Le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre le décret n°2018-596 du 10 juillet 2018 relatif à l’établissement des listes nominatives des infirmiers et des pédicures-podologues salariés en vue de leur inscription au tableau de l’ordre.
Le Conseil, dans une décision du 19 décembre 2019, rappelle l’obligation pour les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation d’exercice de la profession d’infirmier, de se faire enregistrer auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin avant leur entrée dans la profession. Il rappelle également que l’ordre national des infirmiers peut obtenir communication des listes nominatives des infirmiers employés par des structures publiques ou privées directement auprès de celles-ci.
Les requérants soulèvent le moyen selon lequel le décret aurait méconnu les dispositions de l’article L. 4311-15 du code de la santé publique en prévoyant la transmission aux autorités ordinales par les employeurs des infirmiers des données nominatives les concernant. Le Conseil écarte ce moyen en rappelant qu’il convient de distinguer l’enregistrement des professionnels de santé (RPSS ou ADELI) de la procédure d’inscription au tableau de l’ordre qui permet à l’ordre national des infirmiers d’obtenir communication des listes nominatives des infirmiers employés par des structures publiques ou privées directement auprès de celles-ci.
Les requérants soutenaient également que l’obligation faite par la loi à tous les infirmiers d’adhérer à l’ordre national des infirmiers serait contraire aux stipulations de l’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d’association. Le Conseil rejette ce moyen car chaque médecin conserve la possibilité de créer des associations professionnelles ou d’y adhérer ; le décret n’a ainsi pas méconnu ces stipulations en prévoyant leur inscription provisoire d’office au tableau de l’ordre, sans que les intéressés aient été consultés.
Par ailleurs, les requérants soulèvent le moyen selon lequel l’échange de données entre les employeurs des infirmiers et l’ordre des infirmiers, sans que les intéressés puissent s’y opposer, constitue une ingérence excessive dans le droit de ces derniers au respect de leur vie privée, protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Sur ce point, le Conseil déclare que la communication de ces pièces est nécessaire pour permettre à l’ordre d’exercer ses missions légales et que toutes les conditions étaient remplies pour garantir leur confidentialité.
Les requérants relèvent enfin que certaines données ne sont pas nécessaires à la tenue des listes des professionnels de santé sur lesquelles elles portent. Le Conseil déclare que leur communication est justifiée par la nécessité d’éviter des erreurs dans l’identification des professionnels de santé et de permettre aux autorités ordinales de procéder à leur inscription provisoire.
Le Conseil rejette donc la requête et déclare que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret.