En l’espèce, une patiente est hospitalisée dans un centre hospitalier suite à une tentative de suicide par absorption de médicaments. Elle est ensuite transférée dans un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie où elle décède le lendemain suite à l’absorption de médicaments. La famille de la patiente recherche alors la responsabilité solidaire des deux établissements et se voit refuser toute réparation par les juges du fond, ayant exclu la responsabilité des établissements. Le Conseil d’Etat écarte pour sa part, toute faute du premier centre, la patiente ayant été gardée en observation une nuit, ayant subi un nouvel examen psychiatrique ne révélant aucune contre-indication à son transfert. En revanche, un lavage gastrique n’apparaissait pas nécessaire compte tenu de son état de santé, ainsi la responsabilité du centre hospitalier ne peut être engagée, à défaut de faute. De plus, la Haute juridiction administrative écarte la responsabilité du centre hospitalier spécialisé en psychiatrie où la patiente est décédée, en soulignant que les soins de réanimation ont été pratiqués dans les règles de l’art. Il ajoute également qu’aucun défaut d’organisation du service, qui aurait permis à la patiente d’absorber les médicaments à l’origine de son décès, n’est imputable au centre hospitalier.
Conseil d'État
N° 313115
Inédit au recueil Lebon
5ème sous-section jugeant seule
Mme Hubac, président
M. Jean de L'Hermite, rapporteur
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; LE PRADO ; ODENT, avocats
Lecture du mercredi 21 octobre 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 février 2008 et 7 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Evelyne A, demeurant ..., M. José A, demeurant ..., Mlle Brigitte A, demeurant ..., M. Lucien A, demeurant ..., Mme Maryse A, demeurant ... et M. Philippe A, demeurant ... ; les consorts A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 12 octobre 2006 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté leur demande de condamnation solidaire du centre hospitalier de Compiègne et du centre hospitalier de Clermont de l'Oise à leur verser des indemnités en réparation du préjudice résultant pour eux du décès de Mme Ginette C ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel et d'assortir les indemnités allouées des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts ;
3°) de mettre à la charge solidaire des deux centres hospitaliers la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat des consorts A, de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Compiègne et de Me Odent, avocat du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise,
- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat des consorts A, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Compiègne et à Me Odent, avocat du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise ;
Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que Mme Ginette C, qui souffrait de dépression et avait fait plusieurs tentatives de suicide, a été admise le 14 février 1999 vers 21 h au centre hospitalier de Compiègne après avoir tenté de se suicider par l'absorption de médicaments ; qu'elle a quitté cet établissement le 15 février vers 16 h 30 pour être hospitalisée, à la demande de sa famille, au centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise, spécialisé en psychiatrie, où elle a été conduite par une ambulance et admise vers 17 h 50 ; qu'elle y est décédée le 16 février vers 6 h 10 après avoir été victime d'un malaise ; que les consorts A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 5 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 12 octobre 2006 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté leur demande de condamnation solidaire du centre hospitalier de Compiègne et du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise à leur verser des indemnités en réparation du préjudice résultant pour eux de ce décès ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a écarté la responsabilité du centre hospitalier de Compiègne :
Considérant en premier lieu que la motivation retenue par la cour administrative d'appel pour écarter tant l'existence d'une faute médicale que l'existence d'une faute dans l'organisation du service qui auraient été commises par le centre hospitalier de Compiègne et auxquelles aurait été imputable le décès de Mme C est suffisante compte tenu de la teneur des moyens soulevés devant elle par les consorts A ;
Considérant, en deuxième lieu, que c'est sans dénaturer les pièces du dossier, notamment d'une part le rapport d'autopsie, les rapports d'expertises toxicologiques et les procès-verbaux d'audition des médecins par des officiers de police judiciaire, établis dans le cadre de l'enquête judiciaire à laquelle il a été procédé sur le décès de Mme C, et, d'autre part, le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Amiens, que la cour administrative d'appel a relevé que l'intéressée, qui avait été gardée en observation la nuit du 14 février 1999 et avait fait l'objet d'un nouvel examen psychiatrique et somatique le lendemain, ne présentait plus de contre-indication à son transfert au centre hospitalier de Clermont ; que la cour n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'il n'a pas été possible de déterminer la dose précise de médicaments absorbée lors de la tentative de suicide de Mme C et qu'un lavage gastrique, qui n'est pas une pratique systématique, n'apparaissait pas nécessaire compte tenu de son état de santé ; qu'en se fondant sur ces considérations pour écarter la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Compiègne, les juges du fond n'ont pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ;
Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique en ne déduisant pas l'existence d'une faute médicale de la seule circonstance que Mme C était décédée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a écarté la responsabilité du centre hospitalier de Compiègne ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a écarté la responsabilité du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise :
Considérant que c'est sans dénaturer les pièces du dossier, notamment d'une part le rapport d'autopsie, les rapports d'expertise toxicologique et les procès-verbaux d'audition des médecins par des officiers de police judiciaire, établis dans le cadre de l'enquête judiciaire à laquelle il a été procédé sur le décès de Mme C, et, d'autre part, le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Amiens, que la cour administrative d'appel a relevé que les soins de réanimation de Mme C ont été pratiqués dans les règles de l'art et adaptés à son état, qu'il n'a été possible ni de déterminer le moment où Mme C a absorbé les médicaments qui ont été la cause de son décès ni les quantités absorbées et qu'il n'est pas établi qu'un défaut d'organisation du service aurait permis à Mme C de prendre ces médicaments alors qu'elle était au centre hospitalier de Clermont ; qu'en se fondant sur ces considérations pour écarter la responsabilité pour faute du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise, la cour n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits ;
Considérant que la cour administrative d'appel n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique en ne déduisant pas l'existence d'une faute médicale de la seule circonstance que Mme C était décédée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a écarté la responsabilité du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des centres hospitaliers de Compiègne et de Clermont de l'Oise, qui ne sont pas des parties perdantes, la somme que demandent les consorts A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi des consorts A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Evelyne A, M. José A, Mlle Brigitte A, M. Lucien A, Mme Maryse A et M. Philippe A, au centre hospitalier de Compiègne et au centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise.