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Conseil d'Etat, 28 novembre 2024, n° 497323

Par deux décisions en date du 28 novembre 2024, le Conseil d’Etat est venue rappeler la compatibilité de l’interdiction par la loi française de la procréation médicalement assistée (PMA) post mortem avec la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).

En l’espèce, un couple marié avait débuté en 2022 un parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP) avec fécondation in vitra (FIV) et conservation d’embryons auprès d’un centre hospitalier universitaire. A la suite du décès de son époux, la veuve avait demandé :
- à l’Agence de biomédecine (ABM) l’autorisation de faire sortir du territoire les embryons du couple conservés par ce centre vers l’Espagne aux fins de poursuite de leur projet parental mais en vain, l’ABM lui ayant notifié en juillet 2024 une décision rejetant sa demande ;
- au centre d’AMP, la poursuite du parcours d’AMP et le transfert des embryons conservés, en vain également en raison du rejet de sa par le centre.
La veuve a saisi le juge des référés du tribunal administratif pour demander d'une part qu'il soit enjoint à l'ABM d'autoriser la sortie du territoire des embryons du couple vers l'Espagne et d'autre part, la suspension de la décision de rejet du centre hospitalier et le réexamen de sa demande de transfert embryonnaire. Par deux ordonnances des 16 août et 3 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif rejeta les demandes de la veuve. C'est sur les pourvois de la veuve en cassation devant le Conseil d'État que ce dernier, statuant sur les deux demandes jointes, se prononce par la présente décision.

S’agissant de la question de la réalisation d’une AMP post mortem, le Conseil d’Etat s’appuie sur la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 14 septembre 2023 (Barret et Caballero c/ France, n° 22296/20 et 37138/20) selon laquelle, le refus opposé aux requérantes de procéder à un transfert vers l’Espagne de gamètes et d’embryons en vue d’une AMP post mortem ne viole pas l’article 8 de la CEDH garantissant le respect de la vie privée.
Dans sa décision, le Conseil d’État reconnait que l’interdiction par le législateur français pour la veuve désirant poursuivre un projet parental commencé avec son conjoint constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la CEDH, mais que cette interdiction relève de la marge d’appréciation dont chaque État dispose pour l’application de la CEDH.

Ainsi, se fondant sur le principe selon lequel le projet parental d’un couple nécessite l’accord des deux membres pour poursuivre une AMP, le Conseil d’Etat a considéré, à juste titre, que le décès d’un membre destiné à devenir parent de l’enfant interrompt le projet.

A cet égard, le Conseil d’État a rappelé que cette situation est différente de celle d'une femme non mariée qui a conçu seule, dès l'origine, un projet parental à l'issue duquel l'enfant n'aura qu'une filiation maternelle.

S’agissant du transfert d’embryons vers un pays étranger, le Conseil d’Etat applique les dispositions du Code de la santé publique (Art. L. 2141-2 et L. 2141-9) sur lesquels se fonde l’ABM, qui interdisent la sortie du territoire d’embryons conservés en France s’ils sont destinés à être utilisés à l’étranger à des fins qui sont prohibés sur le territoire national. En l’espèce, la prohibition visée par le Conseil d’Etat et l’ABM est le transfert d’embryons en cas de décès d’un des membres du couple lorsque le projet parental est celui d’un couple. Là encore, le Conseil d’Etat considère que cette décision ne méconnait pas les dispositions de l’article 8 de la CEDH.