Le poste d’un praticien hospitalier à temps partiel au sein d’un centre hospitalier ayant été supprimé, le médecin a été placé en disponibilité d’office. Après deux renouvellements de sa mise en disponibilité d’office, un licenciement sans indemnité a été décidé ; le praticien a saisi la juridiction administrative afin de contester la décision lui refusant une indemnité de licenciement. Alors que le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel ont rejeté sa demande, le Conseil d’Etat a considéré que ce praticien avait droit au versement d’une indemnité de licenciement dans la mesure où le centre hospitalier ne lui avait pas présenté trois propositions de poste. En l’espèce la Haute juridiction administrative prend soin de préciser que le centre hospitalier ne pouvait se dispenser de son obligation de versement de l’indemnité de licenciement que dans l’hypothèse où le praticien avait refusé trois propositions de poste à l’issue de sa période de disponibilité.
Conseil d'État
1ère et 6ème sous-sections réunies
N° 309035
Inédit au recueil Lebon
M. Daël, président
M. Alain Boulanger, rapporteur
M. Derepas Luc, commissaire du gouvernement
SCP RICHARD ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY, avocats
Lecture du mardi 21 juillet 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 3 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 21 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 décembre 2005 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur du centre hospitalier de Rethel sur sa demande de versement d'une indemnité de licenciement à la fin de la période de mise en disponibilité dans laquelle il avait été placé à la suite de la suppression du poste de praticien à temps partiel du service d'ophtalmologie de ce centre hospitalier et à la condamnation du centre hospitalier à lui payer la somme de 30 288 euros avec les intérêts de droit et les intérêts capitalisés ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Rethel la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment son article 1154 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 85-384 du 29 mars 1985 ;
Vu l'arrêté du 3 mars 1997 relatif aux émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux et pharmaceutiques exerçant leurs fonctions à temps plein ou à temps partiel dans les établissements publics de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Richard, avocat de M. A et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du groupe hospitalier Sud-Ardennes venant aux droits du centre hospitalier de Rethel,
- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Richard, avocat de M. A et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du groupe hospitalier Sud-Ardennes venant aux droits du centre hospitalier de Rethel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 60 du décret du 29 mars 1985 portant statut des praticiens hospitaliers exerçant leur activité à temps partiel dans les établissements d'hospitalisation publics, alors en vigueur : En cas de suppression de son poste, le praticien à temps partiel en est averti six mois à l'avance. A l'issue de cette période, il peut être soit pourvu d'une autre affectation, soit placé d'office en disponibilité, soit licencié avec indemnité, dans les conditions fixées à l'article 59 ; que cet article renvoie à l'article 41 du même décret, lequel fixe à une année, renouvelable à deux reprises, la durée de la disponibilité d'office ; qu'aux termes des deux derniers alinéas de l'article 43 du même décret : A l'issue de sa disponibilité, le praticien est réintégré dans les conditions fixées à l'article 39./ Au cas où, à l'expiration d'une période de disponibilité, un praticien n'a ni repris ses fonctions ni obtenu une prolongation de disponibilité, il est licencié sans indemnité ; qu'enfin, aux termes de l'article 39 de ce décret : Le praticien détaché qui, ayant sollicité sa réintégration, refuse trois propositions de poste à l'issue de la procédure de mutation, peut être licencié sans indemnité (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue, au terme de la période de disponibilité dans laquelle elle a placé un praticien, soit de le réintégrer, soit de prolonger la période de disponibilité, sans que sa durée totale puisse excéder trois années, soit de le licencier ; que, dans les cas où elle choisit de licencier le praticien ou ne lui propose pas de poste ou encore un nombre de postes inférieur à trois qu'il n'accepte pas, elle est tenue de lui verser une indemnité de licenciement ; qu'elle ne peut se dispenser de cette obligation de versement que dans le cas où le praticien refuse trois propositions de poste à l'issue de sa période de disponibilité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, praticien des hôpitaux à temps partiel, a été mis en disponibilité d'office pour une durée d'un an renouvelée à deux reprises, sur le fondement des dispositions de l'article 60 du décret du 29 mars 1985, à la suite de la suppression de son poste à temps partiel au centre hospitalier de Rethel, puis licencié à l'issue de cette période ; que, pour juger que ce licenciement n'ouvrait à l'intéressé aucun droit à indemnité, la cour administrative d'appel de Nancy s'est bornée à relever qu'il était intervenu en application de l'article 43 de ce décret ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les conditions auxquelles les dispositions de cet article subordonnent la possibilité pour l'administration de priver le praticien licencié d'une indemnité de licenciement étaient remplies et, en particulier, si l'administration avait formulé trois propositions d'emploi, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que M. A, qui avait contesté devant la juridiction administrative la décision le plaçant en disponibilité d'office, doit être regardé comme ayant sollicité sa réintégration au sens des dispositions de l'article 39 précité du décret du 29 mars 1985 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que trois propositions de poste lui ont été faites avant qu'il soit procédé à son licenciement à compter du 17 octobre 2000 ; qu'ainsi, le centre hospitalier ne pouvait légalement refuser de lui verser une indemnité de licenciement en application des dispositions de l'article 60 du même décret ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a servi en qualité de praticien hospitalier à temps partiel au centre hospitalier de Rethel à compter du mois d'octobre 1981 ; qu'il a été promu au 8ème échelon de ce grade à compter du 15 juillet 1996 ; qu'en application des dispositions combinées, alors en vigueur, de l'article 59 du décret du 29 mars 1985 et de l'annexe V de l'arrêté du 3 mars 1997 relatif notamment aux émoluments des personnels médicaux des établissements publics de santé, son droit à indemnité de licenciement s'élevait au 17 octobre 2000 au montant, au demeurant non contesté par le centre hospitalier, de 198 678 F (30 288 euros) ; que M. A est ainsi fondé à demander la condamnation du centre hospitalier au versement de cette somme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur du centre hospitalier de Rethel sur sa demande d'indemnité de licenciement formée le 3 avril 2001, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de licenciement de 30 288 euros ;
Considérant que M. A a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter de la date de réception par le centre hospitalier de Rethel de sa demande du 3 avril 2001 ; qu'à la date du 14 février 2006, à laquelle il a présenté devant la cour administrative d'appel de Nancy des conclusions à fin de capitalisation des intérêts, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, tant à compter de cette date qu'à chaque échéance annuelle ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du groupe hospitalier Sud-Ardennes, venant aux droits du centre hospitalier de Rethel, le versement à M. A d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le groupe hospitalier Sud-Ardennes ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 21 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Nancy et le jugement du 13 décembre 2005 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés.
Article 2 : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur du centre hospitalier de Rethel sur la demande d'indemnité de licenciement formée par M. A le 3 avril 2001 est annulée.
Article 3 : Le groupe hospitalier Sud-Ardennes est condamné à verser à M. A une indemnité de licenciement de 30 288 euros, avec intérêt de droit à compter de la date de réception de sa demande du 3 avril 2001. Les intérêts de cette somme échus le 14 février 2006 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le groupe hospitalier Sud-Ardennes versera à M. A une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Guy A et au groupe hospitalier Sud-Ardennes.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la santé et des sports.