Par une décision en date du 28 octobre 2022, le Conseil d’Etat est venu rappeler les conditions d’indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d’une personne décédée.
En l’espèce, au cours de son hospitalisation au sein du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, une patiente a subi plusieurs opérations et gestes médicaux entrainant des troubles mécaniques, neurologiques et psychologiques conséquents (déficit fonctionnel permanent évalué à 50%).
La patiente et sa famille (son mari et ses deux enfants) ont alors demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le CHU de Poitiers (pour perte de chance et manquement à son obligation d’information) et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des préjudices subis à l’occasion de la prise en charge par cet établissement dans le cadre de la responsabilité sans faute mentionnée à l’article L. 1142-1 du code de la santé publique devant l’ONIAM.
Le tribunal administratif de Poitiers a estimé que les séquelles de la patiente devaient être regardées comme résultant d’un accident médical non fautif ouvrant par conséquent droit à prise en charge au titre de la solidarité nationale et a condamné l’hôpital pour perte de chance.
En appel, interjeté par l’ONIAM, la Cour d’appel de Bordeaux a notamment condamné l’ONIAM à indemniser les ayants droit de la patiente décédée au cours de l’instance, « au titre de leurs préjudices propres ».
En cassation, le Conseil d’Etat rappelle sur ce point, les conditions d’indemnisation des ayants droit prévues par la loi du 9 août 2004, à savoir : ces « dispositions ouvrent droit à réparation aux proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu’ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain. Par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n’a pas bénéficié d’une indemnisation, les droits qu’elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application du droit successoral résultant du code civil ».
Ainsi, le Conseil d’Etat estime que « pour juger que les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ouvraient aux ayants droit de la patiente, un droit à réparation de leurs préjudices propres au titre de la solidarité nationale, la cour s’est fondée sur la seule circonstances que la patiente défunte, victime d’un accident médical ouvrant droit pour elle-même à réparation au titre de la solidarité nationale, était à la date de son arrêt, décédée. En statuant ainsi, sans rechercher si la patiente défunte était décédée en raison de l’accident médical dont elle a été victime, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ».
De plus, le Conseil d’Etat considère que la Cour a commis une seconde erreur de droit « en mettant à la charge de l’ONIAM la réparation, au titre de la solidarité nationale, non seulement du préjudice d’affection mais également du préjudice sexuel subi par le conjoint, avant le décès de son épouse, du fait de l’accident médical dont celle-ci a été victime, alors qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique que n’ouvraient droit à réparation, à ce titre, que des seuls préjudices résultant du décès de la patiente, à l’exclusion des préjudices nés antérieurement ».