En l'espèce, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle, M. X a subi deux injections d'un vaccin anti-hépatite B en décembre 1994 et février 1995. Il a par la suite constaté une augmentation de ses douleurs musculaires et présenté un état de faiblesse généralisée, une fatigue chronique, des douleurs articulaires, des troubles du sommeil, puis des troubles cognitifs. Une biopsie réalisée en 2002 a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections vaccinales. M. X a été placé par son employeur à compter du 1er avril 2008 en congé de maladie ordinaire. Le 6 octobre 2010, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir cette décision administrative. Le Conseil d'Etat retient quant à lui qu’ « il ne ressort pasdes pièces du dossier que dans le dernier état des connaissances scientifiques, et alors même que cet état serait postérieur aux décisions attaquées, la probabilité d'un lien entre les injections d'un vaccin contenant de l'aluminium, la présence de lésions musculaires caractéristiques à l'emplacement des injections et la combinaison de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles du sommeil et troubles cognitifs, symptômes de la myofasciite à macrophages, soit très faible.» Il revient ainsi sur sa jurisprudence datant du mois de mars 2008 par laquelle il estimait que l'état des connaissances scientifiques considérait alors comme « très faible» la probabilité d'un lien entre l'injection de vaccins à adjuvants aluminiques et la myofasciite à macrophages.
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Conseil d'État
N° 344561
Publié au recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
M. Gilles Bachelier, président
M. Guillaume Odinet, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
FOUSSARD ; BALAT ; SCP ROGER, SEVAUX, avocats
Lecture du mercredi 21 novembre 2012
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1°) sous le n° 344561, le pourvoi, enregistré le 26 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la ville de Paris, représentée par son maire ; elle demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler le jugement n° 0809285-0811709 du 6 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris, statuant sur la demande de M. B, a annulé pour excès de pouvoir les décisions des 27 mars et 29 mai 2008 par lesquelles le maire de Paris a placé cet agent en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2008 ;
2) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B ;
3) de mettre à la charge de M. B le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 356462, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B, demeurant ... ; il demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler l'arrêt n° 09PA05924 du 22 novembre 2011 par lequel, statuant sur l'appel formé par la ville de Paris, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement n° du 29 juillet 2009 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné la ville de Paris à lui verser une somme de 40 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2006, et d'autre part, rejeté dans cette mesure sa demande de première instance ;
2) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la ville de Paris ;
3) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
Vu l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,
- les observations de Me Balat, avocat de M.B, et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de M. B, et à Me Foussard, avocat de la ville de Paris ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que M. B, a, préalablement à son recrutement comme fonctionnaire par la ville de Paris et à la demande de son employeur, reçu deux injections du vaccin contre l'hépatite B les 2 décembre 1994 et 12 février 1995 ; qu'à la suite de cette vaccination, il a constaté une augmentation des douleurs musculaires dont il souffrait antérieurement et présenté un état de faiblesse généralisée, une fatigue chronique, des douleurs articulaires, des troubles du sommeil, puis des troubles cognitifs ; qu'à la suite d'une biopsie musculaire ayant révélé qu'il souffrait de lésions focales de myofasciite à macrophages, il a été placé en congé de longue maladie à plein traitement à compter du 16 octobre 2002 ; que toutefois, après de nouvelles expertises, le maire de Paris l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2008 par une décision du 27 mars 2008, confirmée, après l'avis du comité médical départemental, par une seconde décision du 29 mai 2008 ; que, sous le n° 344561, la ville de Paris se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. B, annulé ces deux décisions ;
2. Considérant, par ailleurs, que, par un jugement du 29 juillet 2009, le tribunal administratif de Paris a notamment condamné la Ville de Paris à verser à M. B la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices résultant pour lui de la vaccination qu'il avait subie et non pris en compte au titre des accidents de service ; que, sous le n° 356462, M. B se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement en tant qu'il condamnait la ville de Paris et rejeté dans cette mesure sa demande de première instance ;
3. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans le cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmé. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie (...) " ;
Sur le pourvoi de la ville de Paris :
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que, dans son mémoire en défense enregistré le 30 mars 2010 au greffe du tribunal, la ville de Paris soutenait qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, l'existence d'un lien de causalité entre le vaccin contre l'hépatite B et la myofasciite à macrophages n'était pas établi ; que le tribunal a fait droit à la demande de M. B sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement ; que celui-ci doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
7. Considérant que M. B demande l'annulation des décisions des 27 mars et 29 mai 2008 par lesquelles le maire de Paris, estimant que sa maladie n'était pas imputable au service, l'a placé en congé de maladie ordinaire à compter du 1er avril 2008 ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B souffrait, depuis l'âge de 17 ans, de douleurs musculaires à l'effort ayant entraîné une diminution de son activité physique puis une cessation de son activité sportive ; qu'après avoir subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle, deux injections d'un vaccin anti-hépatite B en décembre 1994 et février 1995, il a constaté une augmentation de ses douleurs musculaires et présenté un état de faiblesse généralisée, une fatigue chronique, des douleurs articulaires, des troubles du sommeil, puis des troubles cognitifs ; qu'une biopsie réalisée en 2002 a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections vaccinales ;
9. Considérant que, pour apprécier si une maladie est imputable au service, il y a lieu de prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, lesquelles peuvent être de nature à révéler la probabilité d'un lien entre une affection et le service, alors même qu'à la date à laquelle l'autorité administrative a pris sa décision, l'état de ces connaissances excluait une telle possibilité ; que, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, il ne ressort pas des pièces du dossier que dans le dernier état des connaissances scientifiques, et alors même que cet état serait postérieur aux décisions attaquées, la probabilité d'un lien entre les injections d'un vaccin contenant de l'aluminium, la présence de lésions musculaires caractéristiques à l'emplacement des injections et la combinaison de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles du sommeil et troubles cognitifs, symptômes de la myofasciite à macrophages, soit très faible ;
10. Considérant qu'il ressort du certificat médical du professeur Authier, spécialiste des maladies neuromusculaires, que M. B présente, outre des lésions musculaires de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections vaccinales qu'il a subies, l'ensemble des symptômes de la myofasciite à macrophages, et que ces symptômes se sont installés postérieurement à la vaccination, dans un délai normal eu égard au délai d'apparition des premiers signes de la maladie ; qu'il ressort de ce certificat médical et du rapport d'expertise du professeur Salmon-Ceron que le rythme et l'ampleur de l'aggravation de l'état de santé de M. B n'étaient pas normalement prévisibles au vu des atteintes qu'il présentait antérieurement à sa vaccination ; qu'il n'est pas soutenu que les lésions de myofasciite à macrophages et les symptômes qui y sont associés pourraient résulter d'une autre cause que les vaccinations que M. B a dû subir en raison de son activité professionnelle ; que dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B subie par M. B dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle et la myofasciite à macrophages dont il souffre doit être regardé comme établi ; que, par suite, la maladie dont souffre M. B doit être regardée comme imputable au service ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de M. B, que les décisions du maire de Paris des 27 mars et 29 mai 2008 le plaçant en congé de maladie ordinaire doivent être annulées ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à M. B de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
Sur le pourvoi de M. B :
13. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour a jugé qu'il n'existait pas de lien de causalité entre la vaccination subie par M. B et l'apparition de sa maladie, après avoir relevé que l'état actuel des connaissances scientifiques ne permettait pas de démontrer l'existence d'un lien entre la vaccination et la survenue d'un syndrome clinique, qu'un délai de plus de trois mois s'était écoulé entre la dernière injection du vaccin contre l'hépatite B reçue par l'intéressé le 12 février 1995 et les premiers symptômes de son affection, et que la myofasciite à macrophages n'avait été diagnostiquée que plus de sept ans après la première injection du vaccin ;
14. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qui était soumis à la cour, d'une part, que des études scientifiques récentes n'ont ni exclu, ni estimé comme très faiblement probable l'existence d'un lien entre les injections d'un vaccin contenant de l'aluminium, la présence de lésions musculaires caractéristiques à l'emplacement des injections et la combinaison de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires, troubles du sommeil et troubles cognitifs, symptômes de la myofasciite à macrophages, et, d'autre part, que les symptômes présentés par M. B étaient apparus dans un délai pouvant être regardé comme normal eu égard au délai d'apparition des premiers signes de la maladie ; que par ailleurs, la date du diagnostic final de myofasciite à macrophages est sans incidence sur la date à laquelle cette maladie est apparue ;
15. Considérant, dès lors, que M. B est fondé à soutenir qu'en jugeant qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre sa maladie et les injections vaccinales qu'il avait subies, la cour a qualifié de façon erronée les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;
16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à M. B de la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire n° 356462 est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2010 est annulé.
Article 4 : Les décisions du maire de Paris des 27 mars et 29 mai 2008 sont annulées.
Article 5 : La ville de Paris versera à M. B la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la ville de Paris enregistré sous le n° 344561 est rejeté.
Article 7 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous le n° 356462 sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris et à M. B.