REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) sous le n° 103 289, le recours sommaire et le mémoire complémentaire du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistrés les 21 novembre 1988 et 10 mars 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'article 3 du jugement du 6 septembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, à la demande de Mme X, l'arrêté du 16 novembre 1982 du préfet de la Haute-Loire portant placement d'office de Mme X ;
- de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Vu 2°) sous le n° 103 330, la requête présentée par Mme X, demeurant (...) ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'article 4 du jugement du 6 septembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande tendant à obtenir une indemnité pour internement abusif ;
- de lui accorder une indemnité de 1 000 000 F ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de Mme X,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR et la requête de Mme Xsont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule l'arrêté du 16 novembre 1982 du préfet de la Haute-Loire portant placement d'office de Mme X :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, le ministre n'a contesté la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif que dans son mémoire complémentaire enregistré le 10 mars 1989, postérieurement à l'expiration du délai d'appel ; que, dès lors, ce moyen n'est pas recevable ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que Mme X a presenté le 22 août 1988 au tribunal administratif de Clermont-Ferrand des conclusions, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté préfectoral du 16 novembre 1982 ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que de telles conclusions étaient irrecevables faute d'avoir été présentées par le ministère d'avocat ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 16 novembre1982 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.343 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral contesté ; "les préfets ordonnent d'office le placement, dans un établissement d'aliénés de toute personne ... dont l'état d'aliénation compromettrait l'ordre public ou la sûreté des personnes. Les ordres des préfets seront motivés et devront énoncer les circonstances qui les auront rendues nécessaires ..." ;
Considérant que, lorsqu'un arrêté préfectoral de placement d'office est motivé par référence à un certificat médical, cette motivation ne peut être regardée comme satisfaisant aux exigences des dispositions précitées du code de la santé publique que si le certificat médical décrit lui-même avec précision l'état mental de la personne dont le placement d'office est ordonné ;
Considérant que le certificat médical daté du 12 novembre 1982, auquel se référe l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 16 novembre 1982 ordonnant le placement d'office de Mme X se borne à mentionner "qu'après plusieurs informations différentes et concordantes, recueillies auprès de son entourage, ainsi que l'avis de l'interne en psychiatrie qui la suit en dispensaire, il apparaît que Mme Y., épouse X. ... présente un état morbide, la mettant en danger pour elle-même et ses proches" ; qu'un tel certificat, outre qu'il ne fait pas ressortir que le médecin qui l'a signé a examiné personnellement la personne concernée, ne saurait être regardé comme décrivant avec une précision suffisante l'état mental de cette personne ; qu'il suit de là que l'arrêté préfectoral du 16 novembre 1982 ne répond pas à l'exigence de motivation énoncée par l'article L.343 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ledit arrêté ;
En ce qui concerne la requête de Mme X, tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette sa demande d'indemnité dirigée contre l'Etat :
Considérant que, contrairement aux prescriptions de l'article 40 de l'ordonnance du 31 juillet 1945, la requête susanalysée ne comporte l'énoncé d'aucun fait ni d'aucun moyen ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR et la requête de Mme X sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X et au ministre de l'intérieur.