrui" ; que l'arrêté du maire de Trappes satisfait ainsi aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 344 du code de la santé publique ;
Considérant, enfin, que si le juge administratif est compétent pour connaître de la régularité d'une décision administrative ordonnant un internement provisoire dans un hôpital psychiatrique, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'apprécier la nécessité de cette mesure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Trappes du 11 mars 1977 ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 15 mars 1977 du préfet des Yvelines :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 343 du code de la santé publique : "A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les préfets ordonneront d'office le placement, dans un établissement d'aliénés, de toute personne interdite ou non interdite, dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté des personnes. Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les auront rendus nécessaires ..." ;
Considérant que l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 15 mars 1977 prononçant le placement d'office de M. X. à l'hôpital psychiatrique de La Verrière porte que l'intéressé est atteint d'une affection mentale caractérisée par des actes de nature à compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, en se référant à un certificat médical ;
Considérant toutefois que ledit certificat, s'il atteste que l'état de santé de l'intéressé nécessite des soins d'urgence en hôpital psychiatrique et affirme que M. X. est dangereux pour lui-même et pour autrui, ne comporte aucune description précise de l'état mental du requérant ; qu'ainsi l'arrêté du préfet des Yvelines ne satisfait pas à l'exigence de motivation énoncée par les dispositions précitées de l'article L. 343 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 15 mars 1977 fût déclaré illégal ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association "Groupe information asiles" est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 octobre 1983 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X. tendant à ce que l'arrêté du préfet des Yvelines du 15 mars 1977 fût déclaré illégal.
Article 3 : Il est déclaré que l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 15 mars 1977, ordonnant le placement d'office de M. X., est entaché d'illégalité.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X., au maire de Trappes, au préfet des Yvelines et au ministre de l'intérieur.