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Conseil d'État, 25 septembre 2009, n°313463 (Praticien hospitalier – Indemnité forfaitaire de déplacement)

En l’espèce, un praticien hospitalier exerçant au sein d’un hôpital saisit le Conseil d’Etat en vue d’obtenir l’annulation du jugement d’un tribunal administratif. Celui-ci a rejeté l’annulation de la décision implicite du centre hospitalier quant à sa demande de versement d’indemnité forfaitaire de déplacement ainsi que la condamnation du centre hospitalier à lui verser des indemnités de déplacement qui lui sont dues. Se fondant sur l’article 28 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitalier et sur l’arrêté interministériel du 30 avril 2003, le Conseil d’Etat estime, nonobstant la reconnaissance des pouvoirs généraux d’organisation du directeur du centre hospitalier, que le fait pour ce professionnel de santé de n’avoir pas noté systématiquement de manière chronologique ses heures d’arrivée sur le registre prévu à ce effet, ne peut pas justifier légalement un refus de paiement de ses déplacements d’autant plus qu’il était d’astreinte et que l’établissement n’en conteste pas la réalité. Par ailleurs, selon le Conseil d’Etat, l’indemnité forfaitaire de déplacement a pour objet d’assurer la rémunération du temps de travail effectif accompli par un praticien lors d’une période d’astreinte. Par conséquent, même si le praticien se trouvait à l’hôpital lorsqu’il avait été appelé et n’avait effectué aucun déplacement physique depuis un lieu extérieur à l’hôpital, il avait droit, alors qu’il était d’astreinte, à la rémunération des interventions effectuées. Le Conseil d’Etat fait ainsi droit à la demande de ce médecin et annule le jugement du tribunal administratif en ce qu’il a commis une erreur de droit.

Conseil d'Etat

LE CONSEIL D'ETAT. SECTION DU CONTENTIEUX.
5ème et 4ème sous-sections réunies, Sur le rapport de la 5ème sous-section

N° 313463
25 septembre 2009

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 février et 16 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X, demeurant (...) ; M.X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a rejeté sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire de déplacement au titre de la période comprise entre le 9 novembre 2003 et le 18 novembre 2004 et, d'autre part, à la condamnation du centre à lui verser une somme de 4 448,70 euros en remboursement des indemnités de déplacement qui lui sont dues avec intérêt au taux légal à compter du 30 juin 2005 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande d'indemnité ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 et l'arrêté interministériel du 30 avril 2003 pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers, alors en vigueur : « Les praticiens perçoivent après service fait : (…) / 3° Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires ; / 4° Des indemnités correspondant aux astreintes et aux déplacements auxquels elles peuvent donner lieu. / Les indemnités mentionnées aux deux alinéas précédents sont versées lorsque, selon le choix du praticien, le temps de travail, les astreintes et les déplacements ne font pas l'objet d'une récupération. / Les montants et modalités de versement des indemnités mentionnées aux 2°, 3° et 4° sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et de la santé (…) » ; que l'article 3 de l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé prévoit que la permanence des soins peut être organisée soit sur place, soit par astreinte à domicile qui peut donner lieu à déplacement, le praticien étant tenu dans ce dernier cas de répondre à tout appel dans les plus brefs délais ; que selon l'article 14 du même texte les astreintes à domicile sont indemnisées par une indemnité forfaitaire de base à laquelle s'ajoute en cas de déplacement une indemnité forfaitaire de déplacement, l'indemnisation de l'astreinte et du déplacement étant remplacée par une indemnisation calculée sur la base d'une demi-période de temps additionnel de nuit, de dimanche ou de jour férié lorsque le temps de déplacement atteint une durée effective d'au moins trois heures ; que ce même article dispose : « IV. - Le déplacement représente toujours du temps de travail effectif (…) » ; que selon l'article 18 de l'arrêté : « (…) Les déplacements effectués pour assurer la permanence des soins ne donnent pas lieu au remboursement des frais de transport, ni à l'octroi d'indemnités kilométriques » ; qu'aux termes, enfin, de l'article 19 de l'arrêté : « Chaque praticien effectuant une astreinte à domicile note, à chaque déplacement, sur un carnet à double feuillet, unique pour l'établissement et déposé au service des urgences ou dans tout autre lieu fixé par le directeur après avis de la commission relative à la permanence des soins : /- l'heure de l'appel reçu au cours de l'astreinte ; /- ses heures d'arrivée et de départ de l'hôpital ; /- le nom pour chaque malade soigné et par référence à la nomenclature des actes médicaux, l'indication des soins dispensés » ;

Considérant que le directeur d'un établissement hospitalier tient de ses pouvoirs généraux d'organisation du service compétence pour organiser la permanence des soins et déterminer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les formes selon lesquelles le service fait sera constaté, sans préjudice de la faculté pour les intéressés d'établir, par tout moyen de preuve approprié, qu'ils ont effectivement accompli les services ouvrant droit à rémunération ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, a par une note du 3 novembre 2003, demandé « à chaque praticien qui se déplacera durant l'astreinte de noter les déplacements chronologiquement sur un registre unique » et d'y consigner l'heure d'arrivée, le nom du patient pour lequel il a été appelé puis, une fois le déplacement terminé, l'heure de départ de l'hôpital et les actes médicaux effectués ; que le tribunal administratif de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le directeur du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse n'avait pas excédé ses pouvoirs en édictant ces règles d'organisation de la permanence des soins, au demeurant reprises de l'article 19 de l'arrêté du 30 avril 2003 ;

Considérant cependant, en premier lieu, que le tribunal administratif, en jugeant que le fait pour M. X de n'avoir pas noté systématiquement de manière chronologique ses heures d'arrivée à l'hôpital sur le registre prévu à cet effet et de n'avoir pas toujours inscrit sur ce registre tous les renseignements requis, était de nature à justifier légalement le refus de l'hôpital de lui rembourser les déplacements correspondants, alors qu'il était d'astreinte et que l'établissement ne contestait pas la réalité de ceux-ci et du temps de travail effectif auquel ils avaient donné lieu, a entaché son jugement d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que l'indemnité forfaitaire de déplacement a pour objet d'assurer la rémunération du temps de travail effectif accompli par un praticien lors d'une période d'astreinte ; que, par suite, en excluant la rémunération des interventions effectuées, alors qu'il était d'astreinte, par M. X les 2 décembre 2003, 27 mai 2004, 5, 8, 26 et 29 juillet 2004, 2, 9, 16, 19, 26 et 30 août 2004, 2, 7, 13, 16, 20, 24 et 28 septembre 2004 et 18 novembre 2004 au motif que celui-ci se trouvait à l'hôpital lorsqu'il avait été appelé et n'avait effectué aucun déplacement physique depuis un lieu extérieur à l'hôpital, le tribunal administratif de Lyon a également entaché son jugement d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse le versement à M. X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. X et les conclusions du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X, au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse et à la ministre de la santé et des sports.

Le Président : M. Philippe Martin.