En 2005, des époux ont saisi un centre hospitalier d’une demande tendant à l’indemnisation des préjudices résultant du syndrome de Vacterl dont est atteinte leur fille, née avec ce handicap en 1995. Le centre hospitalier a opposé la prescription quadriennale à la demande des époux. S’agissant de la régularité de l’arrêt d’appel rejetant la requête du centre hospitalier tendant à l’annulation du jugement ayant annulé sa décision, le Conseil d’Etat considère « qu'en indiquant qu'elle prenait en compte les malformations ou aggravations de malformations survenues postérieurement à la naissance de la jeune Pauline A, la cour a suffisamment précisé le motif pour lequel elle a jugé que le point de départ du délai de prescription quadriennale courait non pas à compter de la naissance de l'enfant ou de la date à laquelle ses parents ont été informés du syndrome de Vacterl dont elle était atteinte mais à compter de la date de consolidation de son état de santé ; qu'en indiquant que l'application des dispositions de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, codifiées ensuite à l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, serait en tout état de cause sans incidence sur la question de la prescription, elle a suffisamment répondu au moyen que le centre hospitalier tirait de ces dispositions ».
Conseil d’État
N° 331225
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
M. Olivier Rousselle, rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocat(s)
lecture du mercredi 1 juin 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 27 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS, dont le siège est à Saint-Girons (09200) ; le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 07BX00470 du 30 juin 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 06424 du 19 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 5 décembre 2005 opposant la prescription de la créance dont se prévalent M. et Mme A ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS ;
Considérant que le mémoire présenté par M. et Mme A sans le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, alors que les intéressés ont été informés de l’obligation de recourir à ce ministère, doit être écarté des débats ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, agissant en son nom personnel et au nom de sa fille Pauline, a saisi le 11 mai 2005 le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE COUSERANS d’une demande tendant à l’indemnisation des préjudices résultant du syndrome de Vacterl dont est atteinte sa fille, née avec ce handicap le 16 juin 1995 ; que le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 30 juin 2009 qui a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 19 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 5 décembre 2005 par laquelle il avait opposé la prescription quadriennale des créances de la mère et de l’enfant ;
Sur la régularité de l’arrêt attaqué :
Considérant que, si la cour s’est notamment fondée sur un rapport médical établi à la demande de M. et Mme A, elle n’a pas méconnu le principe du contradictoire dès lors que cette pièce a été versée au dossier et communiquée aux parties qui ont pu ainsi utilement en débattre ;
Considérant qu’en indiquant qu’elle prenait en compte les malformations ou aggravations de malformations survenues postérieurement à la naissance de la jeune Pauline A, la cour a suffisamment précisé le motif pour lequel elle a jugé que le point de départ du délai de prescription quadriennale courait non pas à compter de la naissance de l’enfant ou de la date à laquelle ses parents ont été informés du syndrome de Vacterl dont elle était atteinte mais à compter de la date de consolidation de son état de santé ; qu’en indiquant que l’application des dispositions de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, codifiées ensuite à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, serait en tout état de cause sans incidence sur la question de la prescription, elle a suffisamment répondu au moyen que le centre hospitalier tirait de ces dispositions ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :
En ce qui concerne le moyen relatif à la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE COUSERANS s’est fondé, pour contester devant la cour administrative d’appel la recevabilité de la demande de première instance dirigée contre la décision du 5 décembre 2005 opposant la prescription quadriennale à la créance dont se prévalent les époux A, sur la circonstance que cette décision ne constituait qu’une décision confirmative d’une décision implicite de rejet de la demande indemnitaire du 11 mai 2005 que les époux A n’ont pas contestée dans le délai de recours contentieux ; que cette décision implicite de rejet n’ayant pas acquis de caractère définitif, la cour n’a dès lors pas commis d’erreur de droit en jugeant que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS sur la demande d’indemnité que Mme A lui avait adressée le 11 mai 2005 n’avait pas fait courir le délai du recours contentieux et que la demande en excès de pouvoir, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 2 février 2006, tendant à l’annulation de la décision du 5 décembre 2005 par laquelle le centre hospitalier a opposé la prescription quadriennale, n’était par suite pas tardive ;
En ce qui concerne les moyens relatifs à la prescription :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai, et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public ;
Considérant que, quel que soit le régime de responsabilité applicable, le point de départ du délai de prescription quadriennale prévu par la loi du 31 décembre 1968, applicable à une action en responsabilité en vue d’obtenir réparation tant pour la victime d’un dommage corporel que pour ses parents des préjudices physiques ou moraux qu’ils ont subis, est le premier jour de l’année suivant celle de la consolidation des infirmités liées à ce dommage ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le point de départ du délai de prescription quadriennale applicable aux créances dont se prévalent les consorts A est la date de consolidation des infirmités liées au syndrome de Vacterl dont est atteinte la jeune Pauline A née avec ce handicap ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la cour aurait mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS la charge de la preuve de l’absence de consolidation de l’état de l’enfant manque en fait ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Frédéric A et Mme Françoise A, à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège et au CENTRE HOSPITALIER ARIEGE-COUSERANS.