Le Conseil d'Etat renvoie, pour son caractère sérieux, au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, à la demande d'une banque privée de sang de cordon. La QPC porte plus précisément sur l'article L. 1241-1 alinéa 4 du code de la santé publique qui n'autorise le prélèvement de cellules issues du sang de cordon et du placenta qu'à des fins scientifiques ou thérapeutiques en vue d'un don anonyme et gratuit, et auquel la femme enceinte doit consentir expressément. Une dérogation est cependant prévue par la loi : le prélèvement "peut être dédié à l'enfant né ou aux frères ou sœurs de cet enfant en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement". Le Conseil d'Etat considère qu'il revient au Conseil constitutionnel de déterminer si "en interdisant aux parents de conserver le sang placentaire de leur enfant et en subordonnant son utilisation au sein de la fratrie au constat d'une nécessité thérapeutique existant à la date de la naissance", ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de liberté et au droit à la protection de la santé. Le Conseil constitutionnel devrait rendre sa décision dans les trois mois. |
Conseil d'État
N° 348764
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Didier-Roland Tabuteau, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
lecture du lundi 19 mars 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1° sous le n° 348764, le mémoire, enregistré le 17 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la SOCIETE CRYO-SAVE FRANCE, dont le siège est 97, allée Alexandre Borodine, parc technologique de Lyon Saint-Priest, Wood Bâtiment Cèdre 1 à Saint-Priest (69800), représentée par son président, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SOCIETE CRYO-SAVE FRANCE demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la santé rejetant sa demande d'abrogation de la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux modalités d'application de l'arrêté fixant le contenu du dossier accompagnant la demande d'autorisation ou la demande de renouvellement d'autorisation d'effectuer des prélèvements de cellules à des fins thérapeutiques, en tant qu'elles soumettent l'activité de prélèvement du sang de cordon à une autorisation préalable et édictent une interdiction d'utilisation des cellules souches issues du sang de cordon, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du quatrième alinéa de l'article L. 1241-1 du code de la santé publique résultant de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 ;
Vu, 2° sous le n° 348765, le mémoire, enregistré le 17 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la même société en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; elle demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la santé rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté du 14 septembre 2009 en tant qu'il soumet l'activité de prélèvement du sang de cordon à une autorisation préalable et édicte une interdiction d'utilisation des cellules souches issues du sang de cordon, de renvoyer au Conseil constitutionnel la même question que sous le n° 348764 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 1241-1 ;
Vu la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier-Roland Tabuteau, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
Considérant que les mémoires de la société requérante, enregistrés sous les n°s 348764 et 348765, soulèvent la même question prioritaire de constitutionnalité ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que le quatrième alinéa ajouté à l'article L. 1241-1 du code de la santé publique par la loi du 7 juillet 2011, qui limite le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire ainsi que de cellules du cordon et du placenta à des fins scientifiques ou thérapeutiques, en vue d'un don anonyme et gratuit, et ne prévoit de dérogation au caractère anonyme du don, au bénéfice de l'enfant né ou des frères ou soeurs de cet enfant, qu'en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement, est applicable aux présents litiges au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que les dispositions de cet alinéa n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe de liberté et au droit à la protection de la santé, en interdisant aux parents de conserver le sang placentaire de leur enfant et en subordonnant son utilisation au sein de la fratrie au constat d'une nécessité thérapeutique existant à la date de la naissance, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du quatrième alinéa de l'article L. 1241-1 du code de la santé publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes de la SOCIETE CRYO-SAVE FRANCE jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CRYO-SAVE FRANCE.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.