En l’espèce, deux associations ont introduit un recours en annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2011-76 du 19 janvier 2011 relatif au caractère de gravité des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales prévu à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Le Conseil d’Etat estime que les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique n’ont prévu la réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices résultant d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale que lorsqu'ils présentent un caractère de gravité. Il rejette ainsi la demande de ces associations en considérant que « le législateur, en renvoyant au décret la détermination des éléments à prendre en compte pour mesurer cette gravité, a entendu que le pouvoir réglementaire fixe, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, non seulement, aux termes d'une énumération non limitative, la durée de ses effets, mais aussi son intensité ; que, par suite, en choisissant d'exprimer ce seuil de gravité sous la forme d'un taux, le pouvoir réglementaire n'a méconnu ni les dispositions du II de l'article L. 1142-1, ni l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la norme, ni le principe de sécurité juridique, ni le principe d'égalité ».
Conseil d'État
N° 347609
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
Mme Dominique Versini-Monod, rapporteur
Mme Claire Landais, rapporteur public
Lecture du vendredi 2 décembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FNATH, ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE, dont le siège est 42, rue des Alliés à Saint-Etienne (42000) et l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF), dont le siège est 17, boulevard Auguste Blanqui à Paris (75013), représentées par leurs présidents ; la FNATH et l'APF demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-76 du 19 janvier 2011 relatif au caractère de gravité des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales prévu à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, modifié notamment par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;
Vu la loi n° 2011-940 du 10 août 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Versini-Monod, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
Considérant que, selon le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle (...) , que, alors qu'il était auparavant précisé que ces derniers éléments devaient être mesurés en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail , il résulte de la modification apportée à ces dispositions par l'article 112 de la loi du 12 mai 2009 qu'ils doivent désormais l'être en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret attaqué du 19 janvier 2011, pris pour l'application de ces dispositions : (...) Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) ; que les associations requérantes demandent l'annulation de ce décret, en tant qu'il subordonne la prise en compte des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire à la condition que ce déficit soit supérieur ou égal à un taux de 50 % ;
Considérant que les dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 n'ont prévu la réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices résultant d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale que lorsqu'ils présentent un caractère de gravité ; que le législateur, en renvoyant au décret la détermination des éléments à prendre en compte pour mesurer cette gravité, a entendu que le pouvoir réglementaire fixe, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, non seulement, aux termes d'une énumération non limitative, la durée de ses effets, mais aussi son intensité ; que, par suite, en choisissant d'exprimer ce seuil de gravité sous la forme d'un taux, le pouvoir réglementaire n'a méconnu ni les dispositions du II de l'article L. 1142-1, ni l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la norme, ni le principe de sécurité juridique, ni le principe d'égalité ;
Considérant par ailleurs que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient celles de la loi du 10 août 2011 modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui est, en toute hypothèse, postérieure au décret attaqué, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FNATH et l'APF ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret attaqué ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être écartées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la FNATH, ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE et de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FNATH, ASSOCIATION DES ACCIDENTES DE LA VIE, à l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF), au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.