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Conseil d'Etat, 18 octobre 2002, M. X. (aide médicale)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 13 avril et 13 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., ; M. X. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 13 mars 2000 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a rejeté sa requête dirigée contre la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Côte d'Or en date du 9 juillet 1997 lui refusant le bénéfice de l'aide médicale pour la prise en charge des frais relatifs à plusieurs hospitalisations au cours de l'année 1994 au centre hospitalier régional de Dijon ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. de la Ménardière, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. X.,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour rejeter la demande par laquelle M. X. demandait l'annulation de la décision en date du 9 juillet 1997 de la commission départementale d'aide sociale de la Côte d'Or confirmant le refus de la commission d'admission de lui accorder le bénéfice de l'aide médicale pour ses hospitalisations au centre hospitalier régional de Dijon pendant l'année 1994, la commission centrale d'aide sociale a jugé que le requérant n'avait présenté ni devant la commission départementale ni devant la commission centrale de l'aide sociale les renseignements permettant d'établir l'insuffisance de ses ressources ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond auxquelles il appartenait à ceux-ci de se référer, et notamment du mémoire présenté le 10 avril 1998 par le département de la Côte d'Or devant la commission centrale d'aide sociale que le père de M. X., âgé de 20 ans à la date des faits, était bénéficiaire de l'aide sociale et que les deux demandes de regroupement familial présentées pour son fils n'ont pas abouti " faute de justifier de ressources suffisantes " et, enfin, que la famille de M. X. a obtenu sa mise sous tutelle qui a été " confiée à un frère de l'intéressé, M. Z., lui-même bénéficiaire de l'aide sociale " ; que, par conséquent, la commission centrale d'aide sociale a dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'elle ne disposerait pas d'éléments de nature à établir l'insuffisance des ressources de M. X..., de son père et de sa famille ; que sa décision doit, pour ce motif, être annulée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, pour l'application des dispositions du code de la famille et de l'aide sociale relatives à l'admission au bénéfice de l'aide médicale, il appartient aux juridictions de l'aide sociale de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de la demande, d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie au jour de leur propre décision, en se conformant aux dispositions législatives et réglementaires qui déterminent l'étendue du droit des intéressés au bénéfice de cette prestation, dans leur rédaction en vigueur à la date d'ouverture de ce droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article 186 du code de la famille et de l'aide sociale, applicable en l'espèce : " Les personnes de nationalité étrangère bénéficient ( ...) 3° de l'aide médicale en cas de soins dispensés par un établissement de santé ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 187-1 du même code, " Sous réserve des dispositions de l'article 186, toute personne résidant en France a droit, pour elle-même et les personnes à sa charge au sens des articles L. 161-14 et L. 313-3 du code de la sécurité sociale, à l'aide médicale pour les dépenses de soins qu'elle ne peut supporter. Cette aide totale ou partielle est attribuée en tenant compte des ressources du foyer du demandeur, à l'exclusion de certaines prestations à objet spécialisé, ainsi que de ses charges " ;

Considérant, d'une part, qu'il ne résulte ni de ces dispositions ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que la situation irrégulière d'un étranger puisse faire obstacle, dès lors qu'est établie l'insuffisance de ses ressources, à son droit de bénéficier de l'aide médicale en milieu hospitalier ;

Considérant, d'autre part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'insuffisance des ressources de M. X. et de sa famille résulte des pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. X. est fondé à soutenir que c'est à tort que la commission départementale d'aide sociale de la Côte d'Or a refusé de l'admettre au bénéfice de l'aide sociale au motif que l'intéressé, de nationalité marocaine, serait venu en France et y séjournerait irrégulièrement pour des raisons médicales, d'autre part, qu'il y a lieu d'admettre celui-ci au bénéfice de l'aide médicale pour ses hospitalisations au centre hospitalier régional de Dijon qui ont eu lieu au cours de l'année 1994 ;

Sur les conclusions de M. X. tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces conclusions sont dirigées contre l'Etat qui n'est pas partie à l'instance ; qu'ainsi, et en tout état de cause, elles ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :
Article 1er : La décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 13 mars 2000 et la décision en date du 9 juillet 1997 de la commission départementale d'aide sociale de la Côte d'Or sont annulées.
Article 2 : M. X. est admis au bénéfice de l'aide médicale pour ses hospitalisations au centre hospitalier régional de Dijon au cours de l'année 1994.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X. est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X., au président du conseil général de la Côte d'Or et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.